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Colloque international: "Fiction / Non-fiction en Amérique Latine et dans la Caraïbe"

Publié le par Université de Lausanne (Source : Quintana)


 

COLLOQUE INTERNATIONAL « Fiction/ Non-fiction en Amérique Latine et dans la Caraïbe »


UNIVERSITE DE POITIERS / CRLA-Archivos

BENEMERITA UNIVERSIDAD DE PUEBLA

PONTIFICIA UNIVERSIDAD CATOLICA DE CHILE



Les notions de fiction et de non-fiction déterminent depuis une vingtaine d’années l’approche des “écritures du présent” (Ludmer, 2010) en Amérique Latine et dans la Caraïbe, en lien avec “l’histoire immédiate” (Soulet, 2012) et, plus largement, avec les faits et la réalité. Ce que certains ont identifié dans les années 2000 comme un “virage documentaire” (Nash, 2014) nous invite à repenser les liens entre fiction et non-fiction au-delà du périmètre marqué génériquement par le poids et le rôle qu’a eu le roman historique. Cette étiquette est peut-être même devenue obsolète tant elle est liée à une forme d’écriture qui a accompagné et consolidé, au dix-neuvième siècle, l’expression d’une subjectivité nationale en Amérique Latine. Au vingtième siècle, dans les années quatre-vingt-dix, c’est le nouveau roman historique qui a fait son apparition pour nourrir, bien souvent, une réflexion sur la postmodernité.

Ce que les notions de fiction et de non-fiction mettent en avant c’est surtout le lien avec le document, qui ne serait plus vu comme une simple source d’informations passive consultée en amont du travail de création mais deviendrait partie intégrante de l’œuvre tout en faisant l’objet d’une lecture critique. Dans cette optique, plusieurs étiquettes sont venues supplanter celle de roman historique : “narrations documentaires” (Ruffel, 2012), “littératures factuelles” (Jeannelle, 2007), ou encore “romans sans fiction” (Volpi, 2018).

Le statut même des archives a été l’objet d’une mise en tension par la création littéraire. Des archives médicales de l’hôpital psychiatrique de La Castañeda, par exemple, la Mexicaine Cristina Rivera Garza en a d’abord eu une approche scientifique pour son travail de thèse en Histoire ; elle y a puisé en effet une information précieuse sur les conditions d’enfermement des malades, à Mexico, au début du vingtième siècle. Dans un deuxième temps, elle y a vu un matériel littéraire exploitable pour son roman Nadie me verá llorar (1999) en s’intéressant au statut de co-auteurs de ceux qui les écrivent, à savoir, les médecins et les malades, attendu que les premiers rédigent leurs diagnostics à partir du récit de leurs patients.

Le document comme source active et littéraire a été utilisé de façon sans doute plus systématique et significative par la Génération de la Post-mémoire du Cône Sud. De nombreux écrivains en effet se sont intéressés à l’écriture d’une mémoire “médiatisée” (Hirsh, 2008) pour dire, depuis le présent, le traumatisme du passé dictatorial qu’ils ont vécu comme témoins, au second plan, alors qu’ils étaient des enfants ou des adolescents. Cette écriture de la mémoire collective, personnelle et familiale, devient littéralement ce “tissu de citations” théorisé par Barthes lorsqu’en 1968 il déclare avec fracas “la mort de l’auteur”. Ce tissu et tissage de la Post-mémoire croise de façon hasardeuse de nombreux fils (souvenirs personnels, mémoire parentale, données d’archives) chez un grand nombre d’auteurs représentatifs d’un fait générationnel (Patricio Pron, Laura Alcoba, Nona Fernández, Selva Almada, Alejandro Zambra, Marta Dillon).

