Actualité
Appels à contributions
Le Kitsch dans tous ses éclats contemporains (revue Double Jeu)

Le Kitsch dans tous ses éclats contemporains (revue Double Jeu)

Publié le par Marc Escola (Source : Philippe Ortoli)

Double Jeu, n° 23 

Le Kitsch dans tous ses éclats contemporains 

Coordination : Romain Jobez et Philippe Ortoli 

La cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Paris en 2024 a rendu évidente auprès d’un très large public la certitude de moins en moins diffuse que le kitsch, appellation maintes et maintes fois employée voire dévoyée depuis notre entrée (déjà lointaine) dans la postmodernité, marquait une franche orientation dans la conception esthétique contemporaine. Qu’on apprécie ou non son travail de metteur en scène, Thomas Jolly n’est pourtant en rien l’unique responsable de ce constat global, même si, effectivement, le retentissement médiatique de son spectacle a permis au plus grand nombre de mesurer combien ce style était appelé à universellement triompher, puisque, aux yeux du monde dont il accueillait les représentants, en scène comme à l’écran, il illustrait les valeurs de l’olympisme et du pays hôte, à l’histoire représentée sous forme de tableau vivant et de procession fluviale. 

Cette évidence n’est donc en rien reliée à la seule France, ni d’ailleurs aux cérémonies patrimoniales et sportives : le cinéma (Barbie (Gerwig, 2023), Pauvres Créatures (Lanthimos, 2023), Annette (Carax, 2021), Mégalopolis (Coppola, 2024) et Emilia Perez (Audiard, 2024), ou encore The Phoenician Scheme (Anderson, 2025)), la télévision (par exemple, Drag Race France en 2022 ou le concours de l’Eurovision depuis plus d’une décennie), le spectacle vivant (comme l’ont notamment montré les travaux d’Isabelle Barbéris et Marie Pécorari) prouvent depuis au moins le début du XXIe siècle que ce terme si décrié, en ce qu’il sous-entendait naguère vulgarité, mauvais goût, dégénérescence de l’art réduit à un ornement criard, est maintenant reconnu comme le plus à même de traduire le projet d’un certain nombre de productions artistiques de l’époque actuelle. Toutes partagent un souci commun de reprendre et d’imiter, de manière différentielle (selon l’étymologie allemande du terme le rattachant à kitschen, qui signifie récupérer des vieilles ordures pour les retransformer, voire faire du neuf avec du vieux) en affichant la reconnaissance du modèle et l’artifice qui le reformule comme forces d’expression artistique. Il est un fait que, dans ses principes mêmes, le kitsch épouse l’esthétique dite postmoderne, mais il possède une dimension supplémentaire aux nombreux maux dont on a paré cette dernière, celle de la revendication du fard comme élément moteur et central de la création et la dévalorisation d’un naturel définitivement absous. 

Les études sur la culture camp, et, plus globalement, la mise en perspective des jeux de rôle et de la performance qui les autorise à se développer comme point primordial des Gender Studies (avec la revalorisation du Drag Queen en tant que paradigme même de la construction sociale de l’identité de genre), ont bien sûr contribué à étendre les puissances du kitsch au-delà du cercle underground où il était dévolu au siècle dernier. Il n’est de fait que plus indispensable de l’étudier dans ses manifestations les plus récentes. 

Sans négliger ses origines historiques (notamment, via le texte de Walter Benjamin Kitsch onirique), ni, bien évidemment, les lectures (Moles, Wahl, Baudrillard, Lipovetsky…) qu’il a pu générer, ce numéro de Double Jeu entend proposer une série de réflexions sur le kitsch contemporain, tel qu’il se manifeste dans les arts de l’image et de la scène. Nous tenons à conserver l’an 2000 comme date première, dans la mesure où ces 25 dernières années nous semblent largement évocatrices de changements culturels aptes à évaluer cette esthétique. 

Les propositions (500 mots minimum) accompagnées d’un bref CV sont à envoyer avant le 5 septembre 2025 à philippe.ortoli@unicaen.fr et romain.jobez@unicaen.fr.

Après réponse au 15 septembre, les contributions (entre 25000 et 35000 signes) seront à transmettre le 15 janvier 2026 pour une évaluation en double aveugle selon la procédure habituelle à Double Jeu.

Les manuscrits seront à remettre dans leur version définitive au 15 mai 2026 pour une parution du numéro de la revue début septembre de la même année. 

Bibliographie succincte 

- Barbéris, Isabelle ; Vanhaesebrouck, Karel (dir.) : Kitsch et néobaroque, Théâtre/Public, n°202 (2011). 

- Barbéris, Isabelle ; Pécorari, Marie (dir.) : Kitsch et théâtralité. Effets et affects, Dijon, Éditions universitaires de Dijon, 2012. 

- Benjamin, Walter : « Kitsch onirique », traduit de l’allemand par Maurice de Gandillac, Rainer Rochlitz et Pierre Rusch, OEuvres, tome II, Paris, Gallimard (Folio Essais), 2000 [1927], p. 7-10. 

- Bancaud, Florence : « Entre diabolisation, séduction et légitimation. Le kitsch ou l’imitation comme “mal esthétique” ? », Cahiers d’Études Germaniques n° 72 (2017), p. 73-88. 

- Françaix, Pascal : Camp !: 20 ans d'outrance dans le cinéma anglo-saxon (1960-1980), trois volumes, Paris, Marest éditions, 2021-2023. 

- Lipovetsky, Gilles ; Serroy, Jean : Le nouvel âge du Kitsch : essai sur la civilisation du « trop », Paris, Gallimard (NRF), 2023. 

- Moles, Abraham ; Wahl, Eberhard : « Kitsch et objet », Les objets, Communications, n°13 (1969), p. 105-129. 

- Théron, Michel : Le kitsch : une énigme esthétique, Paris, BoD, 2020.