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L'image incertaine. Pluralité de l'image dans l'œuvre de Laurent Mauvignier (Caen)

L'image incertaine. Pluralité de l'image dans l'œuvre de Laurent Mauvignier (Caen)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Sylvie Loignon)

« “L’image incertaine” : pluralité de l’image dans l’œuvre de Laurent Mauvignier »

dirigé par Sylvie Loignon (Université de Caen Normandie, Laslar EA 4256), en partenariat avec la Mél.

 

Outre les nombreuses références cinématographiques, picturales, ou encore photographiques dont elle est ponctuée, l’œuvre de Laurent Mauvignier paraît s’attacher à explorer tout autant la relation du texte à l’image (texte de Mauvignier accompagnant l’album photographique de Jean Pierre Favreau Passagers, photographies insérées dans le récit Autour du monde) que le rapport aux genres dans une forme de transmédialité : en témoigne le DVD accompagnant Visages d’un récit, ce livre inclassable qui retrace la genèse de Tout mon amour, comme d’une traversée des genres (texte – théâtre – film dans le sillage d’India Song de Duras). À l’instar de l’œuvre de Tanguy Viel, celle de Laurent Mauvignier est influencée par le cinéma : au-delà des références explicites aux films et réalisateurs, un imaginaire cinématographique s’y déploie ; et certaines techniques empruntées au cinéma – le montage par exemple – sont mises en œuvre dans le récit. Les principes aristotéliciens de la causalité, entraînant tension et dramatisation, trouvent dans la fable cinématographique leur parfaite illustration. C’est ainsi sous la métaphore cinématographique que Mauvignier relit certains classiques. Il en est ainsi de la Phèdre de Racine, auteur en qui il voit « un très grand scénariste » : « oui, chez Racine, pas de temps mort, tout file très vite. Hollywood a des leçons à prendre, et ne s’en prive pas. »

Mais « l’image » ne fait pas seulement référence aux différents supports évoqués. Fondés sur des images mentales qui laissent affleurer le souvenir et le fantasme, les textes gravitent autour d’elles comme des soleils noirs. Dans Visages d’un récit, l’auteur écrit : « J’écris souvent à partir d’un détail dont j’englobe l’image dans un champ plus vaste, puis ce dernier dans une image plus vaste encore, et l’effet boule-de-neige me porte à inclure davantage de précisions, psychologiques ou descriptives, histoires dans l’histoire, trames serrées et motifs toujours en abîme dans le tapis. » Origine de l’œuvre, l’image apparaît cependant « incertaine » - comme l’écrit Mauvignier à propos des photographies de Jean Pierre Favreau. Elle ouvre à une réflexion sur le processus de création et sur l’écriture même ; elle renoue avec les origines du récit (l’épique) ; en elle se donne à voir un renouvellement de la rhétorique (métaphores, hypotypose par exemple) et des stratégies romanesques (le regard et la voix ; la description et le monologue intérieur…).

Mode d’exploration du réel et mise à distance de celui-ci, catalyseur d’émotions, l’image tend à révéler le sujet qui la produit. Celui-ci semble soumis à une « pulsion scopique » qui troue le réel, repousse les limites de la représentation et interroge la position du narrateur et des personnages (on pense par exemple au personnage du violeur dans Ceux d’à côté).

Plus encore, certaines images – notamment les souvenirs récurrents de la guerre d’Algérie qui traversent différents textes – ne sont pas sans lien avec les « images survivantes » dont parle Georges Didi-Huberman, à la suite d’Aby Warburg. Les œuvres de Mauvignier font ainsi état d’une forme de hantise.

Que nous dit donc l’omniprésence des images dans l’œuvre de Laurent Mauvignier ? sont-elles signes d’une période placée sous le signe de la postmodernité ? si l’image offre une appréhension détournée de « la brillance du réel » (Rosset), elle indique encore que tout est spectacle – où le sujet est tout à la fois présent et absent. Ainsi, dans Le Lien : « J’ai passé un temps considérable à regarder la vie se faire sans moi, pour qu’elle soit supportable. » La constitution du réel en image ne serait-elle pas précisément ce qui rend la vie supportable ? Cette constitution du réel en image explique peut-être le rôle prépondérant du « cliché » dans l’œuvre. Face à une mondialisation dont on sent bien qu’elle n’est pas seulement économique, l’image serait-elle une sorte de lieu commun ? tout à la fois, socle d’une communauté humaine et emblème d’un nivellement de la pensée et de l’imaginaire, l’image a ainsi à voir avec le « cliché », le terme faisant signe à la fois du côté d’une reproduction indéfinie d’une même image et du côté d’un langage usé. Ainsi, dans le récent Voyage à New Delhi : « elle s’attend à voir des vaches sacrées ou des éléphants en plein milieu de la circulation, comme le veut le cliché, elle a envie de cette image exotique, mais non, le réel est rétif, parfois il ne coïncide pas tout à fait aux images qu’on s’en fait. Mais tout de même, si : New Delhi ressemble à l’image de New Delhi. » Incertaines encore ici, les images mettent en exergue la communauté des hommes et la solitude du sujet, l’adhésion à la société représentée et sa dénonciation, l’hommage littéraire à une forme de représentation et sa parodie.

