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Poésie, Danse & Genre

Poésie, Danse & Genre

Publié le par Florian Pennanech (Source : Le pan poétique des Muses)

Dire que la poésie moderne doit trouver la voie vers le corps pour faire advenir le sens, c’est tenter de définir une poétique dont l’un des modèles majeurs est la danse. Le danseur court l’espace comme on court un risque. La danse offre l’exacerbation d’une pensée en acte du corps. (Michèle Finck)

La poésie est affaire de pieds, de pas comptés, de lacets élastiques et de souliers blessés. (Jean-Michel Maulpoix)

 

On dit que les poètes font danser les mots et les structures. On dit que la danse transcende l’humain. On dit que les danseuses sont les muses des poètes.  On dit que le corps dansant fait advenir l’indicible. On dit que la danse n'a pas de genre. On dit que la danse est la voie de la poésie moderne. On dit beaucoup de choses pertinentes sur la poésie et la danse. Et pourtant le questionnement reste sans fin, suspendu, à éluder peut-être, à élucider c’est sûr. Et notre démarche aujourd’hui vient en quérir les variantes à défaut d’en exprimer l’essence.

 

 On sait que la danse est, à l'instar de la poésie, un art insaisissable. Parler de la danse, comme parler de la poésie, devient vite un énoncé mouvant se plaçant hors de l'intelligible puisque comment saisir le sensible qui ne se laisse que rarement s’apprivoiser ?  Or, ces arts attirent, sociabilisent, décrivent l’indicible et cultivent les mystères et les joies du partage du sensible. Deux arts et deux histoires mouvementées : du sacré au sacrilège et du profane au maudit…

De l’image à la métaphore, et de la danse comme métaphore « [au]  mouvement qui ne ment pas » (cf. voir Michèle Finck, « Poésie moderne et danse : le corps en question », url. http://michele.finck.free.fr/poesie_moderne_et_danse.htm)

 

Si ce n’est au XVIIe siècle que la danse est élevée au rang d’art. Le siècle des Lumières n’en reste pas à ce fait, il fabrique son histoire, décrypte son historicité et en décrit même la poétique.  Mais Le corps dansant attend, pour faire parler de lui, Nietzsche, Rimbaud, Mallarmé et Baudelaire ; la poésie se penche sur le corps :

 

L’avènement de la modernité, ligne de faille historique et métaphysique, est le centre générateur d’une redéfinition de l’échange entre poésie et danse : il y va du salut de la poésie. Voici la question centrale : pourquoi la danse peut-elle apparaître, pour la poésie, comme une sorte d’Art-Mère qui redonne sens et substance aux mots ? Et voici mon hypothèse : si la poésie moderne pressent que la danse peut être une voie vers le sens, c’est que la quête poétique a désormais pour pierre angulaire une interrogation du corps. La poésie moderne est par le corps ou n’est pas. L’acte fondateur de la modernité est le questionnement du corps (la " question " est aussi, conformément à l’étymologie, une " torture "): comme l’écrit Yves Bonnefoy, " le corps, le lieu (…) sont (…) le nouvel horizon et le salut du discours ". Dans le dialogue entre la poésie et la danse, à l’époque moderne, il y a un " grand intercesseur ", Nietzsche. Le danseur est la figure la plus accomplie du philosophe : " Je ne sais rien qu’un philosophe souhaite plus qu’être un bon danseur. Car la danse est son idéal, son art aussi, sa seule piété enfin : son ‘culte’ "(Le Gai savoir). […] Ce qu’accomplit le danseur, c’est le dépassement des antinomies. Le corps dansant a le pouvoir d’unir les contraires, de laisser advenir, dans les contraires mêmes, une identité par le fond.  (ibid.)  

