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Les 200 ans de La Dame blanche de Boieldieu et Scribe : genèse, création, circulation, représentations (Paris, Rouen)

Les 200 ans de La Dame blanche de Boieldieu et Scribe : genèse, création, circulation, représentations (Paris, Rouen)

Publié le par Eloïse Bidegorry (Source : Joann Élart)

Opéra Comique de Paris, les 10 et 11 décembre 2025

Opéra Orchestre Normandie Rouen, les 2 et 3 avril 2026

Colloque organisé avec le soutien du Palazzetto Bru Zane et le CÉRÉdI

Cet événement s’inscrit dans le cadre du bicentenaire de La Dame blanche, opéra-comique de Boieldieu et de Scribe créé à l’Opéra-Comique le 10 décembre 1825. L’anniversaire est l’occasion de revenir sur cette œuvre emblématique, autant sur les aspects historiques (genèse, création, circulation, représentations) qu’esthétiques (approches littéraires, poétiques ou musicales). Le colloque se déroulera en deux temps :

·      à l’Opéra Comique (Paris), les 10 et 11 décembre 2025, premier volet consacré à la genèse, à la création et à la postérité parisienne ;

·      à l’Opéra Orchestre Normandie Rouen (Rouen), les 2 et 3 avril 2026, second volet consacré à la circulation de La Dame blanche en province et à l’étranger, mais également aux productions d’hier et d’aujourd’hui.

Le 10 décembre 2025, l’Opéra-Comique soufflera les deux cents bougies de la gentille dame de Boieldieu et de Scribe, celle qui n’en finit pas de nous regarder et de nous entendre depuis les tourelles du domaine d’Avenel en Écosse. Chef-d’œuvre créé le 10 décembre 1825, quelques mois après le sacre de Charles X, La Dame blanche s’inscrit durablement au répertoire de l’Opéra-Comique, dominé depuis lors par l’ombre du merveilleux fantôme (Bara 2011, p. 155). Les anniversaires de 1862 et 1874, respectivement 1000e et 1500e représentations à l’Opéra-Comique, témoignent d’une intense vitalité pour un ouvrage devenu incontournable non seulement à Paris, mais également dans les centaines de théâtres français et étrangers. De nombreuses traductions fleurissent partout en Europe, et bien au-delà, dès les premières années de son exploitation parisienne : de Vienne à Berlin, de Londres à New York, de Copenhague à Stockholm, de Naples à Amsterdam, de Varsovie à Prague, de Moscou à Clausenburg, La Dame blanche se chante en allemand, anglais, danois, suédois, italien, polonais, tchèque, russe, hongrois ou néerlandais. Souvent considéré comme l’apothéose de la carrière du compositeur (Fauquet, p. 156), La Dame blanche s’affirme comme l’un des plus beaux fleurons du répertoire de l’Opéra-Comique, l’un des plus rentables aussi pour l’institution parisienne (Élart 2015 et 2017) : l’événement Dame blanche en devient rapidement un emblème (Lacombe 2020, p. 383) et, durant plus d’un demi-siècle, le modèle du genre opéra-comique (Lacombe 1997, p. 14). Sa popularité est telle que bien des répliques font partie au XIXe siècle d’une sorte de patrimoine commun (Yon 2000, p. 204) ; son succès est tel que Boieldieu devient une gloire nationale presque statufiée de son vivant (Yon 1998, p. 68).

Les ressorts de ce triomphe résident tout d’abord dans un livret très réussi de Scribe, qui théorise avec La Dame blanche les cinq règles de la « pièce bien faite » (Lacombe 2020, p. 348), règles qui fondent un nouveau modèle. Cet opéra se place en tête des 94 ouvrages écrits par Scribe pour l’Opéra-Comique (Yon 1998, p. 66). Sous le titre primitif de La Dame d’Avenel, le librettiste signe dès 1821 un poème adaptant deux romans historiques d’un auteur anglais alors très à la mode en France, Walter Scott. Les ballades écossaises et les histoires de lutins sont également dans l’air du temps, notamment chez Trilby de Charles Nodier (1822), autre source d’inspiration supposée pour Scribe (Bailbé, p. 10). Portant les valeurs de la Restauration dans le contexte de la loi du milliard des émigrés votée en 1825, La Dame blanche dépasse toutefois les considérations politiques qui auraient pu limiter sa brillante carrière. Un héritier sans le savoir, fils du comte d’Avenel exilé en France pour le soutien apporté aux Stuart lors de la bataille de Culloden (1746), mais souffrant d’amnésie, est de retour sur ses terres ; sous le nom de Georges Brown, le héros recouvre progressivement la mémoire grâce aux interventions d’un faux fantôme, la Dame blanche, véritable ange gardien du héros qui parvient à se réapproprier son patrimoine sous le nom de Julien d’Avenel.

