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Appels à contributions
Derrida et le XVIIIe siècle

Derrida et le XVIIIe siècle

Publié le par Antoine Poisson (Source : Nassif Farhat)

DERRIDA ET LE XVIIIe SIÈCLE 

Colloque international, mai 2023

(IHRIM - ENS de Lyon)

Appel à communications 

     A l'exception de quelques lecteurs derridiens de Rousseau, rares sont les dix-huitiémistes qui continuent de faire cas des apports de la pensée de Derrida. Plus rares encore, les derridiens qui se réfèrent à Derrida comme à un dix-huitiémiste, à un lecteur de la littérature et de la philosophie du XVIIIe siècle, à un philosophe ou à un intellectuel pour qui le XVIIIe siècle ou les Lumières ont compté, ont fait sens comme moment de la pensée, ou comme moment de rupture dans la pensée. 

     Pourtant les références abondent dans son œuvre, célèbres ou moins remarquées. Il y a bien sûr Rousseau, Kant et Condillac ; mais aussi, et parmi tant d’autres, Helvétius au seuil de De l’esprit, Voltaire dans Foi et savoir et dans La carte postale, Beccaria dans le premier séminaire La peine de mort, Diderot au début et Sade au milieu d’Apories. On trouve encore les Lettres sur l’Égypte de Savary dans La Vérité en peinture, Robinson Crusoé dans le deuxième séminaire La bête et le souverain, une fable de Florian dans Politiques de l’amitié, une lettre à Sophie Volland et la Lettre sur les aveugles dans Mémoires d’aveugle. Non moins importantes, quoique plus diffuses, sont enfin les allusions générales à la Révolution française et les références fantômes. Ainsi reconnaît-on le spectre du Rêve de D’Alembert derrière La Logique du vivant dans le séminaire La vie la mort, ou celui du Neveu de Rameau derrière l’Histoire de la folie dans L’écriture et la différence

     L’imposante culture dix-huitiémiste dont dispose et se sert Derrida pose ainsi au lecteur contemporain des questions d’au moins trois ordres.  

- Philologique, d’abord : quels ont été, dans la pensée de Derrida, le sens, l’enjeu et la nature de cet héritage des Lumières ?

- Herméneutique ensuite : la méthode élaborée par Derrida en lisant les textes du XVIIIe siècle peut-elle s’exporter, redessiner notre compréhension des Lumières ? Peut-on articuler la portée générale des thèses qu’il formule dans ses lectures dix-huitiémistes à une connaissance particulière de cette époque de l’histoire ?

- Philosophique et pratique enfin : quels usages pouvons-nous, devons-nous faire de l’héritage derridien des Lumières face aux crises que nous traversons ?

     Les enjeux de ce questionnement paraissent aujourd’hui innombrables, qui engagent, à l’intérieur et au-delà du champ philosophique, un nombre considérable de disciplines : 

1. La linguistique et l’anthropologie, dont Derrida non seulement interroge les fondements et le territoire à partir de Rousseau dans De la grammatologie, mais dont il repense aussi l’écriture depuis une grammaire de la langue et une géographie du voyage qui pourraient bien être celles des Lumières.

2. L’histoire, car s’il prend parfois soin de les déshistoriciser, Derrida formule maints jugements qui renvoient aux Lumières comme à un événement singulier et cohérent, tournant ou point de rupture.

3. La politique, qu’engage chez Derrida aussi bien l’évocation récurrente de la Révolution française que la mise en question, sous toutes ses formes, du projet politique qui la sous-tend.

4. L’esthétique, puisque c’est bien aussi depuis le XVIIIe siècle, et avec le XVIIIe siècle en regard que Derrida l’aborde et la déborde, d’Economimésis à Mémoires d’aveugle en passant par La vérité en peinture.

5. La littérature enfin, que Derrida n’a de cesse de convoquer dans l’exercice de la philosophie. En quoi cette pratique dérive-t-elle de celle des Lumières ? En quoi permet-elle de faire retour vers les marges littéraires de la philosophie des Lumières ?

                                                         

Call for papers

     With the exception of some derridian readers of Rousseau, few eighteenth-centuryists continue to pay attention to the contributions of Derrida’s thought. Even fewer are the derridians who refer to Derrida as an eighteenth-centuryist, a reader of the 18th century literature and philosophy, a philosopher or intellectual for whom the 18th century or the Enlightenment counted, made sense as a moment of thought, or as a moment of rupture in thought. 