 

Si Michèle Finck décrit avec virtuosité l’avènement poétique qu’opère la modernité dans l’historicité de ces deux arts, elle n’en reste pas là mais ouvre la voie vers une nouvelle histoire commune et créatrice à la poésie et à la danse :

 

Aussi, pour Nietzsche, le danseur est-il à la fois de la terre et du ciel, fils de la pesanteur et de la légèreté, médiateur entre le visible et l’invisible, réconciliateur des forces animales et des forces spirituelles, du corps et de l’esprit. La danse est le lieu fécond de la coïncidence des contraires. (ibid.) 

 

 Ce que Finck repère et lit chez Nietzsche, devient une des figures emblématiques du poète chez Jean-Michel Maulpoix qui, par ailleurs,  en esquisse un portrait frappant :  

 

Cet homme qui marche sur la terre, sur la tête et sur les mains, a tout d'un acrobate. Il fait des pieds et des mains pour essayer de suivre un chemin juste. Osant le grand écart entre ciel et terre, il va boitant et claudiquant comme font les vers. La vérité du poème tient au difficile maintien de ces trois démarches : marcher sur la terre, sur la tête et sur les mains. Aller, penser et destiner. Funambule, le poète avance sur une corde en mesurant ses pas. Son existence tient à un fil: celui des lignes que sa main trace et qui dévident, page après page, l'écheveau de sa propre vie. Il danse à même les guirlandes ou les chaînes d'or qu'il a tendues entre les fenêtres ou les astres. Virtuose d'une altitude momentanée et relative, il s'affranchit tant bien que mal de la pesanteur. [...] Ce passeur lie les mondes les uns aux autres, par l'ajointement des métaphores et des correspondances. Ce passant exaspère le risque inhérent à la finitude. Il risque le tout pour le tout, ou la partie pour le tout. Châtié d'avoir trop rêvé l'impossible, on le retrouve parfois pendu à la corde de son écriture comme à un gibet qui l'étrangle, tout près de faire entendre « le dernier couac », abandonné des dieux et maudit par les hommes. (cf. voir Jean-Michel Maulpoix, « Le danseur de corde portait du poète en funambule », url.  http://www.maulpoix.net/danseur.html)

 

Les voilà ces poètes qui dansent et font danser les mots, les sens, les structures et les supports. Les poètes qui se déclinent en corp(u)s se donnant à voir, se restituant autre…

De la danseuse qui ne danse pas chez Mallarmé à la danseuse des mots (à la poésie de celles qui dansent) il n’y a qu’un geste : celui du corps dansant…

Que peut révéler le thème « poésie et danse » quand on prend en compte les enjeux du genre du corps dansant, quelles voix/voies peut-il dessiner quand on le pense ainsi ?

Or, les nombreuses figures mythiques et légendaires des danseuses et des danseurs peuplent nos cultures, inspirent les philosophes, les poètes et les artistes. Chaque poète a sa palette de modèles pour décrire les artistes. Pourquoi la danseuse d’un jour ou celle de toujours hantent-elles l’imaginaire des poètes ? Celles des cabarets comme celles de la danse classique, celles de l’Antiquité comme celles d’aujourd’hui ont du pouvoir sur celle et celui qui les regardent. Et les figures des danseurs demeurent-elles un peu dans l’oubli ?

Qui ne se rappelle de Terpsichore,  des Bacchantes, du roi David dansant, de Vestris, Salomé, de la Guimard, La Goulue, de Céleste Mogador, de Rudolf Noureev, de Patrick Dupond, de Joséphine Baker, d’Anna Pavlova ?

Pour toutes ces raisons et bien d’autres, la revue propose de se pencher sur cette thématique dans son n°1 (à paraître en ligne en 2012). D’après le propos exposé plus haut et sans que cela soit exhaustif, nous proposons de traiter les axes suivants :  

 

 

Poésie, danse et genre : une histoire du langage (mimer, danser, penser, écrire, être)

 

Le genre du corps dansant

La danse comme poésie du corps

L’écriture de la poétique des danseuses professionnelles à partir du XVIIIe siècle : une histoire poétique de la réception  

Les figures des danseuses et danseurs mythiques ou légendaires dans les oeuvres poétiques (des poètes hommes et femmes)

 

Le Genre dans la poésie : corps dansant avec les normes

 

Poésie et danses érotiques  ou les figures du corps dansant érotisé et érotisant. 

