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Appels à contributions
Le Dégoût

Le Dégoût

Publié le par Marc Escola (Source : Rym.kheriji)

UNIVERSITÉ de MANOUBA
Faculté des Lettres, des
Arts et des Humanités

Études Maghrébines, Francophones, Comparées et Médiation Culturelle
Laboratoire de Recherche

Colloque international : Le dégoût
12, 13, 14 et 15 juillet 2012


Il est communément admis que le goût procure le plaisir et manifeste le monde sensible dans toute sa gloire. Il est désir, jouissance et satisfaction. Qu’en est-il du dégoût ? La Métamorphose d’un Kafka ? La Peste d’un Camus ? La  Nausée d’un Sartre ? Ou est-ce plutôt  L’Histoire de l’oeil  d’un Bataille qui dit, avec délectation, le sang, le bas, le supplice et la mort ?
L’effondrement du moi, si l’on en croit Freud, prépare l’écroulement du monde et rejette l’art dans la proximité de l’immonde. Bataille postule que l’hétérogène est la « science de tout ce qui est autre ». La littérature serait alors négativité, rejet, refoulement. Kristeva quant à elle, précise que le désir de l’informe étouffe la forme, « invite et dissuade ». Elle ajoute que « le dégoût  sollicite, inquiète, fascine le désir qui pourtant ne se laisse pas séduire. Apeuré, il se détourne. Ecoeuré, il rejette ». La complaisance pour l’excrémentiel devient une catégorie esthétique.  Nietzsche n’affirme-t-il pas que « tous les corps éliminent sans cesse, rejettent  ce qui dans l’être absorbé par eux ne leur est pas assimilable, ce que l’homme méprise, ce dont il a le dégoût, ce qu’il appelle mauvais, ce sont les excréments ». Le bas, le sale, le laid repoussent et fascinent et le dégoût n’est plus une émotion négative. Il est cette « sensation» baudelairienne qui le rachète à travers le goût même.

Contrairement au cynisme qui sévit, le dégoût, lui, « rend lucide » selon les dires de Valéry. Profanation et grotesque accompagnent l’homme dominé par sa libido dans la voie du laid. De Rabelais à Boudjedra, la littérature française et francophone regorge d’exemples où l’abject rejette le beau et adopte l’excretia dans un spectacle scatologique. Les contemporains de Rabelais ont été victimes de leurs goûts exacerbés de la gastronomie dont le fondement est traditionnel : argument de poids à une époque où la coutume sert de justification à tous les abus. Et c’est leur gourmandise devenue vice qui a exaspéré l’auteur du XVIe siècle, déclenchant son dégoût alimentaire, et, par conséquent, de la matière. C’est ainsi qu’il développe une vision négative de la gastronomie, en en faisant une maladie dont il faut guérir afin de purger son esprit de toute préoccupation humaine. Plus tard, Montaigne, analyste et moraliste en quête de sagesse dans Les Essais, s’interroge sur la matière, lui conférant une image problématique, particulièrement défavorable au développement de la pensée et du rapport critique à la connaissance. Au XIXe siècle, Balzac, dans La Femme de trente ans, grâce à la métaphore associant le mariage aux aliments, transforme le dégoût matrimonial, perçu comme vice, en goût, donc en vertu. Ainsi, répugnance, déplaisir et désenchantement ne deviennent-ils pas respect, considération et tolérance ? Plus proches de nous, Lautréamont, Bataille et Duras célèbrent tout négatif et confèrent à leurs oeuvres d’art une beauté monstrueuse.

La littérature francophone, à son tour, excrète le goût et s’avère sensible au rejet, à la négativité en se résignant à un dégoût inextricablement lié à l’abject. Le dégoûtant ne dégoûte plus. Le déplaisir devient jouissance. L’excrément se hisse définitivement au niveau de la recherche artistique et convertit le thanatique en extatique : corps mutilés, ordures, crachats, déchets contaminent la production littéraire et se transforment en puissants réseaux de sens. Chez Boudjedra, Kheir-Eddine, Kourouma, et Labou Tansi, le rejet dans sa dimension  hétérogénéisante est existentiel. Il  tente d’abolir la nausée en l’opposant à la seule vérité nue de l’être, le Mal.

L’objectif de ce colloque sera donc d’essayer de définir le dégoût, d’observer ses modes d’expression et les différents domaines dans lesquels il se manifeste. Dans cette perspective, nous proposons les pistes de recherche suivantes :
- Le dégoût dans le lexique, les langues, les Arts, la médecine, la gastronomie. 
- Le dégoût : de la politique à la poétique.
- Dégoût et interculturalité.
- Dégoût et traduction : est-il intraduisible ?
- Dégoût et recherche esthétique.
- Dégoût : jouissance, censure, subversion.

Les propositions de communication sont à envoyer, avant le 15 juin 2012, en fichier joint, au format Word, aux adresses mail suivantes : habib.salha@yahoo.fr ou www.fat02@hotmail.fr 

Elles comporteront aussi des informations pratiques (nom, prénom, institution, numéro de téléphone et adresse électronique) et seront accompagnées d’une notice biobibliographique.

Comité d’organisation : Bessem Aloui, Faten Béjaoui, Ibtihel Ben Hamed, Sana Dahmani, Hanène Harrazi, Rym Kheriji.
Comité Scientifique : Ali Abbassi, Habib Ben Salha, Sadok Gassouma, Hamdi Hémaïdi, Fadhila Laouani.