
L’ouïe dans la pensée européenne au 18e siècle
Colloque international
Centre d’Étude des Relations et Contacts Linguistiques et Littéraires
Amiens,
9 et 10 mars 2017
Le siècle des Lumières apparaît à bien des égards comme celui de la vue. De son champ lexical métaphorique, commun aux différentes langues européennes et structuré par l’opposition entre lumière (raison) et obscurité (ignorance et superstition), à l’avènement de l’observation scientifique, dont témoignent par exemple les planches de l’Encyclopédie, en passant par les progrès de l’ophtalmologie, dont les succès dans l’opération de la cataracte, qui rend voire donne la vue aux aveugles, connaissent une large diffusion savante, tout semble donner raison à Goethe, qui, dans son autobiographie, résume le contexte intellectuel de sa naissance par cette formule : « on ouvrit les yeux » (Poésie et vérité, livre 7). Le colloque organisé les 9 et 10 mars 2017 à Amiens par le Centre d’Étude des Relations et Contacts Linguistiques et Littéraires (CERCLL) propose d’apporter un éclairage différent sur cette période en se donnant pour objet l’ouïe dans la pensée européenne au 18e siècle.
Comme celle sur la vue, la réflexion sur l’audition s’inscrit dans l’exploration systématique de la perception humaine à laquelle se livrent différentes disciplines telles que la médecine, la philosophie et la théorie des arts, alors que s’opère le tournant anthropologique, qui place l’homme, dans ses dimensions physique et psychique, au centre des préoccupations. Dans le cas particulier de l’ouïe, l’étude de la perception rencontre celle du langage, qu’il s’agisse, dans une perspective phylogénétique, de reconstituer son origine à l’échelle du genre humain ou, dans une perspective ontogénétique, d’analyser son acquisition par l’individu. Le colloque doit permettre de confronter différentes approches de l’expérience auditive développées en Europe au 18e siècle. Le périmètre géographique initial du projet englobe les aires culturelles française, allemande et britannique, il est appelé à s’élargir en fonction des propositions suscitées. Du côté français, les protagonistes du débat sont connus. On songe à Condillac, à Diderot, à Rousseau. Le colloque se veut aussi l’occasion de s’intéresser à d’autres figures comme l’abbé de l’Épée, auteur d’une méthode controversée de communication gestuelle pour les sourds-muets. Du côté allemand, différentes lignes de tradition pourront être représentées, comme celle des philosophes rationalistes (Leibniz, Baumgarten) et celle des penseurs empiristes Mendelssohn, Sulzer et Herder, auxquels s’ajoutent les médecins Krüger et Haller. Enfin, parmi les auteurs de langue anglaise qui ont écrit sur les sens au 18e siècle figurent notamment Locke, Berkeley, Berham et Hume.
Les communications pourront aborder les problématiques suivantes :
- le passage de la sensation au sentiment : Comment est conçue l’interaction entre les sphères physique et psychique, entre le corps et l’âme, la matière et l’esprit ? L’idée que les perceptions auditives déclenchent des sentiments particulièrement puissants fait-elle consensus ?
- le handicap : Quelles réflexions théoriques et quelles propositions pratiques suscite la déficience auditive ?
- le rapport entre analyse et synthèse dans les discours sur la perception : L’analyse consiste à isoler chaque sens des autres pour cerner son fonctionnement propre et son apport spécifique, la synthèse à chercher comment les sens coopèrent en sorte que les informations reçues par leur intermédiaire se fondent en une représentation mentale unique de l’objet. Comment ces deux démarches s’articulent-elles ?
Enfin, on pourra s’interroger à nouveaux frais sur la pertinence des dénominations « rationalisme », « empirisme » et « sensualisme » et s’intéresser aux phénomènes de circulation et de transfert à l’œuvre dans la pensée européenne sur l’ouïe au xviiie siècle.
Les langues de travail du colloque seront le français, l’allemand et l’anglais. Les propositions de communications sont à adresser à Clémence Couturier-Heinrich (clem.heinrich@orange.fr) avant le 31 octobre 2016 sous forme de résumés d’une quinzaine de lignes. Elles seront examinées par un comité scientifique composé de
Sylviane Albertan-Coppola, professeur de littérature française à l’Université de Picardie Jules Verne,
Geneviève Espagne, professeur émérite de littérature allemande à l’Université de Picardie Jules Verne,
Élisabeth Décultot, professeur à l’université Martin Luther de Halle-Wittenberg,
Jean Mondot, professeur émérite de littérature allemande à l’Université de Bordeaux Montaigne,
Hans Adler, professeur de littérature allemande à l’Université du Wisconsin à Madison.