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Écrire une vie, la biographie en question. 36e Colloque international François Mauriac (Madrid)

Écrire une vie, la biographie en question. 36e Colloque international François Mauriac (Madrid)

Publié le par Marc Escola (Source : Caroline Casseville)

36e COLLOQUE INTERNATIONAL FRANÇOIS MAURIAC

Faculté des Sciences Humaines et Sociales

Université pontificale Comillas, Madrid - Espagne

7-8 mai 2026

« Un auteur ne se décide à écrire une biographie entre mille autres, que parce qu’avec ce maître choisi il se sent accordé. »

Appel à communications

Écrire une vie, la biographie en question

Ce colloque est organisé par la Faculté des Sciences Humaines et Sociales de l’Université pontificale Comillas et le Centre Mauriac - Plurielles de l’Université Bordeaux Montaigne en collaboration avec la Société Internationale des études mauriaciennes (SIEM) avec le soutien du Centre François Mauriac de Malagar (Région Nouvelle-Aquitaine).

S’interroger aujourd’hui sur les modalités du biographique, ses usages, ses fonctions ou ses possibles, ouvre un espace multidimensionnel qui met en jeu le renouvellement de ses pratiques et contribue à interroger ses fondements épistémologiques. Au carrefour entre la littérature, l’histoire, la philosophie, le droit, la sociologie, la linguistique, le geste biographique, illustrant ce qu’il y a de signifiant chez un individu pour manifester une certaine représentation du monde à un instant donné, peut sous-tendre une quête ontologique.

Inscrire le 36e colloque international François Mauriac, centré sur le récit de vie, dans le cadre d’une collaboration avec l’Université pontificale Comillas de Madrid ne relève pas du hasard. D’une part, les études mauriaciennes ambitionnent de faire revivre un partenariat madrilène ancien, d’autre part, elles souhaitent prolonger les tout récents travaux sur la mémoire et sur la question de l’influence en littérature. La parution d’une nouvelle biographie sur François Mauriac, qui met en avant l’itinéraire spirituel de l’auteur, a conforté le projet.

Aussi, à partir de l’exemple de François Mauriac, le colloque aura-t-il pour objet de réfléchir aux différents enjeux que reflète le récit de vie dans la production littéraire française et francophone des écrivains des XXe et XXIe siècles ainsi que les biographies existantes sur ces mêmes auteurs.
Commencer par explorer l’œuvre de Mauriac, c’est partir à la découverte d’innombrables vies humaines. Qu’il s’agisse de personnes réelles, de personnages de fiction, de figures emblématiques ou mythiques, le journaliste, l’essayiste, le romancier, sans oublier le poète, s’est régulièrement adonné à la peinture de l’autre, des autres et de lui-même. Du simple portrait dessiné à grands traits jusqu’au roman éponyme en passant par l’essai, dont tout ou partie est consacré à la biographie d’un personnage ou à celle de l’auteur lui-même, l’empan que recouvre le récit de vie dans les écrits de Mauriac est vaste, large et pluriel.

À côté des ouvrages qui semblent fonder le cœur de son œuvre biographique : La Vie de Jean Racine, Blaise Pascal et sa sœur Jacqueline, Vie de Jésus, Sainte Marguerite de Cortone ou De Gaulle, se découvre un ensemble de textes dont l’appartenance générique est moins clairement identifiable. Ils font le lien entre l’intention ou le geste biographique et le mouvement autobiographique (La Vie et la mort d'un poète, La Rencontre avec Barrès, Du côté de chez Proust…). Précisons d’ailleurs que la plupart de ces recueils, édités par François Durand, sont publiés dans un volume de la Pléiade intitulé : Œuvres autobiographiques. Mais il existe d’autres textes encore, parfois invisibilisés du fait de l’art de la reprise dans lequel Mauriac excelle, ou absorbés dans des essais de critique littéraire ; Le Tourment de Jacques Rivière, par exemple, a été intégré à Du côté de chez Proust.

