
Festival de l’histoire de l’art : La mode
La 15ème édition du festival de l’histoire de l’art qui se déroulera du 5 au 7 juin prochain aura pour pays invité, le Maroc, et pour thématique, la mode.
Organisée tous les ans par l’Institut National d’Histoire de l’Art et le Château de Fontainebleau, en collaboration avec le ministère de la Culture, cette manifestation nationale, d’accès libre et gratuite, propose 250 évènements, sous la forme de conférences, dialogues et tables rondes, d’un Salon du livre, et d’une programmation cinéma et culturelle.
Pour la communauté des historiens/historiennes de l’art et les professionnels/professionnelles des musées, il constitue une opportunité unique, le temps de trois jours à Fontainebleau, de s’immerger dans l’écosystème de la discipline et offre un lieu de dialogue, de rencontre des esthétiques, des imaginaires et des visions, de croisements des savoirs et des idées.
Aussi, par le présent appel à communication, nous voudrions inviter les chercheurs/chercheuses, et tous les acteurs/actrices de la discipline, à essayer de réexaminer la mode en proposant un regard au prisme de l’histoire de l’art qui ne néglige pas la société et ses contradictions.
La mode ou les modes, phénomène visible et éloquent, pratique vestimentaire saisonnière ou plus ponctuelle, couvre des réalités et des imaginaires complexes. Conçue dans sa diversité, la mode a progressivement acquis une légitimité dans le champ académique en France au cours des vingt dernières années. Façonné à la fois par l’héritage des travaux de l’histoire du costume et du vêtement (François Boucher, Yvonne Deslandres), de la culture matérielle et l’histoire des apparences (Daniel Roche, Philippe Perrot), de la sociologie, de la littérature et de l’anthropologie (Roland Barthes, André Leroi-Gourhan) et par l’apport des fashion studies venues du monde anglophone (Elizabeth Wilson, Aileen Ribeiro), le champ de l’histoire des modes est aujourd’hui en voie de reconnaissance.
Depuis la création en 2007 de la toute première chaire de l’histoire de la mode et du costume à l’École du Louvre, les initiatives se sont multipliées : programmes de recherche, publications, création de revues spécialisées. Les musées ont joué un rôle essentiel dans ce développement : portées par des professionnels/professionnelles du secteur désireux d’inscrire la mode dans une profondeur historique, les expositions se sont largement diffusées hors des institutions spécialisées pour investir les musées et l’art plus contemporain, rencontrant un succès considérable. Comment interpréter cet engouement scientifique et grand public ? Quels regards la mode permet-elle d’offrir en histoire de l’art ? Quels objets, quels récits et quelles méthodes nouvelles propose-t-elle dans une perspective élargie de la discipline à ses frontières ?
Revendiquant pleinement leur assimilation au domaine des Beaux-Arts, les maisons de mode sollicitent universitaires ou conservateurs/conservatrices, suscitant des controverses au sujet d’une possible ingérence de l’industrie du luxe dans la recherche scientifique. L’étude des modes ne saurait toutefois se réduire à celle des pratiques vestimentaires des classes aisées du monde occidental. Phénomène global, pluriel et transversal, la mode est un processus créatif commun à toutes les sociétés, une pratique de mise en forme esthétique et technique ancrée dans le quotidien ; elle relève à ce titre d’une histoire populaire autant que des sphères du prestige. Elle se prête dès lors à des approches croisées mobilisant plusieurs disciplines, de l’archéologie à l’anthropologie, de la sociologie aux études de genre, de l’analyse textile aux pratiques patrimoniales. En la mettant à l’honneur de sa 15ème édition, le Festival aura à cœur d’inviter à une réévaluation critique de ses centres de gravité habituels pour l’appréhender dans toute sa complexité et diversité.
Les recherches récentes ont démontré combien la mode préexiste largement à sa conceptualisation moderne en Occident. La question du corps paré, du costume ou de la parure traverse l’ensemble des périodes et des espaces, de la préhistoire à nos jours. Les circulations anciennes de textiles et des matières, des artefacts et des objets, parfois à une échelle intercontinentale, invitent à envisager le vêtement comme un acteur du monde globalisé. La grande diversité des lieux et des disciplines qui se consacrent aujourd’hui à l’étude de la mode appelle une approche résolument interdisciplinaire, mobilisant la recherche située aussi bien au sein qu’en dehors du champ académique traditionnel.