En lien avec la Génération de la Post-mémoire du Cône Sud, la littérature brésilienne affiche des résonances singulières dans le traitement du document historique comme matériau littéraire. Le roman Azul-corvo (2010) d’Adriana Lisboa utilise une mémoire “médiatisée” pour raconter l’épisode historique de la Guerrilha do Araguaia à partir d’extraits de l’ouvrage Operação Araguaia (2005), travail d’enquête journalistique reprenant des témoignages de militaires impliqués dans cette guérilla. Certains historiens brésiliens ont eux-mêmes revisité l’histoire à partir du discours fictionnel, transformant ainsi leurs textes littéraires en une source documentaire effective, accessible à un large public. C’est le cas des historiennes Mary Del Priore et Guiomar de Grammont qui procèdent à une réappropriation littéraire du discours historique dans leur œuvre ; la première, dans les romans O Príncipe maldito (2007) et Beija-me onde o sol não alcança (2015), et, la seconde, dans Palavras Cruzadas (2015).

Le concept de “réalitéfiction” théorisé par Josefina Ludmer dans América latina, una especulación (2000) donne tout son sens à l’approche transversale d’un large corpus que l’on retrouve dans l’aire latino-américaine dans son ensemble.

Si ce sont les littératures plurielles d’Amérique Latine qui seront au cœur de cette manifestation scientifique, l’aire de la Caraïbe y trouvera également sa place. En effet, dans les littératures francophones de la Caraïbe, le rapport au document et à la narration de l’histoire n’a cessé d’être questionné par les voix antillaises d’Aimé Césaire, Maryse Condé, Raphaël Confiant ou Patrick Chamoiseau, avec la même visibilité que dans l’aire latino-américaine, pour révéler bien souvent la complexité sociale et politique des sociétés issues de la colonisation. A travers des exemples de la littérature haïtienne, où la tradition orale du conte et de la poésie occupe une place de choix, on pourra s’interroger sur la façon dont certains écrivains forgent une forme de parole documentaire dans des romans contemporains qui mêlent fiction et non-fiction (Antoine des Gommiers, Lyonel Trouillot, 2021).

            En dernier lieu, la réflexion sur l’utilisation active et créative de documents en littérature nous invite à nous interroger sur la possibilité de penser le texte littéraire lui-même comme un document. Ivan Jablonka développe cette hypothèse dans ses travaux sur l’histoire vue comme une pratique discursive avant tout (L’histoire est une littérature contemporaine. Manifeste pour les sciences sociales, 2014). Il établit ainsi les différents points de jonction où se retrouvent histoire et littérature  : 

Ici se situe le point de jonction entre histoire et littérature. Avant d’être une discipline universitaire, l’histoire est un voyage dans le temps et dans l’espace, une enquête fondée sur un raisonnement ; la littérature, sans avoir besoin de s’inféoder à la fiction, est un travail sur la langue, une construction narrative, une voix singulière, une émotion, une atmosphère, un rythme, une échappée vers un ailleurs, ainsi qu’un canon façonné par les institutions. (Jablonka, 2014 : III). 

 
Ces “points de jonction” évoqués par Jablonka entre différents domaines soulignent l’aspect interdisciplinaire du sujet proposé à l’étude et nous invitent à réévaluer nos outils d’analyse littéraire en les confrontant à ceux des sciences sociales, des sciences politiques ou de l’histoire, pour aborder les œuvres littéraires qui jouent, à des degrés divers, avec les potentialités de la fiction et de la non-fiction. 
 

Axes thématiques

L’entre-deux journalistique et littéraire 

Récits et faits divers 

Chronique et journal intime

Les fictions de la Post-mémoire

La prose mémorialiste et la littérature documentaire

La fiction dans le discours poétique : une discussion en cours

Frontières entre la réalité et la fiction dramaturgique

Poétique et travail d’archives

Les fictions spéculatives

La littérature comme document


Bibliographie critique

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Appel à communication

Adresse d’envoi des propositions : coloquio.ficcion.no.ficcion.2022@gmail.com  

1)    Titre de la communication, nom, prénom de l’auteur 

2)    Statut de l’auteur, établissement de rattachement 

3)    Fiche académique de l’auteur (5 lignes)

4)    Résumé de la communication 10 lignes – 3 concepts-clés

Date limite d’envoi de propositions de participation : 15 mai 2022
Évaluation des propositions et réponse du comité́ organisateur : 15 juin 2022 

Langues de communication : espagnol, français, portugais.