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Les Sources étrangères des Lumières occidentales (Tunis)

Les Sources étrangères des Lumières occidentales (Tunis)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Halima Ouanada)

Colloque international sur

Les sources étrangères des Lumières occidentales

14, 15 et 16 novembre 2019

Institut supérieur des sciences humaines de Tunis

 

Personne ne peut contester aujourd’hui l’apport considérable des philosophes des Lumières à l’épanouissement de l’humanité tout entière. Nous leur devons l’avènement d’un esprit nouveau, d’une façon de penser nouvelle, nous leur devons enfin la Modernité. À croire les spécialistes de ce siècle, tout semble pensé par et à partir de ces seuls philosophes : l’Etat, la liberté, l’individu. Partant, on ne parle que de l’influence de la Philosophie des Lumières sur les changements politique, sur la Révolution américaine, sur la Révolution française et dernièrement, on tente tant bien que mal de trouver des indices prouvant l'influence, positive ou négative d’ailleurs, des philosophes comme Rousseau, Montesquieu et autres figures emblématiques du siècle des Lumières sur le Printemps arabe.

Toutefois, à notre connaissance, il n’ya pas eu d’études intégrales (colloques, thèses ou autres travaux…) sur la contribution des différentes cultures à la formation et à l’avènement des Lumières. Ce manque de reconnaissance quant à l’apport des différentes cultures à l’émancipation de l’esprit humain semble animer encore aujourd’hui une certaine suspicion voire une aversion à l’encontre de l’Occident et à tout ce qu’il pourrait apporter au genre humain. Les Lumières européennes n’existeraient pas sans leur prise en compte de tout ce qui leur vient d’ailleurs mais ces apports ne viennent pas évidemment de leur propre mouvement : ils viennent parce que les  hommes des Lumières ont su les trouver, parfois en allant les chercher  sur place, soit en les trouvant dans les livres (il s’agit par exemple de ce qu’on a coutume d’appeler l’orientalisme savant, qui précède et de beaucoup l’orientalisme d’époque coloniale) soit même en inventant au moins partiellement cette altérité pour s’aider à penser.

Plutôt donc qu’une doctrine achevée, les Lumières européennes sont un processus, une attitude intellectuelle qui a été réfléchie puis bâtie dans sa grande majorité sur des sources étrangères diverses et variées que les mouvements de traduction ont certainement rendues accessibles. Nombreux sont ceux qui ont contribué avec leurs idées novatrices à l’émancipation de l’humanité. Pour ne citer que les plus célèbres peut-être, Averroès est considéré comme l’« un des pères spirituels » de la pensée du XIIè au XVIIè s. occidentale, l'un des fondateurs de la  laïcité en Europe de l’Ouest. Appelé à l’époque de Louis XIV « prince des Arabes » Avicenne, a longuement marqué, par son ouvrage le Canon, l’étude et la pratique de la médecine occidentale. Ibn Khaldoun, découvert d’abord en Europe dès le XVIIè s. par l’orientalise Barthélemy d’Herbelot a beaucoup inspiré L’Encyclopédie (1751-1772) de Diderot et D’Alembert. Certains analystes voient en lui le précurseur de Machiavel, de Montesquieu, d’Auguste Comte et de Max Weber[1]. Les voyages en Chine ont permis la rencontre intellectuelle de la pensée occidentale et orientale. La Chine était une référence courante chez les philosophes des Lumières qui avaient pour but de reconstruire l’Europe. La philosophie chinoise particulièrement a été beaucoup appréciée par les défenseurs du despotisme éclairé et critiquée par ses détracteurs. La Perse semble fournir des arguments et des exemples aux écrivains et philosophes du siècle des Lumières comme Voltaire et Montesquieu et aux Encyclopédistes pour engager la bataille contre l'intolérance de leur époque. Les grandes découvertes ont ainsi permis aux Européens de se confronter aux cultures et aux civilisations du nouveau Monde, même si cela a été accompagné, le plus souvent de mépris et d'intentions civilisatrices rapidement métamorphosées en démarches colonisatrices. Toutes ces cultures ont joué un rôle non négligeable pendant le processus de reconstruction du monde occidental et il s’avère donc légitime aujourd’hui de questionner de manière actuelle les sources de cette philosophie des Lumières et de ses productions théoriques et pratiques et d'enquêter dans le monde méditerranéen, asiatique, américain…pour voir si ces sources ne s'y trouvent pas ou pour partie tant d'un point de vue théorique que pratique. Il s'agit de repérer dans cette sphère étrangère ce qui aurait pu servir directement ou indirectement de modèles aux philosophes des Lumières.

