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Femmes d’Image, Images de femmes. Pour une approche transversale de la place des femmes dans les cinémas d’Europe centrale, orientale et balkanique (Université Paris Cité, campus des Grands Moulins)

Femmes d’Image, Images de femmes. Pour une approche transversale de la place des femmes dans les cinémas d’Europe centrale, orientale et balkanique (Université Paris Cité, campus des Grands Moulins)

Publié le par Mihai Duma (Source : Léa Dabrowski)

Journée d’étude

Femmes d’Image, Images de femmes

Pour une approche transversale de la place des femmes dans les cinémas d’Europe centrale, orientale et balkanique

Université Paris Cité (Campus des Grands Moulins)

10 juin 2026

 

En 2025, les Mardis Polonais, rendez-vous proposé par l’Institut polonais à Paris, consacraient un programme entier aux réalisatrices polonaises. En 2024, Márta Mészáros, réalisatrice hongroise, était également  mise à l’honneur par les Lundis hongrois tandis que Judit Elek, hongroise également, et la Tchèque Věra Chytilová ont vu récemment  trois de leurs films ressortir dans les salles françaises. Cela témoigne d’un intérêt grandissant pour le travail de ces réalisatrices de l’Est qui ont souvent fait des femmes le sujet de leurs films. Cependant, d’autres personnalités majeures qui ont façonné les cinématographies nationales, à l’instar de la cinéaste polonaise Barbara Sass ou de la réalisatrice, scénariste et cheffe décoratrice Ester Krumbachova, inspiratrice de l’univers esthétique de la Nouvelle Vague tchécoslovaque, font l’objet d’une attention plus ténue. Or, que signifie, pour une femme, le fait de réaliser des films dans la Russie soviétique, la Pologne, la Tchécoslovaquie ou la Hongrie socialistes des années 1930, 1960 ou 1980 ? Existe-t-il un cinéma féminin, voire féministe, dans ces cinématographies ? Plus largement, comment le cinéma a-t-il contribué à définir, nuancer ou interroger le rôle des femmes dans les sociétés socialistes ? Ces questions sont de celles que souhaite aborder cette journée d’étude consacrée à la place des femmes, devant et derrière les  caméras de l’Est, dans les territoires (post-)soviétiques, central-européens ou balkaniques. Bien qu’ils fassent l’objet d’approches régionales diverses, ces espaces partagent une histoire, des cultures et des traditions en dialogue depuis plusieurs siècles. En outre, ces trois zones géographiques ont subi au cours du XXe siècle l’influence de l’idéologie communiste, un contexte qui a redéfini les enjeux géopolitiques et les délimitations cartographiques de la région. La soviétisation de la culture dans ces territoires constitue de fait un arc historique commun à ces pays et justifie qu’ils puissent être étudiés comparativement et réunis dans une approche commune, sans que leurs spécificités culturelles, sociales et économiques soient négligées (Iordanova, 2001 : 14). Ainsi, les territoires envisagés par cette journée d’étude pourront couvrir l’ensemble des espaces européens qui ont constitué l’ancien bloc de l’Est, de l’Europe centrale (République démocratique allemande, Pologne, Tchécoslovaquie, Hongrie) à l’Europe baltique (Estonie, Lettonie et Lituanie) et balkanique (Albanie, Bosnie-Herzégovine, Kosovo, Macédoine du Nord, Monténégro et Serbie), jusqu’aux territoires soviétiques, dans leurs formes politiques passées ou contemporaines. 

