Édition
Nouvelle parution
Ecris-moi si tu m'aimes encore. Une correspondance amoureuse au XVIIIe siècle

Ecris-moi si tu m'aimes encore. Une correspondance amoureuse au XVIIIe siècle

Publié le par Laure Depretto

Ecris-moi si tu m'aimes encore... Une correspondance amoureuse au XVIIIe siècle

Edition d'Isabelle Foucher

Préface d'Arlette Farge

Bayard culture

28 janvier 2010, 346 pages

  • ISBN: 978-2-227-47894-7
  • Prix: 19,50 euros

Présentation de l'éditeur:

Ces lettres ne nous étaient pas destinées.
Codées, écrites à lahâte, cachées, elles disent la passion d'une jeune femme pour soncousin, à la fin du XVIIIe siècle. Un amour empêché, contrarié par lepère de l'inconnue, contrarié aussi par l'enfermement de l'amoureux,par sa passion pour la boisson... Cet amour n'a pas le droit d'existerni de se dire, seulement de s'écrire en secret. Mêlées aux papiers decet officier, ces lettres ont sommeillé dans un carton, parmi desdocuments divers, dans le fonds d'archives du Châtelet de Paris.
D'unerare beauté, elles nous font partager les états d'âme de cetteamoureuse et nous entraînent au plus près de son ressenti, dans un flotde mots non relus.

Sommaire:

  • LES LETTRES
  • DENOUEMENT

***

On peut lire une recension de cette édition sur lemonde.fr, Robert Solé, "La sensuelle Rose et le vilain canut":

La sensuelle Rose et le vilain Canut

LE MONDE DES LIVRES  - 28.01.10.  Article paru dans l'édition du 29.01.10

C'est un vrai trésor qu'a découvert Isabelle Foucher, chargée d'études aux Archives nationales : soixante-six lettres d'amour d'une inconnue, adressées à un certain Pierre Basilede Canut, lieutenant de marine. Elles sommeillaient dans un carton, aufond d'un dépôt. L'une d'elles abritait une mèche de cheveux blonds,tressée à un ruban bleu (Ecris-moi si tu m'aimes encore... Une correspondance amoureuse du XVIIIe siècle, Bayard, 350 p., 19,50 €).

Ces lettres écrites en secret, à Bayonne, entre 1783 et 1786, ont laparticularité d'être cryptées. Les voyelles et certaines consonnes ysont remplacées par des chiffres, et les mots compromettants réduits àdes initiales. Soit "Pt" pour "petit Canut" et "mt Ct" pour "méchant Canut".

Car l'officier en question est un sacré loustic, "un fort mauvais sujet": colérique, parfois violent, s'adonnant à la boisson, il a eu droit àla prison puis à une résidence surveillée. Sa cousine, follementamoureuse de lui ("Dis-moi toutes tes pensées, dis-moi tout ce que tu fais, mets-moi de moitié dans tout ce qui t'arrive"), n'arrête pas de le raisonner, de le gronder, de le mettre en garde : "Vousallez boire avec les ivrognes de Saint-Martin, vous êtes encore lafable de cette paroisse... A votre place, mon cher Canut, je memettrais dans l'impossibilité d'avoir du vin... Tu étais le plus tendredes hommes, aujourd'hui tu es l'homme le plus injuste et le plusbarbare..." Tutoiement et vouvoiement alternent selon les circonstances, cohabitant parfois dans la même phrase : "Je m'attendais à cette belle lettre, ce n'est plus toi, c'est vous et ha ! mon coeur se dilate."

Lelivre est intéressant à double titre. Isabelle Foucher ne se contentepas de retranscrire et de commenter ces lettres, saisies par la policeaprès le décès de l'officier dans un duel : elle raconte aussi letravail de limier qui lui a permis de retrouver l'identité de la jeunefille et de reconstituer l'histoire.

A deux reprises, l'amoureuse omet d'effacer son prénom : elle s'appelle Rose. R4z2, selon le code. Il s'agit de Rose de Lalandede Luc, une jeune noble, que sa famille n'entend pas marier à ce Canut,qui a démissionné de son poste et envisage de partir on ne sait où...

Que de sensualité derrière ces pages si pudiques ! Rose ne parvient pas à "fixer les endroits" où la sensation passe tour à tour quand elle reçoit une lettre de l'officier. Après une rencontre clandestine, elle précise : "J'ai encore l'impression de tes caresses qui m'ont si bien pénétrée."

L'historienne Arlette Farge, qui préface le livre, y voit "un XVIIIe siècle un peu décalé entre Watteau et Fragonard".Elle retrouve dans cette correspondance tout l'esprit de l'époque :l'instabilité, la passion, le goût de la liberté, la soif duchangement...

On sent que Rose étouffe, cherche à se libérer,mais craint les conséquences de son geste. En même temps, elle n'estpas mécontente de voir son amoureux sous les verrous, pour mieux lesurveiller. Même la clandestinité, finalement, ne lui déplaît pas. "Plus l'amour est mystérieux, plus il a de charmes", écrit la délicieuse R4z2 au méchant Canut qui ne la méritait peut-être pas.

Robert Solé. Article paru dans l'édition du 29.01.10