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Honte et écriture: entre stigmate et transformation (APFUCC 2026, Chicoutimi, Canada)

Honte et écriture: entre stigmate et transformation (APFUCC 2026, Chicoutimi, Canada)

Publié le par Marc Escola (Source : Emmanuelle Tremblay)

Honte et écriture: entre stigmate et transformation

Atelier 2, colloque de l'APFUCC, Université de Chicoutimi, 26-29 mai 2026

Responsables: Emmanuelle Tremblay et Andréane Frenette-Vallières

Inscription : https://event.fourwaves.com/fr/apfucc-2026/pages/87968538-fab0-4ca7-ba5a-c1b461e8829d

Date limite: 15 janvier 2026

Depuis les deux dernières décennies, et dans le sillage de #metoo, la honte traverse les écrits des femmes comme expression d’un vécu à partager pour la faire changer de camp par la dénonciation des « sans-honte » (Cyrulnik). Selon Didier Huberman, l’émotion qui agit sur la personne la dépasse en même temps. Elle peut aussi être considérée comme un « mouvement affectif qui nous possède ». C’est dans cet esprit que nous invitons à réfléchir sur la prise en charge par l’écriture de la honte personnelle et collective, que ce soit en fonction de l’identité de genre ou de l’appartenance à un groupe minorisé culturellement et linguistiquement. Plus précisément, les études rassemblées dans cet atelier porteront sur les écrits de femmes en Amérique francophone (allochtones et autochtones) ou sur le processus de création d’une œuvre qui s’articule à l’émotion dans une perspective autothéorique.

De nombreux travaux dans les domaines de la philosophie, la psychologie, la psychanalyse et la sociologie ont mis en valeur l’aspect intersubjectif de la honte, car cette dernière provient à la fois du corps du sujet et de l’omniscience d’un regard extérieur — et honnisseur —, souvent intériorisé. La honte rappelle donc un système de valeurs conformistes qui excèdent le sujet de toutes parts. Dans cette optique, dire la honte équivaut à la traduire comme on le fait d’un cas en justice, conformément à une double exigence : une exigence de vérité (par l’exposition du sujet dans sa condition subalterne et dans la souffrance qui lui est reliée); une exigence de reconnaissance de la vulnérabilité qui définit le sujet dans son rapport aux autres.

Comment vivre avec la honte? Quelles sont les réactions à celle-ci? Peut-on lui donner un sens? Quel récit de soi pour le sujet honteux? Dans l’optique où la littérature constitue une vaste « entreprise d’éhontement » (Martin) par la mise à nu à laquelle elle engage, la honte n’a pas de valeur morale en soi. Ni du côté du mal ni du côté du juste (Ogien), elle marque plutôt un seuil où l’intégrité — menacée — est mise en jeu. D’une part, l’émotion peut mener à la destruction de soi ou au stigmate. De l’autre, la « honte-signal » (Janin) favorise la préservation d’un espace à soi. Il y aurait donc une « bonne » honte dont l’expression est dès lors assimilable à un « appel aux devenirs », voire à une émotion révolutionnaire (Gros) ou à « une littérature de combat » (Lafontaine).

Ainsi, une attention pourra être accordée à la fonction critique de la honte, tout comme à ses sources et à ses types (moral, traumatique, narcissique ou social). Plus largement, il sera pertinent de se demander comment la honte, dans son alliance avec d’autres émotions (ou affects, comme la peur et la pudeur, par exemple) oriente l’expérience qui fait l’objet du récit et quelles sont les stratégies narratives et esthétiques qui lui donnent forme. En l’occurrence, les approches pourront être aussi variées que les sujets abordés dont témoigne cette liste partielle :

·         Héritage de la honte et filiation; traumatisme personnel, familial et intergénérationnel

·         Violences physiques et psychologiques, négation de soi et cas d’abus

·         Perceptions du corps genré, images de soi, stéréotype et pouvoir de l’image

·         Vulnérabilité corporelle et psychique, vieillissement, maladie et discours médical

·         Frontières de l’humanité; extériorité et animalité

·         Instrumentalisation politique, sociale et culturelle de la honte; rapport aux pouvoirs technologiques et aux discours hégémoniques

·         Écriture, tabou et horizon de la réception

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Bibliographie

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