Poésie, danse et genre : les voix/voies du corps 

 

 

Les propositions (articles, comptes-rendus, poèmes, textes et poèmes peu connus sur la danse, dessins, et illustrations), doivent être envoyées au plus tard le 25 mars 2012 à l’adresse contact.revue@pandesmuses.fr

Bibliographie 

  • BONNET Jacques, Histoire générale de la danse sacrée et profane, avec un supplément de l'histoire de la musique, et le parallèle de la peinture et de la poésie, éd. D'Houry fils, 1724.
  • CARON Pascal, Faunes: poésie, corps, danse, de Mallarmé à Nijinski, Paris, éd. H. Champion, 2006, 348 p.
  • COMPAN Charles, Dictionnaire de danse : contenant l'histoire, les règles & les principes de cet art, avec des réflexions critiques, & des anecdotes curieuses concernant la danse ancienne & moderne; le tout tiré des meilleurs auteurs qui ont écrit sur cet art ..., éd. Cailleau, 1787.
  • CORBIER, Christophe, Poésie, musique et danse : Maurice Emmanuel et l’hellénisme, Éditions Classiques Garnier, 2011.
  • FINCK Michèle, « Poésie moderne et danse : le corps en question », url. http://michele.finck.free.fr/poesie_moderne_et_danse.htm tiré de Poésie et danse à l’époque moderne, Corps provisoire, Armand Colin, 1992
  • LABAT Stéphane, La poésie de l'extase et le pouvoir chamanique du langage, éd. Kluwer, 1997, 470 p.
  • LOUISON-LASSABLIÈRE Marie-Joëlle, Études sur la danse : de la Renaissance au siècle des Lumières, Éditions L’Harmattan, coll. Univers musical, 2003.
  • MAULPOIX Jean-Michel, « Le danseur de corde portait du poète en funambule », in Nouveau recueil, Dossier « Figures du poète », n°46, mars 1998 puis in « Adieux au poème », éd. José Corti, 2004.
  • MOINE Fabienne, Poésie et identité féminines en Angleterre : le genre en jeu, 1830-1900, coll. Des idées et des femmes, Éditions L'Harmattan, 2010, 324 p.  
  • (dir.) MONTANDON Alain, Écrire la danse, éd. Presses universitaires Blaise Pascal, 1999, 286 p.
  • NAUDIER Delphine, ROLLET Brigitte (dir.), Genre et légitimité culturelle: quelle reconnaissance pour les femmes, Éditions L'Harmattan, coll. Bibliothèque du féminisme, 2007, 165 p.  
  • PLANTÉ Christine (dir.), Masculin / Féminin dans la poésie et les poétiques du XIXème siècle, éd. Presses Universitaires de Lyon, coll. Littérature et idéologies, 2002, 517 p. 
  • RAFTIS Alkis (textes réunis), Danse et poésie: anthologie internationale de poèmes sur la danse, éd. Département de danse, Université de Paris, 1989.
  • SATROBINSKI Jean, Portrait de l’artiste en saltimbanque, Genève, A. Skira, 1970. 143 p. 
  • SIBONY Daniel, Le corps et sa danse, Éditions du Seuil, coll. La couleur des idées, 1995.
  • VAILLANT Alain (études réunies), Corps en mouvement, éd. Université de Saint-Étienne, coll. Traversière, 1996.

Consignes à respecter 

Prénom, Nom, nom de plume, adresse postale et profession. Biobibliographie (de dix lignes). Pièces jointes acceptées : en format Word (pour les textes) et JPEG (pour les illustrations, dessins et annonces), police Book Antiqua, taille 12, interligne double, justifier, notes de fin. La contribution ne doit pas dépasser vingt-cinq mille caractères (espaces compris). La revue accepte de publier des textes et poèmes déjà parus. Pour joindre l'équipe de la revue : contact.revue@pandesmuses.fr  

 

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