 

Comité scientifique

Michel Bertrand (Aix-Marseille Université)

Bruno Blanckeman (Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3)

Marie-Hélène Boblet (Université de Caen Normandie)

Florence de Chalonge (Université Charles de Gaulle – Lille 3)

Johan Faerber (Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3 / Diacritik)

Claire Lechevalier (Université de Caen Normandie)

Sylvie Loignon (Université de Caen Normandie)

Dominique Rabaté (Université Paris Diderot – Paris 7)

 

Programme du colloque :

Jeudi 5 mars 2020, Université de Caen, Amphi MRSH

9h30 Accueil des participants

9h45 Ouverture du colloque par Marie-Hélène Boblet et Sylvie Loignon.

Séance 1 – Faire le tour de l’image comme on ferait le tour du monde : « Les mots en font trop ; les expressions toutes faites aussi. » (Voyage à New Delhi)

Président de séance : Michel Bertrand

  • 10h : Dominique Rabaté (Université Paris Diderot) : « Faire monde. Au risque du cliché »
  • 10h30 : Stéphane André (Université de Caen Normandie) : « Affronter le cliché : le consumérisme iconographique en question dans Autour du monde de Laurent Mauvignier »

Discussion

Pause

 

 Séance 2 – Représenter / Révéler : « Et tu peins quoi ? – Je sais pas. » (Continuer)

Président de séance : Johan Faerber

  • 11h30 : Florence Bernard (Aix-Marseille Université) : « Révélations et faux-semblants, l’image incertaine dans Continuer de Laurent Mauvignier »
  • 12h : Simona Crippa (Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3) : « Laurent Mauvignier – représenter l’hybris »

Discussion

12h45 Déjeuner

Séance 3 – Paradoxes de l’image : « ne pas tout tenir dans son regard c’est ne rien tenir du tout » (Loin d’eux)

Présidente de séance : Sylvie Loignon

  • 14h30 : Fabien Gris (Université Paris Sorbonne) : « Si loin, si proche : tensions de l'image et du regard dans Loin d'eux et Plus sale »
  • 15h : Chloé Chouen-Ollier (Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3) : « Ce qui ne vous voit pas, ce qui ne se voit plus »

Discussion

Pause

Séance 4 – L’image entre subjectivité et lyrisme : « ça vous cogne du dedans » (Loin d’eux)

Président de séance : Fabien Gris

  • 16h : Martine Motard-Noar (Mc Daniel College, Etats-Unis) : « Histoires de rétine : représentations de la subjectivité chez Laurent Mauvignier »
  • 16h30 : Claire Olivier (CPGE, EHIC Université de Limoges) : « Dans l’image : pour un mélodrame romanesque »

 

Discussion

 

19h30 Dîner du colloque

 

Vendredi 6 mars 2020, Université de Caen, Amphi MRSH

Séance 5 – Une image transmédiale : « un excès silencieux des mots » (Visages d’un récit)

Président de séance : Dominique Rabaté

  • 9h30 : Michel Bertrand (Aix-Marseille Université) : « Les jeux du texte et de l’image dans le théâtre de Laurent Mauvignier » 
  • 10h : Diane de Camproger (Université de Caen Normandie) : « De la peinture au western, images et représentations picturales du cheval dans Continuer (2016) »

Discussion

Pause

Séance 6 – L’image et le temps : « des photos pour nous regarder nous taire » (Des hommes)

Présidente de séance : Anne Cousseau

  • 11h : Johan Faerber (Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3) : « Mauvignier ou les images tremblées de la douleur » (sur Continuer)
  • 11h30 : Carine Capone (Université de Lille) : « L’image événement dans Des hommes »

Discussion

12h15 : Déjeuner

À partir de 13h30 la librairie Au brouillon de culture tiendra un stand avec les livres de Laurent Mauvignier.

Séance 7 – Image, spectaculaire et spectacularité : « cette aura de prestige nécessaire à toute mise en scène » (Autour du monde)

Présidente de séance : Florence Bernard

  • 14h : Laëtitia Deleuze (New York University / Aix-Marseille Université) : « “Des images tellement atroces qu’on ne sait pas se les dire à soi-même” : Résonances de l’image et du dictionnel dans Dans la foule, Des hommes et Ce que j’appelle oubli de Laurent Mauvignier »
  • 14h30 : Anne Cousseau (Université de Lorraine) : « Le spectaculaire dans Autour du monde »

Discussion

Pause

15h30 : Projection du court-métrage écrit et réalisé par Laurent Mauvignier : Proches (19 min), Les Films du Worso, 2018. Avec Jonathan Couzinié, Salomé Richard, Marie Matheron, Iliana Zabeth, Philippe Polet.

16h : « à présent c’est fait j’ai fait l’image » (Beckett) ? Entretien de Laurent Mauvignier avec Sylvie Loignon

Discussion

Clôture du colloque