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Espaces et spatialités de science-fiction

Espaces et spatialités de science-fiction

Publié le par Mihai Duma (Source : Alice Ray)

Espaces et spatialités de science-fiction


Au premier abord, la notion d’espace semble au cœur de ce qui constitue le genre de la science-fiction. En effet, ses productions les plus emblématiques s’illustrent par des motifs aussi caractéristiques que la conquête spatiale (Dune, Herbert, 1965 ; Le Problème à trois corps, Cixin, 2008) ; la modification et restructuration de nos espaces urbains (Neuromancien, Gibson, 1984 ; La Séquence Aartdman, Pandelakis, 2024) ; le brouillage des frontières (The City and the City, Miéville, 2009 ; Les Furtifs, Damasio, 2019) ; l’exploration de la galaxie à grand renfort de progrès technologiques (Star Trek, Roddenberry, 1966 ; Fondation, Asimov, 1942-1944) ; ou encore la défamiliarisation des pratiques spatiales (Manifold Garden, Chyr, 2019 ; Echo, Ultra Ultra, 2017). De même, la composante spatiale fait partie intégrante du sense of wonder de la science-fiction, et se retrouve jusque dans les termes consacrés que sont space opera, cyberespace ou encore dans les déclinaisons autour du topos, du lieu, que sont utopie et dystopie. Par ailleurs, les crises écologiques contemporaines, qui caractérisent l’Anthropocène (Bonneuil et Fressoz, 2013) et le Capitalocène (Haraway, 2016), sont associées à l’omniprésence de discours médiatiques sur la conquête spatiale (Régnauld, Saint-Martin, 2024 ; Gambin, 2023), rappelant tout autant les espoirs placés dans une habitabilité extraterrestre que la force de la science-fiction à dépeindre de futures territorialités. Ainsi, le novum du genre science-fictionnel, en reconfigurant les représentations spatiales, semble apporter une reconsidération des « manières de faire » (De Certeau, 1980) avec l’espace quotidien.

Cependant, penser ce genre au travers de la notion d’espace constitue une fausse évidence, due à la polysémie de ce terme. Dans La Production de l’Espace (Lefebvre, 2000 [1974]), l’espace est traité comme une tripartition entre l’espace mental, physique et social, dont « l’identité quasi logique présupposée […] creuse l’abîme » de leur compréhension. C’est en proposant de les articuler dans une « théorie unitaire » (ibid. : 18) que le philosophe et sociologue formule cette réflexion toujours d’actualité. Aujourd’hui, la vitalité des approches spatiales, qui ont été un temps caractérisées par l’idée de « tournant spatial » (se retrouvant par exemple chez Edward Soja, 2011 [1989], voir aussi Besse, Clerc et Robic, 2017), aborde l’espace à travers ses différentes composantes politiques, culturelles et sociales.

Face à la densité de ces termes et de ces approches, cet appel invite alors à une réflexion et une étude sur ce qui permet d’identifier un espace de science-fiction et de caractériser sa spatialité. L’anticipation d’une nouvelle manière d’habiter vis-à-vis d’un moyen de navigation ou d’un équipement révolutionnaire ? Le quotidien de résistance face à une technologie envahissante à l’affût de la moindre déviance ? Ou bien des considérations plastiques ou sonores de ces villes du futur, plus souvent dystopiques et inaccueillantes qu’utopiques ? Ces propositions – non exhaustives – illustrent les façons dont un approfondissement de la notion d’espace, au prisme du genre science-fictionnel, s’étend au-delà d’un motif de conquête spatiale, et invitent à des considérations conceptuelles comme sociologiques. À ces questions, qui abordent frontalement les récits et les univers de science-fiction, s’ajoutent ensuite les enjeux de fabrication et de conception de ces espaces, qui peuvent également être liés à des questions architecturales ou paysagères. Du livre au jeu, en passant par le cinéma et le théâtre, la production d’un espace science-fictionnel peut alors impliquer des considérations intermédiales (Rajewsky, 2005) qui interrogent autant la place de ce genre dans un médium donné que la plasticité de la fabrication spatiale. Construire un espace science-fictionnel n’engage donc pas les mêmes conventions de réception ni les mêmes matériaux de production selon le médium analysé, entendu dans sa dimension plastique (Aumont, 2012 : 11).

