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L’infini succès de Jane Austen : entretien avec François Laroque, par Hugo Pradelle (en-attendant-nadeau.fr)

L’infini succès de Jane Austen : entretien avec François Laroque, par Hugo Pradelle (en-attendant-nadeau.fr)

Publié le par Marc Escola

Alors que le monde entier célèbre les 250 ans de Jane Austen en grande pompe, il semble utile de mieux connaître le parcours d’une romancière aussi adulée, de comprendre les raisons de son succès absolu et d’une popularité qui pourrait surprendre. Quelques éléments de réponses avec François Laroque qui traduit ses romans et qui, après un formidable Dictionnaire amoureux de Shakespeare, lui consacre un volume à paraître au printemps.

"Jane Austen aurait, en ce mois de décembre 2025, 250 ans. Si le temps présent apprécie un peu démesurément les anniversaires, celui-ci prend une ampleur assez étonnante. C’est une sorte de folie éditoriale et commerciale. 

Première femme après la reine à figurer sur un billet de banque – au dos des coupure de dix livres sterling –, Jane Austen a publié ses six grands romans dans l’anonymat en les signant de la simple mention de « by a lady ». Son identité ne sera révélée qu’après sa mort, en 1817, dans le texte que son frère Henry écrivit en guise de préface aux quatre volumes réunis dans un même coffret, ceux de son premier et de son dernier roman, L’abbaye de Northanger et Persuasion. Après une période de relatif oubli, plusieurs écrivains, et non des moindres, ont tenu à la qualifier de « Shakespeare de la prose ». Malgré tout, les malentendus n’ont pas manqué. Car les moins clairvoyants ont pu voir en elle une simple pourvoyeuse d’intrigues sentimentales et désuètes dans des romans où le mariage est le principal enjeu, où les invitations à dîner obéissent à une étiquette bien précise et à des règles de préséance et où, dans les bals, les jeunes filles qui font leurs débuts dans le monde se voient dûment chaperonnées et doivent cultiver l’art de la conversation et faire preuve de toutes sortes d’autres talents comme le point d’aiguille, le dessin, le chant et la musique. On ne pourrait être plus loin de la vérité. 

Le battage commercial fait autour de son nom à l’occasion des 250 ans de sa naissance est enfin l’occasion de rendre justice en France à celle que Virginia Woolf porte aux nues dans Une chambre à soi. D’une grande liberté de ton par rapport aux codes littéraires de son temps, Jane Austen n’hésite pas, en effet, dans L’abbaye de Northanger, à se moquer des romans gothiques qui faisaient alors fureur. Toute classique qu’elle est, Jane Austen est en réalité une moderne, la seule qui sorte véritablement du lot parmi toutes ces « ladies of the pen », les Fanny Burney, Maria Edgeworth, Charlotte Lennox ou autres Ann Radcliffe, ces romancières à succès, à la fois concurrentes et inspirantes, qui gagnaient de l’argent là où la native de Steventon tirait désespérément le diable par la queue. 

A-t-elle toujours connu cette fortune ? 

Si vous le permettez, je prendrai ici le mot fortune dans son sens premier. Jane Austen a en effet toute sa vie lutté contre l’impécuniosité, au point que la question de l’argent revient de manière quasi obsessionnelle dans son œuvre. En ce sens, ses romans, que l’on présente parfois comme des contes de fées, sont aussi en partie des contes de fric. 

Après une période de traversée du désert, ses romans ont peu à peu conquis le public anglophone, de sorte qu’on ne compte plus désormais les ouvrages qui lui sont consacrés, sans parler des adaptations à l’écran ou des nombreux produits dérivés de l’important tourisme culturel auquel elle a donné naissance. […]"

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