Le triomphe doit encore beaucoup au génie de la partition « fragile et délicate » (Minkowski 1998) qui répand une atmosphère générale de galanterie (Bailbé, p. 14) et de coquetterie (Stendhal 1826). Dans cet ouvrage, « tout est enchaîné et ciselé avec grâce, les ornements sont utilisés dans une proportion raisonnable et la mélodie se distingue par une sorte de sentimentalité espiègle » (Liszt 1854). Boieldieu, le meilleur représentant d’une certaine forme de bel canto français (Mongrédien, p. 103), enchaîne les tubes : l’air de Georges Brown « Ah quel plaisir d’être un soldat » que Boieldieu arrange en présence de Ponchard lui-même à partir de l’air « Quelle belle chose qu’un tournoi ! » tiré des Trois Genres, prologue composé pour la réouverture de l’Odéon ; la ballade de Jenny « D’ici voyez ce beau domaine » rappelle au peuple la légende ancienne de la Dame blanche ; le trio de stupeur « Grands dieux ! que viens-je d’entendre ! » où le trial Féréol met en scène la peur et la couardise dans un contraste comique avec le courageux « galant paladin » (Bara 2012) ; les couplets tournoyants de la « Pauvre dame Marguerite » filent la métaphore de la mort pour un Jules Janin ; la cavatine de Georges « Viens, gentille dame » suivie de l’apparition de la Dame blanche et du duo avec Anna « Cette main, cette main si jolie » constituent le cœur palpitant de l’ouvrage et le point culminant du surnaturel, où les interventions de harpe viennent perturber l’espace-temps du réel (la fameuse mesure à cinq temps) ; la grande scène de l’adjudication « Nous quittons nos travaux champêtres » est un modèle du genre jamais égalé ; le chœur du troisième acte « Vive à jamais notre nouveau seigneur » est construit sur un air traditionnel opérant le travail de mémoire sur Georges (Lacombe 2011, p. 200) qui s’apprête à redevenir Julien. L’ouverture s’invite quant à elle, comme nombre de ces morceaux, dans les concerts publics ou dans les salons, et plus largement sous forme de transcriptions pour harmonie ou fanfare exécutées dans les milliers de kiosques en France. La popularité de la partition se mesure à l’aune des nombreuses transcriptions et produits dérivés disponibles chez les éditeurs de musique, à l’évocation de l’aimable fantôme dans la littérature de son temps ou dans les citations nombreuses chez un Jacques Offenbach (Yon 1998, p. 70-72), à la parution de parodies dans les théâtres secondaires ou à l’exposition de peintures d’un Roqueplan inspirées de Walter Scott (Guégan 1988). L’œuvre s’inscrit dans un patrimoine plus large encore, devenant objet-souvenir ou objet de consommation (le fameux extrait de viande Liebig, un label pour une société d’omnibus, etc.)

Outre « une parfaite unité entre le texte et la musique [qui] fait de La Dame blanche un progrès sensible [expliquant] facilement l’audience de cet opéra » (Liszt 1854), le succès de l’ouvrage doit enfin à son écriture théâtrale qui se fonde sur une conception picturale de la scène, enchaînant les tableaux contrastés dans un mouvement continu d’un espace ouvert à un espace clos, d’une manifestation collective à une scène intimiste (Lacombe 1997, p. 93-95). On cherche à transporter le public dans un moyen âge de fantaisie (Bara 2001, p. 228), dans une couleur moyenâgeuse puisant dans le style troubadour en vogue sous la Restauration. L’opéra-comique s’inscrit en outre dans le développement du fantastique sur la scène lyrique, un an après la création du Freischütz dans la version française de Castil-Blaze en 1824 à l’Odéon. Le fantastique constitue en effet un ingrédient essentiel participant à la réussite de cet opéra-comique en trois actes ; présent tout au long de l’intrigue, il se déploie dans une progression temporelle (Bara 2011, p. 165), de l’apparition de l’élément inquiétant à la rencontre galante de l’acte central (le fantastique « galant » chez Bailbé) pour finir sur la révélation de la supercherie (le « faux » fantastique chez Bara). Les spectateurs sont en outre embarqués dans une aventure écossaise d’un autre temps, dans une production portant la couleur locale des Highlands, rendue autant par les costumes caractéristiques que par les décors pittoresques, réhaussée par la musique de Boieldieu. Le choix des créateurs inscrit d’emblée La Dame blanche dans une lignée d’ouvrages cultivant le goût de la couleur locale chère à Grétry (Taïeb 1998, p. 86-87). Il y a dans La Dame blanche un vent de modernité qui souffle sur le répertoire de l’Opéra-Comique, provoquant par ses masses orchestrales à la Méhul le bannissement définitif des vieilleries d’Ancien Régime (Castil-Blaze, p. 72). Comme il y a eu un avant et un après Gluck dans les années 1770, il y aurait un avant et un après Dame blanche à l’Opéra-Comique.

