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Bataille et le "supplicié chinois" - erreurs sur la personne par Jérôme Bourgon

Publié le par Marielle Macé (Source : Régis Poulet)

"J'en ai longtemps voulu à Bataille d'avoir miné par des photos de supplices les études que j'avais entreprises sur le droit chinois. Comme la plupart de mes maîtres et de mes collègues, je m'appuyais exclusivement sur l'écrit — texte de lois, pièces de procès. Jusqu'à ce qu'un bibliothécaire de la BNF me mette sous le nez les fameuses photographies des Larmes d'Éros [1]. Il m'a fallu du temps pour comprendre l'intérêt qu'elles présentaient. J'ai entrepris de reconstituer les modes d'exécution en utilisant les photographies du même genre, ainsi que certaines méthodes d'exploitation, comme ces plans rapprochés sur le public assistant au supplice.
"L'angle sous lequel j'évoque Bataille et le supplicié chinois est celui des faits. Dans la mesure où Bataille a cru bon de publier des photos et de les commenter, je sollicite le droit de soumettre ces informations à l'examen critique. Ce qu'on va lire est donc bien différent, bien en deçà, si l'on préfère, d'une nouvelle interprétation de Bataille — c'est un examen de ses sources et de ce qu'il leur fait dire, ou de ce qu'on a fait dire à Bataille à leur propos.
"J'ai choisi pour fil directeur commode le thème de l'« erreur sur la personne ». J'en déclinerai trois acceptions différentes et complémentaires. Tout d'abord, le quiproquo : il y a eu erreur sur l'identité du supplicié chinois, détail anecdotique si l'on veut, mais qui n'est pas sans conséquence. Viennent ensuite de sérieuses questions sur la personne de l'auteur des Larmes d'Éros : qui a écrit les commentaires et la légende accompagnant les photos du supplice chinois, tout particulièrement ceux qui postulent une « extase » chez le supplicié ? Chemin faisant, nous aurons collecté des réflexions sur un troisième aspect qui sera succinctement repris en conclusion : celui de la personne au sens le plus général, abstrait, ou plus exactement au sens humain du terme. Chez la plupart des commentateurs, le Bataille des Larmes d'Éros au premier chef, la persona, ce masque de souffrance extatique, cette figure extasiée qui joue le premier rôle dans le spectacle réglé du sacrifice, obère la personne du supplicié. Corriger cette dernière erreur sur la personne, c'est chercher à retrouver un sujet, celui de l'histoire que j'ai entrepris de restituer."

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