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Shakespeare et l’intelligence : esprits, mécanismes, réseaux (Paris)

Shakespeare et l’intelligence : esprits, mécanismes, réseaux (Paris)

Publié le par Marc Escola (Source : Société Française Shakespeare)

Shakespeare et l’intelligence : esprits, mécanismes, réseaux

19-21 mars 2026, Paris

« Quel chef-d’œuvre que l’homme ! Si noble en sa raison, si infini dans ses facultés… »

Hamlet, II, 2 (trad. Jean-Michel Déprats, Pléiade)[1]

Dans un monde où l’on peut demander à l’intelligence artificielle de rédiger tout type de texte, y compris des appels à contributions comme celui-ci, il semble opportun de s’interroger sur l’intelligence elle-même et de se saisir des œuvres de Shakespeare et de ses contemporains comme outil privilégié pour interroger et questionner la notion d’intelligence, ses limites et ses incarnations. Au début de la période moderne, les débats sur la raison, l’apprentissage, l’esprit, la mémoire, ce qu’en latin on appelait intelligentia et que nous appellerions aujourd’hui la cognition, étaient en pleine mutation, avec l’émergence des cadres épistémologiques, des pratiques rhétoriques et des paradigmes scientifiques nouveaux. Aujourd’hui, avec les progrès des neurosciences, de l’intelligence artificielle générative et de l’apprentissage automatique, nos conceptions des facultés de l’esprit et de l’intelligence sont à nouveau en train d’évoluer rapidement. Ce colloque international invite les chercheur.e.s, les praticien.ne.s et les artistes à explorer les intersections entre Shakespeare et l’intelligence, pris au sens large du terme.

Quels types d’intelligence sont représentés dans les pièces de Shakespeare ? Lorsqu’il utilise le terme, c’est dans le sens d’« information (secrète) » : les sorcières dans Macbeth sont décrites comme des « oracles incomplets » (1.3.70) capables de partager une « étrange connaissance » (strange intelligence, 1.3.76) ; les Français utilisent dans Henry V de « bons espions » (good intelligence, 2.Chorus 12) pour fomenter une « conspiration » monstrueuse (2.Chorus 25) dans les rangs anglais ; Gloucester se dit dans Richard III victime de « fourbes rapports » (false intelligence, 2.1.55) alors qu’il est décrit comme un « noir agent de l’enfer » (Hell’s black intelligencer, 4.4.70). Au-delà de cet usage spécifique du terme, nous voudrions nous demander comment la dramaturgie de l’intelligence se déploie sur scène, à travers le soliloque, l’ironie, le dialogue ou la tromperie. Que signifie « savoir », « comprendre » ou « penser » dans l’univers shakespearien, compte tenu des évolutions dans le domaine des facultés de l’esprit? Et comment les œuvres de Shakespeare peuvent-elles informer – ou être informées par – les discours d’aujourd’hui sur l’intelligence, de la théorie de l’esprit en psychologie à l’éthique de l’intelligence artificielle ?

Nous accueillons des propositions qui étudient les multiples dimensions de l’intelligence dans les œuvres de Shakespeare et de ses contemporains, et dans leurs adaptations et leurs résurgences. Les contributions pourront porter sur les conceptions de l’esprit et de ses facultés au début de la modernité, le rôle de l’éducation et de la mémoire, les causes, les acteurs et les formes de l’intelligence dans le sens d’« information », l’intelligence émotionnelle et morale, ou les logiques de persuasion et de manipulation. Nous accueillerons également des réflexions sur Shakespeare et ses contemporains à travers le prisme des sciences cognitives, de l’intelligence artificielle, de la théorie des réseaux, du post-humanisme et de la lecture automatique (machine reading). Comment Shakespeare peut-il nous aider à réfléchir sur ce que signifie être intelligent – hier, aujourd’hui et demain ?

On pourra ainsi s’intéresser, entre autres sujets, à :

-       La dramaturgie de la pensée : Les soliloques en tant que performance cognitive. L’intelligence comme illusion théâtrale. Le débat intérieur et ses manifestations visibles.

-       Théorie de l’esprit et empathie : Comment les personnages shakespeariens manipulent-ils les esprits des autres ? Quels sont les mécanismes cognitifs à l’œuvre dans l’ironie dramatique ?

-       Rhétorique, persuasion et esprit : La politique de l’intelligence. L’agilité verbale et la ruse dans les comédies, les pièces historiques et les tragédies.

-       Intelligence et idiotie : Le contraire de l’intelligence, ou ce qui constitue la non-intelligence.

-       Intelligence artificielle et Shakespeare : Shakespeare généré par l’IA. L’apprentissage automatique et le style littéraire. Les Chatbots interprétant les Sonnets. Shakespeare à l’ère de ChatGPT.

-       Cognition et affect : L’intelligence émotionnelle dans les relations entre personnages shakespeariens. L’amour, la jalousie, le chagrin et la vengeance en tant que processus cognitifs.