Ce colloque, qui sera associé à une publication, privilégiera différents axes sans exclure d’autres propositions :

·      De la genèse, des sources littéraires à la création parisienne, de la création à la diffusion en province, de la diffusion à la traduction, plus généralement, de la réception à Paris, en France et à l’étranger ;

·      De la vie de l’ouvrage à l’Opéra-Comique, des créateurs à leurs héritiers, des emplois à la construction des personnages, des tessitures de voix, des mises en scène aux décors et aux costumes, des commémorations, dans une perspective de productions de 1825 à nos jours ;

·      Des sources et de l’édition musicales, des produits dérivés, de La Dame blanche au concert ;

·      Du contexte politique et culturel de la Restauration, du rossinisme opposé à un certain « boieldisme », de la place de La Dame blanche dans le répertoire des théâtres ;

·      Des relations amicales ou hostiles, plus généralement, du regard porté sur La Dame blanche notamment par les compositeurs (Berlioz, Weber, Liszt, Wagner, Alfred Bruneau, etc.) ou de sa présence dans la littérature comme valeur culturelle de son temps ;

·      Des esthétiques convoquées, du fantastique au gothique, de la couleur locale à la mode écossaise, de la quête mémorielle à l’obsession du retour (Lacombe 2020, p. 1005), de la question du genre même de l’opéra-comique pour un ouvrage contournant le modèle mélodramatique intégrant une esthétique pré-romantique (Bara 2000, p. 405), d’une esthétique à cheval entre le siècle des Lumières et le siècle des Romantiques ;

·      De l’abandon d’un ouvrage que « le monde entier nous a envié » pour Marc Minkowski, qui voit dans sa propre démarche – l’enregistrement chez EMI en 1997 – l’amorce d’un regain d’intérêt pour les œuvres oubliées du XIXe siècle (Minkowski 1998), regain d’intérêt très largement confirmé par les travaux du Centre de musique romantique française / Palazzetto Bru Zane.

Modalités de contribution

Les propositions de communication, d’une durée de vingt-cinq minutes, comporteront un titre, un résumé (2000 signes maximum), une courte bio-bibliographie (même format). Elles seront adressées à Joann Élart (joann.elart@univ-rouen.fr) avant le 15 septembre 2025.

Comité d’organisation

Université de Rouen Normandie, CÉRÉdI (UR 3229) : Joann Élart
Opéra Comique : Agnès Terrier
Opéra Orchestre Normandie Rouen
Palazzetto Bru Zane : Étienne Jardin

Comité scientifique

·      Olivier Bara

·      Alexandre Dratwicki

·      Joann Élart

·      Étienne Jardin

·      Hervé Lacombe

·      Patrick Taïeb

·      Agnès Terrier

·      Jean-Claude Yon

Bibliographie indicative

Pascale Auraix-Jonchière, « Rhapsodie sandienne sur La Dame blanche : du légendaire à la magie personnelle », in Simone Bernard-Griffiths et Céline Bricault (dir.), Magie et magies dans la littérature et les arts du XIXe siècle français, Clermont-Ferrand, PUBP, 2012, p. 171-188.

Joseph-Marc Bailbé, « La Dame blanche ou le fantastique galant », Études normandes, 1984/2, p. 7-16.

Olivier Bara, Le Théâtre de l’Opéra-Comique sous la Restauration. Enquête autour d’un genre moyen, Hildesheim, Olms, 2001.

