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Appels à contributions
La figure de l'enfant plurilingue en littérature

La figure de l'enfant plurilingue en littérature

Publié le par Marc Escola (Source : Marie Gourgues)

Appel à contributions pour le volume La figure de l’enfant plurilingue en littérature

Cet ouvrage vise à prolonger et enrichir les réflexions menées lors de la journée d’étude « La figure de l’enfant plurilingue en littérature » qui a eu lieu à l’Université de Caen Normandie le 18 novembre 2021.

La question du plurilinguisme spécifiquement littéraire est un objet d’étude relativement récent depuis les travaux fondateurs de L. Forster dans les années 1970. La figure de l’enfant (narrateur ou personnage) en littérature, quant à elle, a été largement étudiée depuis les années 1960 : comme le rappelle Ph. Ariès, jusqu’aux Confessions de Rousseau, qui annoncent l’avènement du récit d’enfance en Europe au XIXe siècle, l’enfant n’est que l’instance située dans la préhistoire du sujet, et est donc, en littérature, une figure présentant peu d’intérêt. La figure de l’enfant plurilingue demeure ainsi peu étudiée dans le champ des études littéraires sur le multilinguisme.

Par plurilinguisme, on entend d’une part la multiplicité des langues et le mélange des langues comme thèmes, mais aussi les modes de représentation et les mises en scène des langues en littérature. D’autre part, c’est la question de l’hybridité des langues dans le texte littéraire qui nous intéresse, dans la lignée de ce que R. Grutman et M. Suchet à sa suite appellent l’hétérolinguisme. Les textes hétérolingues sont ceux véritablement situés « à la croisée des langues ». 

Cet ouvrage collectif vise à analyser les narrateurs enfants (ou reconstruisant à distance une narration enfantine) évoluant en et entre plusieurs langues – soit qu’ils pratiquent deux langues ou plus, soit que leur environnement familial, scolaire, ou national se constitue d’un tissu de langues. Que l’on songe à Elias Canetti, Nancy Huston, Vassilis Alexakis, Augusto Roa Bastos (Hijo de hombre) ou Agota Kristof : que les enfants plurilingues soient les doubles autobiographiques (l’on pense à ce titre aux travaux récents de A. Ausoni) ou autofictifs de leur auteur, ou qu’ils soient de purs êtres de papier, leur identité est tissée de toutes leurs langues, acquises simultanément ou successivement, dans l’altérité de leurs congénères monolingues. Dans ce volume, l'on pourra ainsi explorer la mise en fiction des personnages et/ou narrateurs enfantins s'exprimant dans plusieurs langues et les implications littéraires d'une telle mixité linguistique.
Il s'agira également de se pencher sur les imaginaires et les représentations des langues apparaissant dans des récits employant et mettant en scène l'enfance multilingue, notamment lorsqu'elle est confrontée au monolinguisme d'autres instances narratives. Pourront également être étudiés les phénomènes d’assimilation, d’hybridité, d’attrition, de diglossie… et leur mise en littérature. Quels associations et imaginaires des langues sont déployés en littérature selon le contexte linguistique connu dans l’enfance ?
Il conviendra en outre de s'intéresser au rôle de l'auteur, pris entre apprentissage et enseignement, dans la création de fictions plurilingues. Qu’implique par exemple le choix ou l’abandon d’une langue d’écriture lorsqu’elle était pratiquée par l’auteur dans son enfance ?

Nous nous intéresserons plus particulièrement aux œuvres en langues française, espagnole, allemande, anglaise et italienne dans la mesure où elles présentent un fort potentiel de mixité entre elles du fait des politiques scolaires tournées vers les langues européennes, mais également avec d’autres langues régionales ou dialectes au sein même de chaque pays où elles sont langues officielles (notamment hors Europe). Les propositions portant sur la littérature jeunesse sont également les bienvenues.

Axes thématiques proposés

Les propositions d’articles pourront s’appuyer sur les quatre axes ayant structuré la journée d’études :

1. Récit d’enfance de l’autobiographe plurilingue et créativité langagière

Comment se traduit le plurilinguisme dans la littérature lorsque l’enfant est impliqué ? On s’interrogera sur la représentation des langues par les figures d’enfants narrateurs et sur l’enfant plurilingue comme figure d’énonciation spécifique. Les questions d’écriture de soi entre les langues dès l’enfance, par exemple d’un point de vue génétique (journaux intimes, autofiction, autobiographie) peuvent être envisagées. L’on pourra réfléchir à cet égard aux questions de traductologie et d’auto-traduction autour de la problématique de l’enfance, et tout particulièrement dans le récit de soi.

2. Du foyer au monde : langues de l’enfance, transmission et émancipation

      a) Le foyer : Pourra être étudié ici le thème de l’enfant plurilingue et de sa maison familiale en littérature. On pense ici à des considérations liées aux affects, aux émotions et aux langues de l’enfant en littérature (Pavlenko, 2005). La place du jeu linguistique et des aspects psycholinguistiques pourra à cet égard être examinée.

     b) Le monde : On examinera la question de l’apprentissage scolaire des langues et de l’élève plurilingue en littérature. On se penchera sur des considérations plus sociolinguistiques : l’apprenant plurilingue à l’école, la confrontation avec un milieu allophone éventuellement hostile ou monolingue… Nous nous inscrivons dans la lignée des considérations métalinguistiques des enfants plurilingues par Cazden (Cazden, 1974).
Par ailleurs, les instances narratives situées au-dessus de la diégèse et la place de l’auteur plurilingue sont à envisager en regard d’aspects d’acquisition des langues : l’auteur lui-même est-il apprenant lorsqu’il déploie son plurilinguisme en littérature ? Est-il enseignant ? Si c’est le cas, vis-à-vis de quelles autres instances littéraires ? Veut-il enseigner sa langue au lecteur ?