À ces considérations sur la manière dont les espaces science-fictionnels sont construits peuvent également s’ajouter des réflexions sur la spatialisation de la pensée telle que présentée dans la science-fiction et son impact sur les actes cognitifs ou perceptifs. Autrement dit, la malléabilité de l’espace que s’autorisent certaines œuvres de science-fiction peut-elle être rapprochée de nouveaux « changements de paradigmes », perceptifs, scientifiques, etc., ou bien s’inscrit-elle simplement dans la continuité de changements déjà éprouvés ? Ces questions portent alors sur la conception et la conceptualisation de la spatialité du point de vue de sa perception et de sa compréhension, jusqu’à sa dimension vécue. Ainsi, l’ambition du présent dossier est d’inviter à des réflexions sur les conceptions de l’espace dans leur pluralité. D’une part, la spatialité comprise comme « l’ensemble des usages de l’espace par les opérateurs sociaux » (Lussault, 2007 : 18) ; d’une autre la spatialité comprise d’un point de vue phénoménologique et perceptif ; d’une autre encore, la spatialité comme représentation construite.

C’est dans cette optique que nous invitons les chercheurs et chercheuses, pour ce numéro thématique « Espaces et Science-Fiction », à soumettre des propositions qui examinent ces espaces et la manière dont ils sont conçus et construits. Il s’agira de se demander ce que l’espace de science-fiction produit, en regard des autres types de productions fictionnelles, y compris des autres genres de l’imaginaire, à la fois en tant que généralité conceptuelle, spécificité sémiotique ou auctoriale, dans la représentation et la production de nos fictions contemporaines. Nous encourageons les chercheurs et chercheuses à traiter l’espace science-fictionnel dans ses dimensions conçues, mais également vécues et pratiquées, telles que les œuvres médiatiques étudiées (livres, films, jeux…) les construisent. À travers cette approche, l’accent est mis sur les matérialités de l’espace, sa plasticité et malléabilité, sa dimension esthétique, son incarnation dans des lieux, des architectures et des paysages, et l’horizon des réflexions politiques et socioculturelles qui en émanent.

Ce dossier s’inscrit dans le prolongement de travaux portant sur l’espace dans sa dimension polysémique et son lien au genre science fictionnel, notamment l’histoire des topologies impossibles déployée par Elena Gomel au carrefour de la narratologie et des sciences de la nature (2014). Quand Daniel W. Jackson interroge le paysage de science-fiction des films des années 1950 (2020), Dominique Pagès trace la carte des territoires de l’utopie (2000) et Martin Walter explore les espaces déserts des fictions post-apocalyptiques (2019). Certaines thématiques proches des spatialités de la science-fiction ont aussi été abordées dans des contributions récentes à la revue Res Futurae (Delbouille, Dozo, Jousten, 2018, mais aussi De Smet, 2015 et Langlet, 2019), comme la réflexion développée par le philosophe Mathieu Triclot sur le jeu vidéo comme régime d’expérience de la science-fiction (Triclot, Barnabé, 2018). Celle-ci concluait un numéro consacré aux recoupements entre ce genre et le médium vidéoludique, où la question de l’espace était par ailleurs abordée dans le cadre des jeux vidéo horrifiques (Baychelier, 2018).

Dès lors, ce dossier place le curseur sur la notion même de spatialité dans le genre science-fictionnel, en tant que qualité de l’espace permettant d’interroger « ce qui fait espace » pour la science-fiction. L’appel est ouvert aux contributions liées à des médias spécifiques (le livre, le film, le théâtre, le jeu (vidéo)…) comme à celles souhaitant croiser les médias, à travers des approches comme l’adaptation et la transposition, la ludoformation (Aarseth, 2001 ; Bazile, 2018) ou les phénomènes d’intermédialité et de remédiation (Bolter et Grusin, 1999). En ouvrant cette thématique aux multiples disciplines qui interrogent les espaces et ce genre de l’imaginaire, il sera utile de replacer les concepts et notions au sein même des enjeux épistémologiques qui leur sont propres.

