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Les larmes modernes

Les larmes modernes

Publié le par Vincent Ferré (Source : Frédérique Toudoire-Surlapierre)

Les larmes modernes ou l’escarpement de la compréhension. Le motif des larmes dans la littérature et les arts du XIXème siècle à nos jours.
Volume de mélanges coordonné par Frédérique Toudoire-Surlapierre et Nicolas Surlapierre.

 

Ce n’étaient des larmes ni de chagrin ni de joie. C’étaient des larmes de compréhension.

William Golding, Trilogie maritime

 

Nous pleurons en effet pour dire, pour tenter de dire, pour commencer à payer le prix de ne pouvoir dire, prix qui ne se paie qu’en parlant.

Jean-Louis Chrétien, Promesses furtives

 

Pleurer à chaudes larmes, pleurer comme un enfant, pleurer de joie, pleurer de rage, pleurer pour un oui pour un non… Avoir les larmes plein les yeux, les larmes aux bords des yeux, des larmes dans la voix, ne pleure pas et ne pleure plus, pleure cela te fera du bien…

La liste ne saurait être exhaustive et s’allonge dès lors que l’on s’intéresse au motif des larmes. Celui-ci peut être scientifique, philologique, philosophique, esthétique ; l’historien, le comparatiste, le chercheur auront senti que ce motif est producteur d’une beauté qui peut prendre différentes formes. Si, au XVIIe siècle l’acte de pleurer est sans doute une des plus belles des postures, c’est aux évolutions du motif que nous nous intéresserons.

Jean-Louis Chrétien dans L’humanité des larmes a lancé des pistes de recherches stimulantes. En gardant en mémoire que les larmes sont « le résidu d’un enchaînement disparu », médiatrices et méditatives de l’histoire, qu’elles constituent le symptôme par le corps de l’oubli et de la disparition, nous nous intéresserons aux larmes comme moyen mnémotechnique et palimpseste pour faire revenir à la surface des images ou produire une nouvelle parole. On ne s’est jamais vraiment demandé si la salinité des larmes avait quelque chose à voir avec le révélateur photographique, avec les fluides et les liquides des sensations et des promesses oubliées. Sont-elles les lentilles d’une contactologie du sensible et comment la sécrétion devient-elle un moyen d’expression ? Pourquoi certaines émotions se traduisent-elles ainsi ? Est-ce une image contact ou la façon d’imaginer le contact à l’autre, à l’instant du surgissement d’un sens, le péril ou l’effroi face à l’envahissement d’un sens que l’on n’attendait pas ? Les larmes relèvent-elles de l’acte assomptif ou de l’érotisme ? Est-ce la beauté ou la laideur qui dominent ses représentations ?

La bonne logique, Rousseau ou Stendhal (de façons différentes) ont mis au jour que les pleurs sont la vicariance (Rousseau) ou la lieutenance (Stendhal) d’un langage, elles sont le moyen d’expression de ceux qui ne parlent pas encore (les nourrissons), de ceux qui ne parlent plus ou qui ne veulent plus parler (la doxa), d’une langue morte et vive à la fois. Nous nous intéresserons moins aux larmes des nourrissons comme préface au langage qu’à ce motif qui justement semble avoir épuisé toutes les autres ressources du langage et des modes d’expression corporels. Ce rapport à la langue et à la parole, à son fin pelliculage sera un axe essentiel parce que les larmes perturbent ou interdisent la parole ; lorsque l’on pleure la voix s’étrangle, se brise, se transforme, elle mue, elle peut devenir le signe d’une panique mécanique.

Avec la littérature comparée, le volant esthétique et tout ce qui relève des cultural studies ou gender studies seront les bienvenus dans ce volume. Et si en pleurant nous voulions reconstituer comme les témoins ce qui a eu lieu matériellement, physiquement dans le langage et dans son interprétation, ce que nous n’avons pas vu, ce à quoi nous n’avons pas pu assister ? Le rire comme les larmes ne peuvent être conçus comme un simple phénomène éruptif, brutal, au contraire, les larmes viennent de loin, même lorsqu’elles sont provoquées ou s’expliquent par un choc ou un drame. Ce sont ces paradoxes, l’escarpement des sentes des clichés, des expressions toutes faites que nous souhaiterions envisager afin d’explorer le dernier motif (ou refuge) de la « compréhension souveraine de l’incompréhensible ».

 

Les propositions d’articles pour Les larmes modernes devront être envoyées avant le 31 décembre 2006. Après un accord de principe, les articles seront à remettre à Nicolas Surlapierre (Musée d’Art moderne Lille Métropole) nsurlapierre@cudl-lille.fr et à Frédérique Toudoire-Surlapierre (Université de Franche-Comté) frederique.toudoire@free.fr avant le 30 novembre 2007.

  • Responsable :
    Frédérique Toudoire-Surlapierre, Nicolas Surlapierre