Temps, temporalités et histoire dans l’œuvre de C. Castoriadis
28/29 avril 2016, Montréal, Université de Sherbrooke/Campus de Longueuil
L’objectif de ce colloque est de s’interroger, d’une part, sur la place qu’occupe le concept de temps au sein de l’œuvre de Cornelius Castoriadis et, d’autre part, d’explorer ses implications pratiques et théoriques. L’ensemble des contributions devrait ainsi converger vers la mise en perspective de thèses souvent admises au sujet de la spécificité de l’expérience capitaliste du temps, comme l’idée d’une « fragmentation », d’une « accélération » ou encore celle d’une montée du « présentisme ». C’est, par contraste, l’idée d’une expérience démocratique du temps qu’il s’agit aussi d’imaginer.
Argumentaire
Si l’apport de Cornelius Castoriadis à la théorie de l’imaginaire, de la création et de la démocratie est désormais bien documenté, de nombreux aspects de son œuvre restent injustement méconnus et mésestimés. Parmi eux se trouvent les nombreuses propositions qu’il a avancées concernant ce qu’on peut appeler une « philosophie du temps ». 1) Renvoyant dos à dos la thèse selon laquelle le temps est une propriété objective du réel et celle selon laquelle il est une catégorie de notre entendement, Castoriadis s’est efforcé de mettre en valeur les conditions sociales de notre expérience du temps, conditions sociales qu’il cherche à penser à travers l’idée, celle-ci mieux connue, d’une « institution imaginaire de la société ». Si Castoriadis reconnaît qu’il y a un fondement objectif et naturel à notre expérience du temps (ce qu’il pense à travers le concept d’inspiration freudienne « d’étayage »), il suggère aussi que notre rapport au temps est un artifice social historiquement déterminé qui peut être, du fait même de son artificialité, transformé et pris en charge dans certaines limites. 2) Mais en plus de se situer de manière originale dans l’histoire de la philosophie du temps, sa conception du temps occupe aussi une place centrale au sein de sa critique du rationalisme philosophique, puisqu’il fait de l’élucidation de ce concept un pivot de son analyse de la création. Selon Castoriadis, repenser la création au-delà de son occultation par la « pensée héritée » nécessite une profonde refonte de notre compréhension du temps, ce qu’il a entrepris de manière suggestive dès L’institution imaginaire de la société. Un aspect de cette critique de la « pensée héritée » est par exemple la généalogie qu’il propose de « l’institution philosophique du temps » dans le 4e chapitre de L’institution. Le thème du temps, bien loin d’être un thème de seconde importance dans l’œuvre de Castoriadis, se situe donc en son cœur, et l’engage de manière très profonde avec l’histoire de la philosophie. Ces deux raisons devraient suffire à susciter l’intérêt de celles et ceux qui s’intéressent à Castoriadis (et plus largement celles et ceux qui s’intéressent à de telles thématiques) à étudier plus profondément sa théorie du temps.
Il est en outre clair que la thèse castoriadienne d’une institution imaginaire du temps a des implications théoriques et pratiques importantes, qu’il serait fort intéressant d’explorer en commun. A) Il sera possible par exemple de s’interroger sur les rapports que Castoriadis établit, ou pourrait établir, entre l’institution imaginaire du temps, le projet d’autonomie et, pour reprendre son vocabulaire, l’hétéronomie instituée. Dans quelle mesure la représentation qu’une société se fait du temps vient-elle contribuer, ou ne pas contribuer, à son émancipation concrète ? B) De manière similaire, il serait bienvenu de se demander quel rapport Castoriadis propose ou proposerait entre la thématique de l’institution imaginaire du temps et celle de la subjectivation. Quel est le rôle, pourrions-nous nous demander, qu’occupe l’institution capitaliste du temps dans la construction de notre subjectivité, de notre rapport à soi, aux autres et à la nature ? C) La contingence historique de notre rapport au temps engage aussi une réflexion, plus théorique, au sujet des conditions de scientificité des disciplines historiques. Bien loin de se contenter de réintroduire sous une nouvelle forme le problème classique de l’historicité de la connaissance historique, Castoriadis nous enjoint à nous interroger beaucoup plus profondément sur les effets que peut avoir notre conception du temps sur notre perception et narration de l’histoire. Voici quelques thèmes, non exclusifs, que les conférenciers pourraient aborder.
Les futurs conférenciers pourront aussi s’interroger sur les limites des développements de Castoriadis sur le temps. I) Par exemple, l’interprétation que fait Castoriadis de l’histoire de la modernité en termes d’une opposition binaire entre un imaginaire de la « pseudo-maîtrise pseudo-rationnelle » et un imaginaire de l’autonomie paraît bien insuffisante pour rendre compte de la multiplicité des expériences de la temporalité dans la modernité. II) De même, il est possible de se demander comment Castoriadis parvient à concilier la thèse d’une continuité et d’une homogénéité historiques du projet d’autonomie (thèse elle-même critiquable) et celle d’une discontinuité et d’une hétérogénéité des institutions imaginaires du temps dans l’histoire des hommes.
L’ensemble des contributions devrait ainsi converger vers la mise en perspective d’une thèse souvent admise au sujet de la spécificité de l’expérience capitaliste du temps, à savoir son accélération et sa fragmentation. C’est, par contraste, l’idée d’une temporalité démocratique qu’il s’agit aussi d’imaginer.
Conditions de soumission
Les propositions de communication devront être soumises sous la forme d’un résumé en français ou en anglais d’un maximum de 500 mots. Elles devront être envoyées à l’adresse suivante : ateliercastoriadis@gmail.com
Les résumés devront être envoyés avant le 15 janvier 2016 à l’adresse courriel citée. Réponse sera faite le 15 février 2016.
Date et lieu : 28/29 avril 2016, Université de Sherbrooke/Campus de Longueuil
Comité scientifique et d’organisation
André DUHAMEL, professeur agrégé, Département de philosophie et d’éthique appliquée, Université de Sherbrooke ; Thibault TRANCHANT, Université de Rennes 1/Université de Sherbrooke, doctorant.