Examiner ensuite les différents types de pratiques biographiques à travers des documents aussi divers que sont les articles de presse (portraits, nécrologies), les Mémoires, les Journaux, les entretiens radiophoniques (notamment ceux de Jean Amrouche avec Gide, Claudel, Mauriac, Giono, Pierre Emmanuel ou Jouhandeau…) ou tout autre texte médiatique et mémoriel, permet d’observer la grande productivité d’un genre dont la dynamique épouse des fonctions variées (démonstration, illustration, apologie…). Quels que soient le format, la longueur ou la typologie de ces écritures de vie, ces dernières illustrent l’hybridation actuelle d’un champ biographique en constante mutation, aux frontières poreuses, et qui balance entre l’histoire de l’autre et la mémoire de soi. Aussi, réinterroger sa confluence avec d’autres genres peut nourrir de nouvelles analyses. C’est pourquoi, aux marges de ce cadre exploratoire, se situent peut-être certains récits de vie fictifs dont la relation à l’auteur est particulièrement probante ou avérée (Thérèse Desqueyroux, Le Nœud de vipères, Un adolescent d’autrefois…). Au final, force est de constater que dans l’œuvre de Mauriac la plasticité et la richesse du matériau biographique attestent de sa complexité.

Parallèlement au polymorphisme qui caractérise ces écrits de vie, un certain nombre de paramètres mérite d’être mieux définis. Quel est cet « autre » dont le biographe réinvestit l’existence ? Pourquoi l’a-t-il choisi entre « mille » ? Cette décision est-elle pleinement assumée et revendiquée ou reflète-t-elle des stratégies éditoriales ou auctoriales ? Enfin, quel horizon d’attente se dessine à travers l’univers de référence de celui qui fait l’objet de la biographie (artiste, homme politique, homme d’église,…) ? Et dans quelle mesure, faisant rarement œuvre unique, le récit biographique, vient-il valider ou invalider le jugement antérieur d’un précédent biographe ?

On le voit, le genre biographique se réinvente et se redéploie sous des formes renouvelées, s’éloignant de plus en plus du débat historique qui mettait en cause la légitimité d’une littérature centrée sur le sujet. Si son usage remonte à l’Antiquité, sa visée heuristique ne s’est jamais démentie et sa valeur d’exemplarité demeure. De la peinture des vies illustres à celles des vies ordinaires, de l’hagiographie au portrait le plus anonyme, de la quête d’une vérité absolue à l’appréhension fragile d’une réalité éclatée et d’un vécu fragmenté, l’écriture biographique reconfigure l’espace du réel tout en renvoyant à une construction identitaire. Pour exprimer l’impossibilité foncière à laquelle toute entreprise de récit de vie est vouée, André Maurois dans Aspects de la biographie, décrit le dilemme entre « faire de l'homme un système clair et faux » et « renoncer à en faire un système et à le comprendre ». Écartelée entre une fonction référentielle et une fonction expressive, entre achèvement et inachèvement, la biographie met en tension une vision du monde totale et une approche subjective et personnelle de l’individu. Tandis que s’entrelacent les fils d’une histoire à l’Histoire, la puissance métonymique du discours biographique fait osciller ses modalités de lecture entre singulier et universel.

Dans le prolongement des interrogations liées à la variabilité, à la diversité et à l’hétérogénéité des formes littéraires que revêt l’écriture de la vie, découle la question des limites et des frontières de ce champ d’étude.

Si François Mauriac a abondamment écrit sur la vie des autres et sur la sienne, on a également beaucoup écrit sur lui. Qu’il s’agisse de brèves chronologies, de biographies savantes ou destinées au grand public, le parcours, l’existence et l’œuvre de Mauriac ont fait l’objet d’une attention régulière de son vivant et après sa mort. Qui sont donc les biographes d’un écrivain, lui-même auteur de biographies ? Comment les discours s’articulent-ils ou non ? Retracer l’histoire de ces biographies pourrait permettre d’analyser l’évolution de la réception d’un auteur en France et à l’étranger.

