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Appels à contributions
Ethnographie et littérature

Ethnographie et littérature

Publié le par Julia Peslier (Source : Alain-Michel Boyer)

Projet d'ouvrage collectif, dans le cadre de l'équipe « Textes, Langages, Imaginaires » de l'Université de Nantes, dont le programme porte actuellement sur la question des marges littéraires.


Le volume paraîtra dans la collection « Horizons comparatistes », aux Editions Cécile Defaut (diffusion P. U. F.). (Titres déjà publiés : Théorie des marges littéraires, Le Roman historique, Les Romans du Je, Poétiques du roman d'aventures, etc.).

Présentation

Depuis les prémisses de l'ethnologie, au XVe siècle, avec l'Histoire d'un voyage faict en la terre du Brésil, de Jean de Léry (1578) --- considérée par Lévi-Strauss à la fois comme le « bréviaire de l'ethnologue » et le « chef-d'oeuvre de la littérature ethnologique » ---, littérature et enquête ethnographique ont toujours suivi deux chemins parallèles, étonnamment proches. A priori, on pourrait croire qu'elles sont contraires, puisque tout semble les opposer, sur le plan de leurs finalités, de leurs méthodes, de leurs modalités d'approche du réel, de l'usage du langage. Mais y a-t-il d'une part une littérature close sur son autonomie esthétique, et de l'autre une anthropologie hermétiquement fermée sur une seule hantise : son aspiration à la « science », au recensement méticuleux des altérités ? A l'opposé, dans quelle mesure la relation ethnographique ne peut-elle pas être considérée, parfois, comme une fiction (du moins si l'on se place du côté du peuple observé) ? D'autant que l'ethnologie est justement née, en une longue gestation, de la littérature elle-même, elle est née plus précisément d'une « branche » de la littérature, au moment où, entre Le Devisement du monde de Marco Polo, en 1298, et les Voyages en Turquie, en Perse et aux Indes de Tavernier, en 1676, l'étrange commence à être trouvé à l'étranger, et donc dans un récit de voyage anticipant ce que deviendra l'ethnographie, à la fin du XIXe siècle. Mais ce lien n'a-t-il pas été souvent occulté dans l'ordre littéraire ? Ainsi, alors qu'il aime tant citer Plutarque, Sénèque ou Virgile, Montaigne, à aucun moment, ne cite le nom de Jean de Léry, bien que dans « Des Cannibales » et « Des Coches », il se réfère souvent à lui, jusqu'à le commenter de manière scrupuleusement linéaire. D'où l'importance d'examiner les points de contact effectifs, parmi les plus secrets, car ils impliquent souvent l'existence de relations dynamiques. D'où l'intérêt d'aborder des oeuvres qui s'aventurent sur ces marges, car elles sont les garants d'une littérature conçue comme système ouvert : dans ces zones d'indétermination, coexistent, dans la tension et la confrontation, de nouvelles singularités de l'écrit. Puisque, comme l'économie, la littérature commence au seuil de la valeur d'échange, la frontière n'est pas seulement ce qui délimite des champs, elle est aussi le site à partir duquel une autre réflexion peut s'organiser, un autre langage advenir, d'autant qu'il existe toujours, chez les promeneurs des confins, chez les voyageurs qui jettent des ponts entre des rives dissemblables ou lointaines, un extraordinaire pouvoir d'éveilleur.


Des contributions sont particulièrement attendues sur les sujets suivants : l'abbé Prévost, lecteur des voyageurs en Amérique septentrionale; les écrivains des Lumières, lecteurs des récits de voyageurs, comme les textes des Jésuites ; Melville, dans Taïpi, lecteur des écrits sur les îles Marquises de David Porter ou du révérend Charles Stewart ; T. S. Eliot de The Waste Land, lecteur de The Golden Bough de J. G. Frazer; l'écrivain Péruvien Arguedas, ethnologue et romancier ; l'adaptation, dans une mise en scène de Peter Brook, du livre de Colin Turnbull, The Mountain People/ Les Iks) ; sans oublier les relations ethnographiques qui, comme celles de Nigel Barley (The Innocent Anthropologist/Un anthropologue en déroute), remettent en cause l'enquête ethnographique elle-même ; Antonin Artaud, pour écrire ses textes sur les Tarahumaras, a-t-il lu les ouvrages ethnologiques contemporains, comme les publications du Handbook of South American Indians ?, etc.


Les propositions, d'une page ou d'une demi-page, accompagnée d'un C.V. de deux à trois lignes, sont à envoyer avant le 15 décembre 2009, à : Alain-Michel.Boyer@univ.nantes.fr. L'article sera à remettre avant le 15 septembre 2010.