Le Collège international de philosophie à la croisée des arts et du politique (Campus Condorcet, Aubervilliers)
Le Collège international de philosophie à la croisée des arts et du politique
Campus Condorcet, Open Space humathèque,
les 28 et 29 nov. 2025
Responsables scientifiques :
Vanessa Brito (Beaux-Arts de Marseille)
Chiara Palermo (Univ. Paris 1 Panthéon-Sorbonne / CIPh)
Pauline Vermeren (Villa Arson, CIPh)
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À la fin des années 1980, Le Cahier du Collège international de philosophieouvre un espace de rencontre entre philosophes et artistes – la rubrique « Regards sur le regard» coordonnée par le peintre Maurice Matieu et le philosophe Jean Borreil. Annoncée dans le Cahier n°5, cette rubrique intempestive vise à confronter les regards de philosophes et d’un photographe à celui d’un artiste visuel. Chaque débat avec un peintre ou un sculpteur est accompagné d’une série de photographies en noir et blanc de François Boissonnet, qui avait pour seule consigne de photographier un atelier « sans se soucier des œuvres».
Délaissant les œuvres et la figure de l’artiste, le plus souvent absent ou vu de dos, ces séries photographiques donnent à voir l’agencement d’un espace de travail où se côtoient objets, documents et outils suggérant une diversité de processus de recherche. À partir de 1991, date de la publication du premier numéro de la revue Rue Descartes chez Albin Michel, « Regards sur le regard » donne lieu à la rubrique « Ateliers» à laquelle contribue toujours François Boissonnet. Aux ateliers de Jean Ipoustéguy et de Pierre Buraglio se succèdent ceux de Gilles Aillaud, Anselm Kiefer, Valerio Adami, Daniel Buren, Eduardo Arroyo, Julio le Parc, Takis, Guy de Rougemont, François Rouan et – seule femme peintre– Béatrice Casadesus.
S’inviter dans l’espace de l’atelier exprimait une envie partagée, formulée pour la première fois dans le Rapport bleu, le texte fondateur du CIPh, de ne pas se contenter de discours philosophiques sur l’art mais de favoriser des rencontres qui engagent une parole au plus près des gestes et des processus de travail des artistes. Matieu et Borreil espéraient que les philosophes quittent leur « positionde surplomb» pour discuter « dans la Cité » avec des artisteset, réciproquement, que les artistes acceptent de seconfronter au langage philosophique et de se livrer à uneparole publique. Cette démarcheexpérimentale, baséesur une politiquede l’amitié, a contribué à affirmer la singularité du CIPh, qui se voulait une contre-institution en marged e l’académie,soucieuse d’explorer les « intersections» entre les disciplines et de susciter des frictions entre divers langages et pratiques.
Dans le contexte actuel, où les démarches de recherche-création et les rencontres entre artistes et chercheur·es sont au programme de la plupartdes universités, écoles d’art et de design, musées et centres d’art, on peut se demander quelle place prend aujourd’hui au CIPh ce dialogue avec la création contemporaine. À quels endroits se situe le croisement de regards entre philosophes et artistes ? Autour de quelles problématiques politiques et sociétales se construit-il ? Si le rapport entre art et politique était essentiel pour Matieu et Borreil par quel biais est-il abordé dans les actuelles directions de programme ?
Il nous a semblé nécessaire de convoquer cette histoire dans sa matérialité. Nous avons souhaité mettre en espace et rendre disponibles pour la consultation des documents d’archive, des photographies, l’iconographie du Cahier du Collège international de philosophie et de la revue Rue Descartes, disposant en vis-à-vis les photographies d’atelierde François Boissonnet et les contributions d’artistes commeThomas Hirschhorn,Silvia Maglioni et Graeme Thomson, Pauline Julier, Maria Sewcz, Philippe Bazin, Julien Debyser, Dénètem Touam Bona ou Katharina Schmidt qui ont pris en charge l’iconographie des derniers numéros de la revue.
Dans le prolongement d’une des idées fondatrices du Collège, celle de faire une place non seulement à des travaux sur les arts mais à des recherches créatrices, qui ont une capacité performative, nous avons invité l’artiste et chercheur Éric Valette à réaliser in situ un dessin mural qui gardera une trace des visages, des gestes et des mots qui auront marqué nos discussions.