
Appel à contributions pour le numéro Végétalités de la revue Sociétés & Représentations (octobre 2027)
Résumé
La revue Sociétés & Représentations consacrera l’un de ses futurs dossiers (2027) à la question du végétal dans les sociétés, en croisant histoire culturelle et histoire environnementale. Il s’agit d’explorer sur une longue durée, et dans une perspective transnationale, les représentations, pratiques sociales et imaginaires associés aux plantes, en mobilisant textes, images et matériaux multimédias.
Argumentaire
Prévu pour l’automne 2027, le numéro 64 de la revue Sociétés & Représentations, Végétalités, se propose de croiser deux approches historiographiques gagnant à entrer en dialogue et à se féconder mutuellement : l’histoire culturelle et l’histoire environnementale. Après une maturation dans les années 1970 et 1980, toutes deux ont fait l’objet d’une reconnaissance institutionnelle récente en France (années 1990-2000), dans un contexte de globalisation accélérée de la pensée scientifique et de décloisonnement entre l’histoire et les sciences sociales. Dans le monde anglophone et en particulier Outre-Atlantique, cultural history[1] et environmental history posent un regard critique sur le monde et revendiquent une dimension militante, au travers de l’attention portée aux minorités, aux questions de genre, et à l’environnement. En France, l’histoire culturelle a fait une place à ces questionnements, tout en se développant sur le riche terreau de l’histoire des mentalités et de l’histoire des représentations, sans renier l’apport de l’histoire des idées[2]. La généalogie de l’histoire environnementale est également complexe : l’intérêt pour l’environnement en histoire plonge ses racines dans plusieurs décennies de travaux.[3]
La place du végétal dans l’histoire des sociétés constitue une thématique propice à ce croisement des perspectives. Depuis une dizaine d’années, le dynamisme des plant studies montre bien que l’étude du végétal ne saurait être cantonnée aux sciences de la nature. Elle gagne à intégrer le point de vue de la philosophie et des sciences humaines et sociales, en s’ouvrant à des perspectives plus littéraires et artistiques. Cette démarche était au cœur d’un numéro de la revue L’esprit créateur. The International Quarterly of French and Francophone Studies consacré aux Plant Studies / Etudes végétales (2020). Elle a par la suite été adoptée par la nouvelle revue éditée par The White Horse Press, Plant Perspectives, créée en 2022. Dans l’historiographie francophone, de nombreux travaux universitaires récents témoignent de l’intérêt porté au végétal et à son entrelacement avec l’histoire humaine. S’ils revendiquent une dimension environnementale, ils se situent plutôt du côté de l’histoire des sciences et des savoirs[4], de l’histoire coloniale[5], de l’histoire urbaine[6], ou de l’histoire économique[7], laissant une porte ouverte pour de nouvelles recherches davantage centrées sur les représentations et les pratiques sociales.
Les pistes pouvant être suggérées pour ce numéro et présentées ci-après doivent permettre d’explorer aussi bien des textes que des images et documents multimedia, afin de couvrir une longue durée, de la période préindustrielle au XXIe siècle, et un large espace incluant les sociétés extra-européennes et extra-occidentales.
- le rapport au végétal dans l’expression politique et dans ses manifestations (pratiques et représentations). On pense au travail séminal de Mona Ozouf sur les arbres de la liberté[8], qui a ouvert la voie à des réflexions sur l’usage du végétal dans les manifestations d’adhésion ou au contraire de rejet de systèmes ou d’idées politiques. Bien plus, les luttes politiques et sociales s’articulent parfois directement autour du végétal. La question de la représentation juridique du végétal, qui fait l’objet d’une réflexion nouvelle, gagne aussi à être explorée. Au-delà de la protection juridique de l’environnement, l’idée d’attribuer une personnalité juridique aux plantes — dans le sillage de ce qui a été fait pour certains fleuves — témoigne d’une évolution profonde de notre rapport au monde végétal.
- la question du végétal « dénaturé » et artificialisé, qui n’est pas seulement l’objet de représentations artistiques, mais qui devient la matière même de la création, grâce à l’usage de techniques de conservation ou de recréation. Le cas des fleurs artificielles et autres parures végétales en offre un bon exemple, qu’elles soient associées au vêtement, à la décoration du quotidien, ou à des rituels sociaux et/ou religieux (mariages, funérailles, réceptions…).
- les pratiques intimes liées au végétal, qu’il s’agisse de projeter sa personnalité dans la création d’un jardin, de choisir des végétaux comme compagnons de vie (ex. bonsaïs), de constituer des herbiers à des fins autres que strictement scientifiques, ou de réaliser, comme les soldats de la Première Guerre mondiale, des feuilles ajourées. La dimension genrée de telles pratiques mériterait d’être questionnée.
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Coordinatrices
Emilie-Anne Pépy (Université Savoie Mont Blanc)
Isabelle Rabault-Mazières (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)
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Calendrier et modalités de contribution
Les propositions d’article (une page maximum) accompagnées d’une bio-bibliographie, sont à adresser à l’adresse suivante : usmbdephis@gmail.com pour le 1er décembre 2025.
Les contributions (25 à 40 000 signes, notes et bibliographie comprises) devront être remises le 15 octobre 2026 au plus tard. Elles seront soumises au comité de lecture de la revue.
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Notes
[1] Pour un panorama de l’historiographie anglophone : Peter Burke, Qu’est-ce que l’histoire culturelle ?, traduit par Christophe Jacquet, Paris, Les Belles Lettres, 2022.
[2] Poirrier, Philippe, Les enjeux de l’histoire culturelle, Paris, Seuil, 2004.
[3] Quenet, Grégory, Qu’est-ce que l’histoire environnementale ?, Ceyzérieu, Champ Vallon, 2014. Fressoz, Jean-Baptiste et al., Introduction à l’histoire environnementale, Paris, La Découverte, 2014.
[4] Coueffé, Louise, Herboriser au XIXe siècle : savoirs et pratiques du végétal dans l’Ouest de la France, mémoire pour l’obtention d’un doctorat en histoire contemporaine soutenu à l’Université d’Angers en 2023 sous la direction de Cristiana Oghina-Pavie et Yves Denechère.
[5] Bonneuil Christophe, Mettre en ordre et discipliner les tropiques : les sciences du végétal dans l’empire français, 1870-1940, mémoire pour l’obtention d’un doctorat en histoire moderne soutenu à l’Université Paris-Diderot, 1997. Blais, Hélène, L’Empire de la nature. Une histoire des jardins botaniques coloniaux (fin XVIIIe siècle-années 1930), Ceyzérieu, Champ Vallon, 2023.
[6] Mathis, Charles-François, Pepy, Emilie-Anne, La ville végétale. Une histoire de la nature en milieu urbain (France, XVIIe-XXIe siècle), Ceyzérieu, Champ Vallon, 2017. Synowiecki, Jan, Paris en ses jardins. Nature et culture urbaine au XVIIIe siècle, Ceyzérieu, Champ Vallon, 2021.
[7] Vérot, Jean-Baptiste, L’arbre d’or et l’économie politique. Une histoire de la culture du mûrier en France (XVIIe-XVIIIe siècle), mémoire pour l’obtention d’un doctorat en histoire moderne soutenu à l’Université d’Avignon en 2023 sous la direction de Stéphane Durand.
[8] Mona Ozouf, « Du mai de liberté à l’arbre de la liberté : symbolisme révolutionnaire et tradition paysanne », Ethnologie française, t.5, 1975, p.9-32.