Enfin, quelle place réserver aux compositions biographiques réalisées dans et par le cercle intime du biographe lui-même ? L’exemple de Mauriac peut servir de grille de lecture à l’étude d’autres cas. Ses proches, frère, fils, épouse, petits-enfants, ont livré des portraits de lui sous des formats qui peuvent sensiblement varier, où se lisent des pleins et des vides. Ici, la présentation d’une correspondance sert de fil conducteur, là, un album de photographies recueille les instantanés d’une vie… Des écrits personnels de Claude Mauriac à l’œuvre d’autofiction d’Anne Wiazemsky, un nouveau récit de vie se constitue, enchâssé dans un autre, et dont François Mauriac devient l’un des acteurs principaux.

Transmué en un personnage qui habite une œuvre littéraire, son existence de chair et de sang se métamorphose en une vie d’encre et de papier. Un nouvel espace fictionnel, fiction biographique, biographie fictionnelle ou bio-fiction, s’ouvre. Il pose la question du statut de l’auteur en la complexifiant.

À la faveur des extensions actuelles du domaine biographique, le colloque examinera les modalités, les intentions et les réalisations du récit de vie dans la littérature des XXe et XXIe  siècles.

Les axes suivants, donnés à titre indicatif, ne sont pas limitatifs :

1)    Où commence et où s’arrête le récit de vie dans une œuvre littéraire ? Quelles formes (frontières génériques, modalités d’écriture) et quel type de fonction (hagiographie, épibiographie, éthobiographie…) revêt-il ? Quelle valeur (vérité, authenticité, jugement, témoignage…) l’écrivain lui confère-t-il explicitement et/ou implicitement ?
2)    Qui écrit sur qui ? Comment se constitue le rapport entre le biographe et le « biographé » (identification, construction d’une image de soi, présence du biographé dans les écrits du biographe…) ? La biographie est-elle genrée : où sont les femmes ?
3)    De la biographie à l’autoportrait : quel est le fil qui mène de l’autre à soi ? Quelles relations entre biographie, autobiographie et fiction ? 
4)    Comment le récit de vie individuelle s’inscrit-il dans une histoire collective ? Dans quelle mesure renvoie-t-il à une mémoire sociale, politique, culturelle, religieuse… ? Comment façonne-t-il le regard sur une société ?
5)    Quel rôle peut avoir l’édition d’une biographie sur la réception d’un écrivain ? Quelle influence et quelle réception peut avoir aujourd’hui une biographie littéraire sur un auteur, en France et à l’étranger ?

Organisation

Les propositions de communication (300 mots ou 1500 signes maximum) accompagnées d’un titre et d’une courte bio-bibliographie, doivent être adressées au plus tard le 15 janvier 2026 par courriel à l’adresse suivante : colloquemauriacmadrid@u-bordeaux-montaigne.fr .

Calendrier

Délai de rigueur pour la soumission des propositions : 15 janvier 2026
Réponse du comité scientifique : 31 janvier 2026
Envoi des articles complets : 30 avril 2026
Date du colloque : 7 et 8 mai 2026

Comité d’organisation

-    José-Luis AJA SANCHEZ (Université pontificale de Comillas)
-    Caroline CASSEVILLE (Université Bordeaux Montaigne - SIEM)
-    Marie-Liesse DROUET (Université Lille)
-    Jean-Claude RAGOT (Université Bordeaux Montaigne - SIEM)
-    Angelo VALASTRO (Université Pontificale de Comillas)


Comité scientifique 

-    José Luis AJA SANCHEZ (Université Pontificale de Comillas, Madrid)
-    Caroline CASSEVILLE (Université Bordeaux Montaigne - SIEM)
-    Philippe DAZET-BRUN (Institut Catholique de Toulouse - SIEM)
-    Yann DELBREL (Université de Bordeaux - SIEM)
-    Oksana DUBNIAKOVA (Université d’État des sciences humaines de Russie, Moscou - SIEM)
-    Jeanyves GUÉRIN (Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3)
-    Abdelkhaleq JAYED (Université Ibn Zoh, Agadir, Maroc- SIEM)
-    José Manuel LOSADA (Université Complutense, Madrid)
-    Pier Luigi PINELLI (Université de Gênes, Italie - SIEM)
-    Ricardo PINILLA (Université Pontificale de Comillas, Madrid)
-    Jean-Claude RAGOT (Université Bordeaux Montaigne - SIEM)
-    Angelo VALASTRO (Université Pontificale de Comillas, Madrid)