"Il y a cinquante ans décédait Pierre Bost". Une chronique des Ensablés, par F. Ouellet (Actualitte.com)
"De son vivant Pierre Bost (1901-1975) avait déjà été tué deux fois.
Par Jean-Paul Sartre en 1947, lorsque l’écrivain existentialiste, dans un article des Temps modernes, a congédié une poignée d’écrivains qui, pour cause de littérature « radicale-socialiste », avaient fait leur temps.
Par François Truffaut en 1954, quand le jeune critique des Cahiers du cinéma décide de se faire les dents en attaquant sauvagement le cinéma de Bost et Jean Aurenche, la paire de scénaristes la plus célèbre de l’après-guerre.
Et puis il y a une autre mort, plus douce et pourtant plus impitoyable : celle imposée par le passage du temps, ensuite par l’histoire littéraire, dont la mémoire, comme celle des hommes, est sélective, et par conséquent incomplète et parfois scandaleusement trouée.
Si l’écrivain n’a pas subsisté dans les ouvrages d’histoire de la littérature, les férus de cinéma se souviennent toutefois du scénariste. Des films comme Douce (1943), L’Auberge rouge (1951), La Traversée de Paris (1956) ou En cas de malheur (1957), c’est la signature de l’équipe Aurenche et Bost et du réalisateur Claude Autant-Lara.
Et puis L’Horloger de Saint-Paul (1973), le premier film de Bertrand Tavernier, c’est aussi avec Bost et Aurenche à la scénarisation. À l’époque, alors qu’il était à la recherche d’un scénariste, Tavernier avait visionné des quantités de films. « Je tombe en arrêt devant l’admirable écriture d’Aurenche et Bost. Je suis frappé par la qualité des adaptations, des dialogues, de la peinture sociale. Leur goût pour une langue haute en couleur, inventive, ne se faisait pas aux dépens des personnages, n’en contrariait pas la justesse émotionnelle ou sociale. J’aimais aussi la morale qu’ils faisaient passer dans leurs films, l’abondance d’idées insolites, incongrues, cocasses ou aiguës », racontera le cinéaste.
Plus tard Tavernier rendra hommage à Bost en adaptant le dernier roman de l’écrivain, Monsieur Ladmiral va bientôt mourir (1945), devenu Un dimanche à la campagne (1984) sous le regard du réalisateur, film aussi réussi que le roman lui-même (chose assez rare). Allez lire ce roman admirable, qui vient clore, pour Bost, vingt-deux ans de vie littéraire (1923-1945), et qui se lit inévitablement comme un adieu à la littérature (la mort annoncée du titre, c’est la sortie littéraire de Bost, qui passera les trente années suivantes à faire du cinéma) […]."