Deuxième séance du séminaire "Le style en (icono)texte : littérature et bande dessinée", avec Perrine Beltran et Norbert Danysz (Sorbonne Université)
Deuxième séance du séminaire de recherche "Le style en (icono)texte : littérature et bande dessinée"
L'argumentaire général du séminaire est disponible ici.
21 novembre - 16h-18h
Maison de la Recherche de Sorbonne Université, 28 rue Serpente (Paris), salle D421.
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Perrine Beltran (Université Lyon 2) - "Quand le décor passe au premier plan : décadrages stylistiques dans les textes zoopoétiques et écopoétiques contemporains"
« Je sais bien qu’on ne peut guère concevoir un roman sans homme, puisqu’il y en a dans le monde. Ce qu’il faudrait, c’est le mettre à sa place, ne pas le faire le centre de tout, être assez humble pour s’apercevoir qu’une montagne existe non seulement comme hauteur et largeur, mais comme poids, effluves, gestes, puissance d’envoûtement, paroles, sympathie. » Ce projet que Jean Giono formule dans « Le Chant du monde » (1932) trouve dans le corpus des fictions zoopoétiques et écopoétiques contemporaines une pluralité de mises en œuvres, à rebours d’un anthropocentrisme encore dominant en littérature. À partir d’un corpus d’œuvres françaises et québécoises contemporaines, qui ont cette spécificité d’être illustrées de la main même des écrivaines et des écrivains, nous proposons d’analyser les décradrages stylistiques qui confèrent aux éléments habituels des décors – paysages, habitats, végétaux et animaux qui les peuplent – un statut de personnages à part entière, leur faisant ainsi quitter leur relégation traditionnelle aux arrières-plans des récits. L’étude se rendra particulièrement attentive à l’interaction du texte et de l’image dans l’élaboration de ce projet de décradrage, et aux similarités formelles entre les dynamiques iconiques et textuelles de l’écocentrage et du zoocentrage stylistiques.
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Norbert Danysz (Université Lyon 2) - "La bande dessinée entre décors et personnages : une hétérogénéité stylistique fondamentale"
Dans la bande dessinée franco-belge comme japonaise, dans les albums de Tintin comme dans les doubles-pages de manga shōjo, il est courant de mettre en avant l’hétérogénéité stylistique résultant d’un traitement différencié entre les personnages et le décor. Cette gestion séparée du contenu représenté peut aussi se retrouver dans la bande dessinée chinoise, en particulier dans les lianhuanhua des années 1950 et 1960, produits lors d’une première vague de propagande communiste dans le neuvième art. À travers un large corpus visant à dépasser l’orientation auteuriste de l’étude stylistique, il s’agira de voir comment ces œuvres peuvent nous inviter à saisir le style non pas comme une donnée unifiée, mais plutôt comme une pluralité de styles. L’insertion de personnages caractéristiques du réalisme socialiste au sein de décors rappelant les gravures chinoises traditionnelles représente ainsi une certaine forme de patron stylistique, tel que défini par Gilles Philippe, c’est-à-dire déterminé par la convergence de différents éléments. Les aspects pratiques et historiques de la bande dessinée chinoise post-1949 révèlent en outre une auctorialité partagée, réaffirmant la dimension nécessairement collective du style.
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Doctorant à l’université Lumière Lyon 2 et à l’université de Tours, Norbert Danysz est actuellement ATER en études chinoises à l’université de Lille. Il travaille sur les styles de la bande dessinée chinoise au XXe siècle et a publié récemment l’article « La science-fiction dans les bandes dessinées chinoises des années 1980 : un nouveau style en marge du lianhuanhua 连环画 » dans la revue Impressions d’Extrême-Orient. Il a également co-dirigé l’ouvrage collectif La Bande dessinée en Asie orientale : un art en mouvement aux éditions Hémisphères, Maisonneuve & Larose.