 
                    Si l’originalité de Marivaux fut assez reconnue pour que le mot marivaudage soit forgé de son vivant, c’est au risque de cantonner son œuvre à un badinage aussi spirituel que dépourvu de réelle profondeur. Ses journaux, son théâtre et ses romans célèbrent pourtant une conception personnelle de la philosophie : celle de l’esprit fin qui décompose les fausses évidences au profit d’une compréhension renouvelée de la vie intérieure.
Cette pensée singulière, qui refuse le dogmatisme, se déploie à partir de ressources proprement littéraires : dispositifs expérimentaux, ouverture des possibles fictionnels, inventivité stylistique. L’abbé Prévost a ainsi applaudi en Marivaux un auteur qui « s’attache à développer aussi exactement les facultés du cœur que Descartes, Malebranche, celles de l’esprit », en « des termes et des figures aussi extraordinaires que ses découvertes ».
Cet ouvrage entend explorer la réflexion esthétique, morale, mais aussi politique et religieuse de Marivaux, à la lumière des projets philosophiques avec lesquels il dialogue – en particulier celui de Pascal. C’est ainsi que peut être appréciée, dans sa cohérence et sa densité insoupçonnées, la pensée d’un écrivain qui a défendu la dignité intellectuelle de la fiction et sa capacité à éclairer l’expérience plus profondément que la spéculation abstraite.