  • Problématisation 

De La Mère (Мать, 1955) de Dovjenko au personnage d’Agnieszka (Krystyna Janda) dans L’homme de marbre (Człowiek z marmuru, 1977) de Andrzej Wajda, ou Veronika (Tatiana Samoïlova) l’héroïne de Quand passent les cigognes (Letiat jouravli, 1957) de Mikhaïl Kalatozov, les cinématographies de l’Est ont su mettre en scène des personnages féminins complexes et magistralement interprétés, qui ont bouleversé les spectateurs à travers le monde. Cependant, ce que nous disent ces héroïnes des sociétés dans lesquelles elles ont été façonnées n’a pas toujours été bien compris, notamment à l’Ouest où elles ont souvent été analysées à partir d’un point de vue occidental. Comme l’ont montré des travaux d’historiens et de spécialistes du genre, les divisions genrées à l’œuvre dans les sociétés socialistes se distinguent largement de celles observées dans le monde de l’autre côté du rideau de fer. Ainsi que le souligne la sociologue Sarah Ashwin dans l’introduction de l’ouvrage collectif intitulé Gender, state and society in Soviet and post-Soviet Russia, le « genre a toujours été un principe organisateur clé du système soviétique » dans la mesure où « les hommes et les femmes avaient des rôles distinctifs à jouer dans la construction du communisme » (Ashwin, 2000 : 1). Cette répartition genrée ne fut pas seulement la base d’un système économique et social, mais consolida également l’autorité d’un régime qui s’est maintenu pendant près de 73 ans, en infusant son modèle dans des États voisins (ibid., 3). Tout au long de l’existence du bloc de l’Est, le cinéma, « le plus important de tous les arts » selon les mots attribués à Lénine, joua indéniablement un rôle dans l’accompagnement de changements sociétaux, autant qu’il en fut le miroir. Cela se manifeste à l’écran par la construction d’archétypes féminins, ou au contraire par des ruptures radicales dans les représentations des rôles sociaux attribués aux femmes d’une période à l’autre (Rojavin, Harte, 2018). Comment écrire une histoire de la représentation des femmes à l’écran dans les cinémas d’Europe de l’Est, centrale et des Balkans ? Quelle est l’évolution de ces représentations et comment accompagne-t-elle les bouleversements politiques et sociaux qui ont influencé les divisions genrées dans ces sociétés, à la fois dans la sphère publique et dans la sphère privée ? Quels apports esthétiques les réalisatrices de cette zone géographique ont-elles proposés et sous quelles formes cinématographiques ? Comment la place des femmes pendant la période socialiste est-elle représentée aujourd’hui par le cinéma contemporain ? Toutes ces questions guideront les réflexions de cette journée d’étude qui visera à dresser un panorama de la place des femmes à l’écran dans les cinémas de l’ancien bloc de l’Est. Les communicant·e·s, spécialistes ou non des cinématographies qui font l’objet de cette journée, pourront inscrire leurs communications dans des approches esthétiques, historiques ou sociologiques selon un ou plusieurs des axes suivants (la présentation des axes détaillée est à retrouver dans le document joint) : 

  • Axe 1 : Histoire des femmes à l’écran, les représentations de personnages féminins et leur évolution dans les pays socialistes

Dans une perspective historique, les communications pourront proposer des études de cas autour d’un ou plusieurs films, réalisés par des hommes ou des femmes, pour étudier les représentations de personnages féminins à l’écran, et ce qu’elles disent des divisions genrées dans leurs sociétés respectives. Elles pourront s'intéresser aux formes esthétiques mobilisées à l’écran pour traduire ces expériences féminines. Selon quelles modalités les enjeux de genre rencontrent-ils des questions idéologiques ? Elles pourront enfin examiner les stéréotypes de genre, en explorant comment ils peuvent servir ou non des intérêts idéologiques, en engageant un échange entre les époques et les nations, dans une approche comparatiste.

  • Axe 2 : Faire sortir les femmes des « marges de l’histoire » (Mazierska, 2001), regards contemporains sur des enjeux passés

On pourra ainsi s’intéresser à la manière dont le cinéma contemporain dans ces territoires représente, interroge, ou propose une relecture de la période communiste, d’un point de vue féminin, ainsi que les modalités esthétiques et génériques de ce regard sur le passé. Les communicant·e·s pourront étudier le dialogue qu’entretiennent les représentations cinématographiques avec les politiques mémorielles mises en place (ou non) dans ces pays. Une attention particulière pourra être portée à la place des figures féminines dans la manière dont le cinéma participe à l’élaboration d’une mémoire collective de la période communiste dans toute sa complexité. 

  • Axe 3 : Pour une histoire d’un cinéma féminin/féministe à l’Est

Des analyses politico-esthétiques autour du langage formel des films des réalisatrices et la manière dont ils peuvent traduire un engagement politique pour l’évolution des droits des femmes dans ces sociétés pourront ainsi être proposées, en regard ou non de l’engagement connu des cinéastes elles-mêmes. Des études de réception seront à même d’éclairer les lectures contradictoires de certains de ces films à l’Est et à l’Ouest. Des approches comparatistes pourront également s’intéresser au dialogue formel entre les territoires, dans le cas de cinéastes qui ont étudié dans d’autres pays du bloc de l’Est à l’instar d’Agnieszka Holland, ou encore entre les époques, en proposant d’éventuelles filiations entre des réalisatrices de la période communiste et celles d’aujourd’hui. 

 Modalités de participation :

La journée d’étude aura lieu le 10 juin 2026 à l’Université Paris Cité (Campus des Grands Moulins).

Les communications dureront environ 30 minutes et seront suivies d’une discussion. Les titres et propositions de communications (400-500 mots) sont à envoyer par mail, accompagnés d’une courte bio-bibliographie d’ici le 1er février 2026 (lea.dabrowski@unicaen.fr, garance.fromont@cefres.cz, david.vasse@unicaen.fr). Les réponses seront envoyées au plus tard le 28 février 2026.

Comité d’organisation :

Léa Dabrowski (Université de Caen Normandie)

Garance Fromont (Université Paris Cité, Cefres)

David Vasse (Université de Caen Normandie)

Comité scientifique : 

Frédérique Berthet (Université Paris Cité)

Mathieu Lericq (Université Lumière Lyon 2)

Clara Royer (Sorbonne université)

Cécile Rousselet (EHESS)