-       Les esprits animaux, inhumains et posthumains : L’intelligence non humaine dans le théâtre de la première modernité (par exemple, Puck, les sorcières, Méphistophélès). L’intelligence écologique.

-       Mémoire et mnémotechnie : Les techniques de mémorisation à la Renaissance et dans la dramaturgie de Shakespeare.

-       Pédagogies de l’intelligence : Shakespeare et l’éducation des élites. Les écoles, précepteurs et modèles pédagogiques dans les pièces de théâtre.

-       Réseaux d’intelligence : La cognition distribuée (CogD). La pensée collective. L’intelligence des foules et des machinations.

-       Shakespeare et la surveillance : La connaissance, l’espionnage, les secrets et la guerre de l’information dans le monde de Shakespeare.

-       Métacognition et ironie : Quand les personnages savent qu’ils pensent. La conscience de soi et la réflexivité dramatique.

-       Philosophie de l’esprit : Les théories de l’âme, de l’intellect et de l’imagination durant la première modernité. Le dualisme corps-esprit dans les pièces de théâtre.

-       Shakespeare numérique : L’interprétation algorithmique. La « lecture à distance » (distant reading). La modélisation informatique de la langue et du style de Shakespeare.

Ce colloque vise à favoriser le dialogue interdisciplinaire entre les études littéraires et des domaines tels que la philosophie, l’informatique, la psychologie, les sciences cognitives et l’intelligence artificielle. Nous encourageons les chercheurs et chercheuses à penser au-delà des périodes historiques et des cadres épistémologiques, en faisant dialoguer Shakespeare avec les traditions intellectuelles de son époque et les révolutions technologiques de la nôtre. Il s’agit de considérer à nouveau comment Shakespeare et ses contemporains nous aident à imaginer – et peut-être à reprogrammer – ce que l’on entend par « intelligence ».

Merci de faire parvenir pour le 15 septembre 2025 votre proposition de communication (titre de la communication, mots-clés et résumé d’environ 300 mots) accompagnée d’une courte notice biobibliographique, à l’adresse suivante : sfs2026conference@gmail.com

Les réponses seront données le 15 octobre 2025. Les communications seront d’une durée de 20 minutes.

Veuillez noter que la présentation d'une communication retenue est réservée aux membres de la société. L'adhésion contribue directement à la tenue du congrès, qui reste ainsi gratuit et accessible à toutes et tous. Merci de soutenir cette dynamique collective.

Comité scientifique 

Gilles Bertheau (Tours)

Yan Brailowsky (Paris Nanterre)

Mary Crane (Boston College)

Louise Fang (Sorbonne Paris Nord)

Claire Guéron (Université de Bourgogne)

Sarah Hatchuel (Montpellier) 

Lisa Hopkins (Sheffield Hallam)

Anne-Marie Miller-Blaise (Sorbonne Nouvelle)

Sandrine Parageau (Paris Sorbonne)

Jonathan Pollock (Perpignan) 

Christine Sukic (Reims)

Nathalie Vienne-Guerrin (Montpellier).

Indicative bibliography

Akkerman, Nadine, Invisible Agents: Women and Espionage in Seventeenth-century Britain, Oxford: Oxford University Press, 2018.

Angus, Bill, Intelligence and Metadrama in the Early Modern Theatre, Edinburgh: Edinburgh University Press, 2019. 

Banks, Kathryn; Chesters, Timothy, editors, Movement in Renaissance Literature: Exploring Kinesic Intelligence, New York: Palgrave Macmillan, 2018.

Bennett, William R., Jr., ‘How Artificial Is Intelligence?’, American Scientist 65 (1977): 694-702.

Booth, Michael, Shakespeare and Conceptual Blending: Cognition, Creativity, Criticism, Cham: Palgrave Macmillan, 2017.

Brailowsky, Yan, ‘“Where’s my knave, my fool?”: à la recherche du clown élisabéthain’, in Philippe Goudard and Nathalie Vienne-Guerrin, editors, Figures du clown, sur scène, en piste et à l’écran, Montpellier, Presses universitaires de la Méditerranée – PULM, 2020, 23-40.

Carroll, William C., ‘“Strange Intelligence”: Transformations of Witchcraft in Macbeth Discourse’, in Bladen Victoria and Yan Brailowsky, editors, Shakespeare and the Supernatural, Manchester University Press, 173-89, 2020.

 

Crane, Mary Thomas, Shakespeare’s Brain: Reading with Cognitive Theory, Princeton University Press, 2001. 

 

Findlen, Paula, Empires of Knowledge: Scientific Networks in the Early Modern World, London: Routledge, 2018.

 

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Guéron, Claire, Allegorising Thought on the Shakespearean Stage. The Discovery of the Mind, Edinburgh University Press, 2023. 

 

Hackett, Helen, The Elizabethan Mind. Searching for the Self in an Age of Uncertainty, Yale University Press, 2022. 

 

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[1] Toutes les traductions et références sont tirées de la traduction Pléiade, dirigée par Jean-Michel Déprats et Gisèle Venet.