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Avoir 20 ans, âge des possibles, âge impossible ?

Avoir 20 ans, âge des possibles, âge impossible ?

Publié le par Sarah Lacoste (Source : Corinne François-Denève)

La  sagesse et la culture populaires en portent la trace indubitable : de Berthe Sylva à Amel Bent, en passant par Boris Vian, Léo Ferré et Charles Aznavour, les « 20 ans » semblent être un âge mythique entre tous. Dès le XIXe siècle, nombre de publications célèbrent ainsi les héros de 20 ans, tandis que d’autres cherchent à décrire ce qu’étaient Corneille, Molière ou Hugo à vingt ans. Les productions culturelles plus légitimes ne démentent pas cette impression : c’est Ronsard ou Sully Prudhomme, deux avatars du « Prince des Poètes », qui s’interrogent sur leur jeunesse, et, singulièrement, sur les/leurs 20 ans – ce que feront bien d’autres amateurs de poésie. C’est Alexandre Dumas qui publie en 1850 La Vie à vingt ans – qui suit d’ailleurs de cinq années Vingt ans après.  C’est Paul Nizan, revenant, et dans Aden Arabie, et dans La Conspiration, sur ses haïssables 20 ans. C’est René Vautier qui filme en 1972 Avoir vingt ans dans les Aurès.

20 ans, âge mythique, donc -- âge des possibles, âge-seuil, suspendu entre l’enfance heureuse, dont il n’y aurait rien à dire, l’adolescence, dont l’inquiétude défie la mise en mots, et l’âge adulte, celui des compromissions, forcément regrettable.

20 ans, c’est aussi l’âge des anniversaires, des rétrospectives, des bilans, pour les règnes, les institutions, les revues… On aura ainsi en tête l’article « Vingt ans après » de Lucien Febvre qui ouvre le premier numéro des Annales de l’année 1949, ou bien les deux numéros spéciaux publiés pour ses 20 ans, en 2000 par la revue Le Débat. C’est ainsi, également, le temps du souvenir (c’est 20 ans après sa mort qu’est organisé le retour des cendres de Napoléon ; c’est en 1965 que le 8 mai redevient le jour – férié – de commémoration de la victoire sur les nazis).

A y regarder de plus près pourtant, on n’a jamais vraiment 20 ans. Certes, 20 ans, c’est une des marches de la pyramide des âges – mais au même titre que tous les autres. C’est l’âge de la conscription, précisément, mais un âge de papier, un âge idéal, dont la réalité est variable. Un cap mathématique, sans enjeu majeur, entre les 18 ans du baccalauréat et du permis de conduire, et ce qui fut, longtemps, les 21 ans de la majorité et du droit de vote. Il ne correspond par exemple à rien chez les femmes qui coiffent Sainte Catherine à 25 ans. Il n’est en rien un jubilé dont le décompte est fixé à 50. Il ne se réfère pas non plus à un cycle économique, ni prospectif ni rétrospectif, qui raisonne plutôt en 4, 5, 10 ou 30 ans. Quant aux vingt ans de mariage, qui sait qu’il s’agit des noces de porcelaine ?

D’ailleurs, les héros de fiction, littéraire ou cinématographique – ce sont souvent les mêmes –, ont rarement « 20 ans » pile. Lamartine écrit Raphaël, pages de la vingtième année,  et son héros a 24 ans. Félix de Vandenesse a « vingt ans passés » lorsque Balzac lui fait rencontrer Madame de Mortsauf. La Cécile de Bonjour Tristesse a 17 ans, comme le James Dean de La Fureur de vivre ; Frédéric Moreau commence son Education sentimentale à 18 ans ; les héros du Blé en herbe et du Diable au corps ont 16 ans. Bref, nos héros des romans d’apprentissage ont 20 ans en passant, les héros des romans de l’adolescence ont des 20 ans précoces.  Nizan ne déroge pas à la règle : ses héros ont entre 20 et 24 ans.

« 20 ans » serait donc de l’ordre de la mythologie, de la construction sociale. Pour parler de la jeunesse, on fixe le curseur à 20 ans, arbitrairement. Les héros jeunes ont 20 ans, les météores et jeunes prodiges ont 20 ans (Radiguet, Rimbaud, Sagan).

Pour célébrer les 20 ans du CHCSC, nous voudrions nous interroger dans ce colloque sur les représentations de ce mythe, dans une optique transdisciplinaire.

Quelques pistes de réflexion :

  • A quelle date les 20 ans se fixent-ils en tant que mythologie ? Cette mythologie subit-elle des inflexions au fil du temps, ou selon les aires culturelles ?

 

  • Quelles oeuvres littéraires, picturales, cinématographiques, télévisuelles, portent-elles la marque de cette fascination pour les 20 ans ?

 

  • Comment la mythologie des 20 ans est-elle utilisée dans le monde éditorial, tant du côté de la création (prodiges littéraires) que de la réception (public « jeunes adultes »)

 

  • Quelle utilisation politique des 20 ans peut-on mettre au jour ? Quels bilans, quelles commémorations à 20 ans ?

 

  • Y a t-il des domaines qui échappent à cette fascination des 20 ans ?

 

Comité d’organisation :

Corinne François-Denève, MCF Littérature française, Université de Versailles Saint Quentin, CHCSC.

Jean-Charles Geslot, PRAG Histoire Contemporaine, Université de Versailles Saint Quentin, CHCSC.

 

Comité scientifique :

Ludivine Bantigny, MCF, Université de Rouen (histoire contemporaine).

Philippe Chardin, PR, Université de Tours (littérature comparée).

Corinne François-Denève, MCF, Université de Versailles Saint-Quentin (littérature française).

Jean-Charles Geslot, PRAG, Université de Versailles Saint-Quentin (histoire).

Françoise Hache-Bissette, MCF HDR, Université de Paris-Descartes (sciences de l’information et le de la communication).

Jean-Yves Mollier, PR, Université de Versailles Saint-Quentin (histoire contemporaine).

Elizabeth Rallo-Ditche, PR, Université de Provence (littérature comparée).

Jean-Claude Yon, PR, Université de Versailles Saint-Quentin (histoire contemporaine).

 

date limite de retour des propositions : 7 septembre 2012.

Les propositions (titre, résumé de 300 mots) sont à envoyer à :

Corinne François Denève corinne.francois-deneve@uvsq.fr

Jean-Charles Geslot : jan.geslot@wanadoo.fr

 

Le comité d’organisation examinera les propositions et avertira les auteurs de leurs décisions au plus tard le 15 septembre 2012.