Axe 1 : Dimensions plastiques de l’espace
Si les univers de science-fiction peuvent engendrer chez les fans une « relation maximale au monde imaginaire » (Peyron, 2013 : 71), c’est d’abord parce que la science-fiction génère des mondes saillants (Pavel, 1988), plus ou moins éloignés du nôtre, souvent articulés autour d’un ou plusieurs novums (Suvin, 1972) ; des mondes qui nécessitent, pour les instances créatrices (ou subcréatrices au sens de Wolf) un effort supplémentaire de worldbuilding, de « construction de monde », qui inclut l’espace dans ses dimensions mentales, physiques, géographiques (Hynes, 2018 : 105) et sociales. À la construction de monde dans ses dimensions les plus abstraites se conjugue la mise en œuvre concrète de cette vision autant que sa réception, sa reconstruction par les publics. Ces « cartographies cognitives » sont aussi dépendantes du medium (ou des média) employé (Herman, 2004 : 64) qu’elles le sont des stratégies mobilisées pour recomposer les espaces science-fictionnels, et surtout, s’immerger dans ces mondes, les arpenter, voire les « absorber » (Wolf, 2017).

Ainsi les déformations spatiotemporelles des films Contact (Zemeckis, 1997)ou Interstellar (Nolan, 2014)se veulent réalistes, cherchant à suivre au plus près les conclusions de la relativité générale ; le constat est similaire au gré de la trilogie du Problème à trois corps de Liu Cixin, dans lequel une plasticité proprement littéraire (Raynal-Zougari, 2017) rend compte d’espaces complexes à deux et quatre dimensions. Dans le jeu vidéo Echo, ce sont les pratiques spatiales elles-mêmes qui se retournent contre le joueur ou la joueuse, lorsque les clones de la protagoniste copient les mouvements et stratégies de l’avatar ; l’espace est également bien plus qu’une toile de fond dans La Horde du Contrevent d’Alain Damasio (2004), où il devient le moteur narratif portant les personnages, mais aussi le lectorat à travers l’espace du roman-fleuve, de l’objet-livre (Juret, 2024). La série feuilletonnante Person of Interest (Nolan et J.J. Abrams, 2011-2016) fait quant à elle de la ville de New York un véritable personnage sentient, mobilisant la surveillance de masse pour recomposer un portrait mouvant de la mégalopole et de ses réseaux de personnages ; un usage de l’ubiquité propre aux superintelligences artificielles que l’on retrouve aussi dans l’alternance des points de vue du vaisseau sentient Justice de Toren et de ses « ancillaires » humains, comme autant d’yeux et d’oreilles (et donc, de points de vue) disséminés dans le monde de la trilogie des Chroniques du Radch, d’Ann Leckie (2015). À chaque medium, à chaque œuvre science-fictionnelle ses enjeux spatiaux et ses possibilités plastiques.

La science-fiction, au même titre que les genres de l’imaginaire de manière générale, possède une affinité marquée avec le transmedia storytelling (Harvey, 2015), soit le déploiement de l’histoire sur de multiples supports, tantôt réadaptant, tantôt étendant toujours plus loin, plus profondément, plus densément, la trame narrative. Avec ce premier axe, nous accueillons explicitement les contributions qui s’intéressent aux phénomènes d’intermédialités et de réflexions sur les propriétés plastiques de l’espace au sein des médias, lors de la conception, la production, ou l’adaptation de ces dits espaces ; qu’ils soient analysés au travers d’enjeux d’hybridations entre médias ou non.

Axe 2 : Voir, occuper et naviguer l’espace science-fictionnel
En 2002, Rob Kitchin et James Kneale inauguraient un ouvrage consacré aux recoupements entre géographie et science-fiction et invitaient à lire les espaces des œuvres de science-fiction à la fois comme des « métaphores spatiales » et, surtout, comme des supports permettant d’articuler une réflexion sur nos géographies contemporaines, leur « construction, reproduction, contingence » et la redéfinition de concepts tels « l’espace, la nature, la subjectivité et la réalité » (2002 : 9). À partir de ce point de départ se tisse la poursuite de réflexions comme celles présentées par Bertrand Westphal sur la géocritique, permettant de « sonder les espaces humains que les arts mimétiques agencent par et dans le texte, par et dans l’image, ainsi que les interactions culturelles qui se nouent sous leur patronage » (2007 : 17) au prisme du genre science-fictionnel. En prolongement du premier axe autour des dimensions plus plastiques et conceptuelles, nous invitons ici à interroger les processus d’occupation de l’espace qui s’immiscent dans les œuvres de science-fiction : au-delà de la représentation, qu’est-ce que ces territorialités et nouvelles formes d’habitabilité disent à la fois sur le genre science-fictionnel en lui-même et sur l’évolution de nos conceptions de l’espace et de sa perception ?