Nous nous proposons donc, dans ce colloque, qui se veut interdisciplinaire d’interroger les Lumières occidentales sur leurs sources étrangères, c’est-à-dire non européennes, à savoir, gréco-romaines, arabes, chinoises, perses, turques voire américaines… qui ont inspiré ou servi de thème, d’image, d’exemples, d’arguments, bref de lieu de réflexion en général à l’esprit des Lumières. Tous les domaines sont concernés par cette enquête : littérature, sciences, archéologie, anthropologie, traduction…. Qu’ont lu les penseurs des Lumières? Par quels moyens ont-ils eu accès aux œuvres étrangères? Ont-ils eu un accès direct ou indirects à ces sources étrangères ? Quelles œuvres ont été traduites et par qui ? Quelles étaient les œuvres étrangères les plus consultées à cette époque ? Quels traitements ont-elles subis ?...

Les axes à titre indicatif

Sources archéologiques

Sources anthropologiques

Sources littéraires

Sources historiques

Traduction et traductologie

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Bibliographie  à titre indicatif :

-Denise BRAHIMI, Qui a créé l'Occident ? XIXe et XXe siècles, Paris, Editions Pétra, coll. « Littérature comparée / Histoire et critique », 2017.

-Jean-Louis Calvet, La Méditerranée, Mer de nos langues, 2016, CNRS Editions.

­ -Safoura Tork Ladani, L'impact des récits de voyage en Perse - sur les œuvres du siècle des Lumières, Tôzai, 2014.

-Zhan Shi, « L’image de la Chine dans la pensée européenne du XVIIIe siècle : de l’apologie à la philosophie pratique », Annales historiques de la Révolution française [En ligne], 347 | janvier-mars 2007, mis en ligne le 01 mars 2010.

- Ernest Weibel, Occident-Maghreb, 13 siècles d'histoire, 2010, Ellipses.

-Amel Tewik, L'insaisissable voisinage ou l'altérité intime: la Méditerranée complexe, in Matériaux pour l'histoire de notre temps, 2010/1 (n° 97-98).

-LEJBOWICZ, Max (dir.). L'Islam médiéval en terres chrétiennes: Science et idéologie. Nueva edición [en línea]. Villeneuve d'Ascq: Presses universitaires du Septentrion, 2009

-Ramon Verrier, Introduction à la pensée économique de l'Islam du VIIIe au XVe siècle, 2009, Histoire et Perspectives Méditerranéennes, L'Harmattan.  

-Michèle Duchet : Anthropologie et histoire au siècle des Lumières, Paris, Maspéro, 1971.

-Djavâd Hadidi : Voltaire et l’islam, Paris, Publications orientalistes de France,1974.

-Henry Laurens : Aux sources de l'orientalisme : la Bibliothèque orientale de Barthélemi d'Herbelot, Paris, 1978,

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Renseignements pratiques

Le colloque se déroulera du 14 au 16 novembre 2019, à l’Institut supérieur des sciences humaines de Tunis. Les communications, en français, en arabe et en anglais, dureront 20 minutes chacune et feront l’objet d’une publication académique, après avis d’un comité scientifique international. Les propositions, accompagnées d’un résumé et d’une courte notice biographique (500 mots maximum, 3000 signes), sont à adresser avant le 31 août 2019 par e-mail à l’adresse suivante : halima.ouanada@issht.utm.tn / mahbouba.sa@gmail.com

La réponse du comité scientifique est prévue pour fin septembre 2019 au plus tard. Des lettres d’invitation seront envoyées aux auteurs des communications retenues par le Comité scientifique.

 

 

 

[1] Olivier Carré, « À propos de la sociologie politique d'Ibn Khaldûn », Revue française de sociologie, vol. 14, 1973, p. 115-124.