3. L’adolescence et l’exotisme langagier : identité et altérité

Traditionnellement conçue comme une époque de découverte de soi et de l’autre, l’adolescence s’érige comme le moment où l’identité se forge notamment dans la confrontation à l’altérité, une altérité qui peut soit se radicaliser, soit au contraire laisser la place à la tolérance et à l’enrichissement mutuel. L’on pose des mots sur ce que l’on est et ce que l’on n’est pas, et sur ce que les autres sont et ne sont pas, et la maîtrise de plusieurs langues peut rendre plus aisé, ou à l’inverse plus complexe, ce processus de construction de soi. Ainsi donc, quelle est la place des langues dans une telle construction de soi et de l’autre lors de l’adolescence, et quels sont les enjeux pour sa représentation littéraire ?

4. Le langage comme patrie pour le jeune plurilingue apatride ? 

Grandir entre les langues peut supposer un positionnement complexe à l’égard des différentes cultures connues par le jeune locuteur qui ne se sent pas complètement appartenir à l’une ou à l’autre, voire qui est rejeté par (l’une d’entre) elles du fait de son métissage. Les personnages ou narrateurs enfants plurilingues sont enclins à ressentir une telle perte de repères, mais ce peut également être le cas des auteurs multilingues. À travers le récit, ou l’écriture, ils s’interrogent sur leur place dans le monde : comment est alors représenté leur déboussolement et par quels moyens cherchent-ils à le résoudre ? La littérature pourrait de son côté ouvrir une troisième voie à ces apatrides : comment les mots peuvent-ils alors constituer une patrie littéraire pour ceux qui n’en ont plus – ou qui en ont trop ?

Indications bibliographiques

Amati Mehler, Jacqueline, Argentieri, Simona, Canestri, Jorge, La Babele dell’inconscio. Lingua madre e lingue straniere nella dimensione psicoanalitica, Raffaello Cortina Editore, Milan, 1990.
Ariès, Philippe, L’Enfant et la vie familiale sous l'Ancien Régime, Plon, Paris, 1960, p. 161-198.
Ausoni, Alain, Mémoires d’outre-langue. L’écriture translingue de soi, Editions Slatkine, Genève, 2018.
Barrilla Villanueva, Rebeca, « Oralidad y escritura. Una encrucijada para las lenguas indígenas », Cahiers du monde hispanique et luso-brésilien, n°76-77, Université de Toulouse-Le Mirail, Toulouse, 2001, p. 611-621.
Cazden, Courtney, « Play with language and metalinguistic awareness: One dimension of language experience », The Urban Review, 7, 1974.
Dollé, Marie, L’imaginaire des langues, L’Harmattan, Paris, 2002.
Engel, Susan, « Looking Backward: Representations of Childhood in Literary Work », Journal of Aesthetic Education, vol. 33, n°1, University of Illinois Press, 1999, p. 50–55. [www.jstor.org/stable/3333736.]
Forster, Leonard, The Poet’s Tongues : Multilingualism in Literature, Cambridge University Press, Cambridge, 1970.
Gallén, Enric, Ruiz Casanova, José Francisco (ed.), Bilingüisme, autotraducció i literatura catalana, Punctum, Lleida, 2018.
Gauvin, Lise (dir.), Les Langues du roman. Du plurilinguisme comme stratégie textuelle, Presses de l’Université de Montréal, Montréal, 1999.
Grutman, Rainier, Des langues qui résonnent. L’hétérolinguisme au XIXe siècle québécois, Fides-CÉTUQ, Québec, 1997.
Kelley, Joyce E., Children’s Play in Literature. Investigating the Strengths and the Subversions of the Playing Child, Routledge, Londres, 2020.
Khan, Ummni, Saltmarsh, Sue, « Childhood in Literature, Media and Popular Culture », Global Studies of Childhood, vol. 1, n°4, 2011, p. 267-270 [10.2304/gsch.2011.1.4.267].
Lafont, Suzanne, Récits et dispositifs d’enfance (XIXe - XXIe siècles), Presses Universitaires de la Méditerranée, Montpellier, 2012.
Pavlenko, Aneta, Emotions and Multilingualism, Cambridge University Press, Cambridge, 2005.
Suchet, Myriam, L’Imaginaire hétérolingue. Ce que nous apprennent les textes à la croisée des langues, Classiques Garnier, Paris, 2014.
Voghera, Miriam, « Il plurilinguismo in Italia », in Calabrò, Giovanna (dir.), Le lingue dello straniero. Atti del Convegno internazionale di studi, Liguori, Naples, 2003, p. 36-75.

Informations pratiques

Date limite d’envoi des propositions d’articles (500 mots et une courte présentation de l’auteur.rice) : 14 mai 2022
Date de rendu des articles retenus : 29 juin 2022
Envoi aux adresses mails : marie.gourgues@unicaen.fr ; louise.sampagnay@unicaen.fr 
Rédaction selon les normes des éditions des Archives Contemporaines, accessibles via : https://www.archivescontemporaines.com/Instructions/
Langue de rédaction : une des langues de travail (français, anglais, espagnol, allemand, italien)