Un premier pan de cette réflexion concerne l’altération de cet espace par la modification du corps. Des améliorations corporelles au transhumanisme, voire aux autres formes de vie hybrides ou non, la science-fiction fait état de nombreux récits où la perception de l’espace est modifiée par des ajustements des corps, interrogeant autant les spatialités que des enjeux plus ontologiques (Hottois, 2017). Ces transformations concernent alors autant le corps propre, tel l’ironique Mickey 17 (Joon-Ho, 2025), cobaye instrumentalisé pour la découverte d’un moyen de survie extraterrestre, et dont le corps est sans cesse recomposé – et abandonné – afin d’assurer l’habitabilité sur une planète étrangère ; qu’elles peuvent concerner ses extensions/augmentations, relevant alors de l’équipement et des nombreuses combinaisons recouvrant les protagonistes de ces œuvres de science-fiction. Il demeure à cet égard fréquent d’associer la spatialité de la science-fiction à l’utilisation d’équipements spécifiques de survie, dont le paramétrage – ou le sabotage, comme dans Silo (Howey, 2012) – est une composante cruciale. Dans le jeu vidéo, l’équipement revêt une place prépondérante, autant comme signe de montée en puissance selon les paradigmes ludiques (Périer, 2017), mais également comme redéfinition de la pratique spatiale, à l’image des armures de Samus Aran (Licence Metroid, Nintendo, 1986) ou encore de Selene dans le jeu Returnal (Housemarque, 2021), icônes de leur survie comme de leur immersion dans un milieu hostile.

Dans un second temps, nous invitons les auteur·ices à s’intéresser aux enjeux de l’habitabilité, pouvant être interrogée sous la notion de territoire (Gonin, 2024), et se déclinant sous de multiples formes. Les propositions pourront s’attarder sur l’évolution des outils et interfaces de visualisation et de gestion de ces nouveaux espaces, ou encore sur les systèmes de navigation, un élément technologique presque indispensable à l’exploration de l’espace science-fictionnel, dont la gestion et le fonctionnement suscitent des réflexions sur nos manières de faire avec l’espace. Si la géographie a investi l’imaginaire comme espace d’étude des spatialités contemporaines (Desbois, 2015 ; Desbois et. al. 2016), nous invitons à continuer ce prolongement en interrogeant les façons dont les œuvres de science-fiction décrivent des outils futuristes qui reconditionnent et rediscutent l’aménagement spatial. Le voyage – qu’il s’agisse de conquête ou d’exploration spatiale – se conjugue fréquemment aux protocoles d’identification et de visionnage des planètes, de leurs ressources, et de leur proximité avec les protagonistes suivis.

Ainsi, en guise d’exemple, la cartographie a souvent été abordée au prisme de sa manière de reconfigurer les imaginaires des espaces et des territoires, des travaux de la cartographie critique (voir Gould et Bailly, 1995 ; Crampton et Krygier, 2011) jusqu’aux prolongements contemporains visant à « réarmer » la cartographie critique face au numérique (Joliveau et al., 2013 ; Noucher, 2022). Le récent Terra Forma, Manuel de cartographies potentielles (Aït-Touati et. Al., 2019) illustre comment la cartographie et les atlas sont des opérateurs majeurs de nos spatialités et de la compréhension et lisibilité de ces dernières ; mais aussi comment ce même outil de visualisation offre des prises dans l’analyse et la compréhension des univers de science-fiction, à l’image des multiples atlas réalisés par les fans de séries telles que Star Wars ou Star Trek. En réitérant les connexions entre technologies oculaires et constructions de savoirs situés (Haraway, 1988), cette piste de réflexion engage à déceler le rapport entre les outils et leurs rôles dans la construction des spatialités de la science-fiction, et à prolonger des travaux déjà initiés dans cette revue (Desbois, 2017).

De ce fait, les propositions s’inscrivant dans ce deuxième axe pourront traiter des manières de penser l’habitabilité des espaces sciences-fictionnels au travers des multiples prismes présentés ci-dessus. En interrogeant les enjeux de la pratique et l’occupation des espaces et territoires de ce genre de l’imaginaire, nous encourageons les chercheur·euses à déceler les liens entre nos spatialités contemporaines et celles de la science-fiction, dans un jeu d’aller-retour questionnant ce que ces territorialités imaginées produisent dans notre société, et inversement.