Olivier Bara, « Le fantastique à l’Opéra-Comique au XIXe siècle : une exception révélatrice ? », in Hervé Lacombe et Timothée Picard (dir.), Opéra et fantastique, Rennes, PUR, 2011, p. 155-168.

Olivier Bara, « Fantastique ou comique ? La peur en spectacle ou la tradition du Trial à l’Opéra-Comique », in Alexandre Dratwicki et Agnès Terrier (dir.), Le surnaturel sur la scène lyrique du merveilleux baroque au fantastique romantique, Lyon, Symétrie, 2012, p. 263-274.

Castil-Blaze, Histoire de l’opéra-comique, éd. Alexandre Dratwicki et Patrick Taïeb, Lyon, Symétrie, 2012.

Damien Colas, « Commentaire musical », La Dame blanche, L’Avant-Scène opéra, no 176, 1997, p. 8-65.

Damien Colas, « Entretien avec Marc Minkowski », La Dame blanche, L’Avant-Scène opéra, no 176, 1997, p. 90-91.

Adélaïde de Place, « Boieldieu », in Joël-Marie Fauquet, Dictionnaire de la musique en France au XIXe siècle, Paris, Fayard, 2003, p. 156.

Joann Élart, « Fortune et gloire de l’Opéra-Comique autour des œuvres de Boieldieu et de leur diffusion en France au XIXe siècle », in Agnès Terrier (dir.), L’Opéra Comique, trois cents ans de création, Opéra Comique, 2015 [en ligne].

Joann Élart, « Boieldieu en France de la Révolution française à la Première Guerre mondiale », in Alexandre Dratwicki et Agnès Terrier, Art lyrique et transferts culturels, Bru Zane Mediabase, 2017 [en ligne].

Georges Favre, Boieldieu : sa vie, son œuvre, Paris, Droz, 1944, 2 t.

Stéphane Guégan, « Grandeur et décadence de l’imagerie scottienne », La Dame blanche, L’Avant-Scène opéra, no 176, 1997, p. 74-81.

Hervé Lacombe, Les voies de l’opéra français au XIXe siècle, Paris, Fayard, 1997.

Hervé Lacombe, « Des usages régulateurs du fantastique dans l’opéra français », in Hervé Lacombe et Timothée Picard (dir.), Opéra et fantastique, Rennes, PUR, 2011, p. 197-206.

Hervé Lacombe, « Éléments de réflexion sur le recours au fantastique dans le répertoire français », in Alexandre Dratwicki et Agnès Terrier (dir.), Le surnaturel sur la scène lyrique du merveilleux baroque au fantastique romantique, Lyon, Symétrie, 2012, p. 119-128.

Hervé Lacombe (dir.), Histoire de l’opéra français : du Consulat aux débuts de la IIIe République, Paris, Fayard, 2020, p. 383-391.

Raphaëlle Legrand et Nicole Wild, Regards sur l’opéra-comique : trois siècles de vie théâtrale, Paris, CNRS Éditions, 2002, chapitre IX, « L’intrigue au château (1814-1832) », p. 107-120.

Franz Liszt, « La Dame blanche de Boieldieu », Neue Zeitschrift für Musik, no 46, 1854, trad. Christian Merlin en 1997, cité dans La Dame blanche, L’Avant-Scène opéra, no 176, 1997, p. 88-89.

Charlotte Loriot, « Le jeu et le chant d’un Trial du XIXe siècle : Féréol sur la scène de l’Opéra-Comique (1818-1835) », in Charlotte Loriot (dir.), Rire et sourire dans l’opéra-comique en France aux XVIIIe et XIXe siècles, Paris, Symétrie, 2015, p. 203-224.

Jerome Mitchell, The Walter Scott Operas, An Analysis of Operas Based on the Works of Sir Walter Scott, Alabama, University of Alabama Press, 1977.

Jean Mongrédien, La musique en France des Lumières au Romatisme, 1789-1830, Paris, Flammarion, 1986.

Patrick Taïeb, « Les conditions d’une vocation improbable », La Dame blanche, L’Avant-Scène opéra, no 176, 1997, p. 82-87.

Jean-Claude Yon, « La Dame, Scribe et l’Opéra-Comique : le début d’un long règne », La Dame blanche, L’Avant-Scène opéra, no 176, 1997, p. 66-73.

Jean-Claude Yon, Eugène Scribe : la fortune et la liberté, Saint-Genouph, Nizet, 2000.