     Yet references abound in his works, both famous and lesser known. There are, of course, Rousseau, Kant and Condillac ; but also, and among many others, Helvétius at the beginning of Of spirit, Voltaire in Faith and knowledge and in The post card, Beccaria in the first seminar The death penalty, Diderot at the beginning and Sade in the middle of Aporias. We also encounter Savary's Letters on Egypt in The truth in painting, Robinson Crusoe in the second seminar The beast and the sovereign, a fable by Florian in Politics of friendship, a letter to Sophie Volland and the Letter on the blind in Memoirs of the blind. Not any less important, though more diffuse, are the general allusions to the French Revolution and the ghostly references. Thus, we can recognise the spectre of D'Alembert's dream behind The logic of life in the seminar Life death, or that of Rameau's nephew behind the History of madness in Writing and difference.

     The impressive eighteenth-century culture which Derrida has at his disposal and uses thus raises questions of at least three kinds for the contemporary reader.

- Philological questions, to begin with : what were the meaning, the stake and the nature of this Enlightenment heritage in Derrida's thought ?

- Secondly, hermeneutic ones : can the method developed by Derrida in reading 18th century texts be exported, and reshape our understanding of the Enlightenment ? Can the general scope of the theses he formulates in his eighteenth-century readings be linked to a particular knowledge of this historical period ?

- Lastly, philosophical and practical ones : what use can and should we make of the derridian heritage of the Enlightenment as regards the crises we are experiencing today ?

     The stakes of this questioning nowadays appear to be innumerable, involving, within and beyond the philosophical field, a considerable number of disciplines : 

1. Linguistics and anthropology, the foundations and territory of which Derrida not only questions from Rousseau in On grammatology, but which writing he also rethinks from a grammar of language and a geography of travel that could actually be those of the Enlightenment.

2. History, because although he is sometimes careful to dehistoricise them, Derrida formulates many judgements that refer to the Enlightenment as a singular and coherent event, a turning point or a breaking point.

3. Politics, which in Derrida's case involves both the recurrent evocation of the French Revolution and the questioning, in all its forms, of the political project that underlies it.

4. Aesthetics, which Derrida also approaches and surpasses from the 18th century, and with the 18th century in mind, from Economimesis to Memoirs of the blind via The truth in painting.

5. Finally, literature, which Derrida never ceases to call upon in the exercise of philosophy. In what way does this practice derive from that of the Enlightenment ? How does it allow us to take a new interest in the literary margins of the Enlightenment philosophy ?

                                                         

Calendrier et modalités de soumission

     - Les propositions de communication compteront 500 mots maximum.

     - Elles devront être accompagnées d’une notice bio-bibliographique.

     - Elles seront envoyées au plus tard le 30 septembre 2022, aux deux adresses suivantes :

          nassif.farhat@ens-lyon.fr

          susana.seguin@ens-lyon.fr

     - Les décisions du comité scientifique seront communiquées à partir du 1 novembre 2022.

 

Comité scientifique

Jacques-Olivier Bégot – Université de Rennes 1 / Archives Husserl (UMR 8547)

Marion Chottin – École Normale Supérieure de Lyon / Hiphimo (EA 1451), IHRIM (UMR 5317)

Danielle Cohen-Levinas – Université Paris 4-Sorbonne / Centre Emmanuel Levinas (EA 3552), Archives Husserl (UMR 8547)

Stéphane Lojkine – Université Aix-Marseille / CIELAM (EA 4235)

Élise Pavy-Guilbert – Université Bordeaux Montaigne, Institut Universitaire de France / Plurielles (UR 24142)

Jacob Rogozinski – Université de Strasbourg / CREPHAC (UR 2326)

Alain Sandrier – Université de Caen Normandie / LASLAR (UR 4256)

Mathilde Vallespir – Sorbonne Université / STIH (EA 4509)

Comité d’organisation

Maria Susana Seguin – Université Paul-Valéry Montpellier 3, École Normale Supérieure de Lyon, Institut Universitaire de France / IHRIM (UMR 5317)

Nassif Farhat – École Normale Supérieure de Lyon / IHRIM (UMR 5317)