Axe 3 : Architectures et paysages de science-fiction
La question de l’habitabilité science-fictionnelle pourra également être étudiée du point de vue de la manière dont elle est contrainte ou rendue possible par l’organisation de l’espace – autrement dit, par la façon dont la spatialité est construite ou architecturée. Nous invitons en ce sens des propositions plus ancrées dans les domaines de l’architecture, du paysage ou de l’urbanisme. Pour reprendre l’exemple de Silo cité plus haut, le choix de situer le récit post-apocalyptique dans un silo industriel possède des implications multiples en termes de spatialité, qui touchent autant les manières d’habiter que les modes d’organisation de la société habitante des lieux, et fait référence à une histoire de l’architecture et de l’analyse des organisations spatiales. Au travers de ces analyses, on pourra alors se demander ce que la science-fiction fait à l’architecture, au paysage ou à l’urbanisme. Il s’agira de s’interroger sur la manière dont le « et si… ? » impacte l’organisation spatiale et les manières de la concevoir.

Par ailleurs, si de nombreuses recherches se sont déjà penchées sur les villes de science-fiction, peu se sont encore concentrées sur des échelles différentes ou des questions paysagères. À un niveau constructif, par exemple, si la science-fiction présente des mondes différents, futurs, comment ceux-ci sont-ils construits ? On pourra ainsi analyser si et comment les modes constructifs sont décrits, et ce qu’ils nous disent de nos manières de construire et d’habiter aujourd’hui. À une autre échelle, nous invitons à des réflexions sur la représentation et l’organisation des bâtiments : quels logements pense la science-fiction ? Comment sont pensés les écoles, les hôpitaux ou encore les bureaux dans ces récits et à quelles spatialités donnent-ils forme ? Il s’agira notamment d’analyser la manière dont est orchestrée la défamiliarisation de lieux familiers et quotidiens, et les discours que porte cette défamiliarisation.

En miroir de cette réflexion, des analyses sur l’impact que peuvent porter les imaginaires de la science-fiction sur les manières de penser l’architecture, la ville ou le paysage aujourd’hui sont également bienvenues, puisque ces enjeux traversent le design-fiction (Bleecker, 2009), les exercices prospectifs intégrés dans des réflexions stratégiques (Michaud, 2011), ou encore les planifications urbaines à long terme des grandes métropoles (comme le programme de recherche Paris 2030). Par exemple, quel rôle joue la science-fiction dans la conception de smart cities telles que le projet démesuré de The Line, en Arabie saoudite, au coût social et environnemental très lourd ? Cette réflexion pourra également être menée en considérant la réception des récits de science-fiction parmi les porteurs de tels projets, ou encore parmi les architectes, paysagistes ou urbanistes – à la manière du travail effectué par Eliza Culea-Hong (2019). Les imaginaires de la science-fiction ont notamment inspiré de différentes manières plusieurs groupes d’architectes des années 1960-1970, des britanniques Archigram aux radicaux italiens de Superstudio. Ce faisant, pourront également être proposés des articles traitant autant de cette place de la science-fiction dans l’histoire de l’architecture que dans les recherches actuelles portant sur le design spéculatif. Comment le novum est-il remobilisé dans ces processus expérimentaux et/ou critiques ?

Dirigé par Rosane Lebreton, Florent Favard, Lucas Friche.

Les propositions d’articles, d’environ 250-300 mots, accompagnées d’une brève biobibliographie, sont à envoyer avant le 30 janvier 2026 aux adresses suivantes : rosane.lebreton@gmail.com">rosane.lebreton@gmail.com, lucas.friche@univ-lorraine.fr">lucas.friche@univ-lorraine.fr, florent.favard@univ-lorraine.fr">florent.favard@univ-lorraine.fr

Échéances
Date limite pour les propositions : 30 janvier 2026.
Remise des articles V1 (30 000 à 50 000 signes) : 10 juin 2026.
Le processus d’évaluation de la revue ainsi que les normes éditoriales sont disponibles en ligne : https://journals.openedition.org/resf/13028

Bibliographie

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