Cet appel à communication s’adresse donc aux chercheurs/chercheuses, universitaires, enseignants/enseignantes ou étudiants/étudiantes de toutes disciplines (histoire de l’art, histoire, archéologie, anthropologie et sciences humaines et sociales au sens large) et de toutes les périodes ; aux professionnels/professionnelles des musées (conservateurs/conservatrices, restaurateurs/restauratrices, régisseurs/régisseuses, commissaires d’exposition, scénographes) ainsi qu’aux acteurs/actrices du monde de la mode (couturiers/couturières, artisans, designers) et aux artistes.
Le thème choisi pour cette 15e édition du Festival de l’histoire de l’art sera plus particulièrement abordé à travers les axes de réflexion suivants :
Images
La mode entretient un rapport essentiel avec les représentations qui la rendent visible et en façonnent la réception.
-les images de mode : gravures, dessins, photographies ou supports audiovisuels dits « de mode » ou « à la mode », leur spécificité vestimentaire et leur rôle dans la définition des identités et des styles
-les représentations de la mode : iconographie et reproduction de l’habit, du costume, des textiles ou des accessoires de mode dans l’ensemble du domaine des Beaux-Arts et des arts décoratifs
-mode et cinéma (stars, icônes et célébrités associées aux industries du luxe et de la mode), mode et théâtre (costume sur scène, rapport au décor)
-la mode et les cultures visuelles : la circulation des motifs et des styles vestimentaires, l’habit commercialisé, médiatisé, vendu et consommé ; la relation des créateurs/créatrices aux images, la mode comme miroir de tendances, de styles ancrés dans l’air du temps, les liens entre couturiers/couturières et l’histoire de l’art
- la mode immatérielle : la médiatisation en ligne de la mode, les usages de l’IA par les marques, les maisons de mode et les institutions muséales
Objets, matières
Au-delà de l’image, la mode s’incarne dans des objets avec une matérialité tangible.
-les processus de fabrication textile et vestimentaire : gestes, savoir-faire, artisans, ouvriers/ouvrières, outils et production
-la disparition de la matière : écrire une histoire de la mode en l’absence de vêtements
-l’abondance de matière et les enjeux écologiques contemporains liés à la surproduction
-conserver et restaurer la mode : transformations, reprises, recyclages, restaurations et patrimonialisation
-exposer la mode : dispositifs scénographiques et mises en scène, gestes et techniques de mannequinage ; histoire des expositions de mode
-transferts et circulations des vêtements ou matières textiles dans un monde mondialisé et globalisé, à toutes les époques ; réinterprétations des motifs, appropriation culturelle
-les archives de mode et l’ensemble des documents matériels liées à sa production et à sa consommation quotidienne
-les arts textiles : les techniques, les usages et les supports
-les rapports aux industries de l’habillement et de la confection, aux métiers et aux corporations
-l’histoire de la consommation des modes (d’élite et de masse), les lois somptuaires et les usages curiaux, les pratiques consuméristes et les modalités de réappropriation des objets de mode
-les inventions techniques de la mode, les brevets et les prototypes
Discours
La mode est une idée, un concept, un objet de réflexions et de discussions.
-l’invention de « l’idée de mode », ses discours et ses acteurs/actrices, la mode et les modes avant sa conceptualisation
-les discours littéraires sur l’élégance, la mise et la convenance, la frivolité et l’artifice, l’irrationnalité, l’inconstance ou la responsabilité morale et éthique
-la critique de mode dans la presse et la réception critique des expositions de mode
-la parole du créateur/créatrice, du couturier/couturière et du capitaine d’industrie, ses récits, les modes de narration, ses mythes et légendes
-l’historiographie des études sur la mode, notamment dans ses rapports à l’histoire de l’art
-les discours critiques et l’anti-mode (féministes, anticapitalistes, des subcultures et des marginalités…) et l’ensemble des discours politiques portant sur la mode
-les substrats idéologiques à l’œuvre dans la mode et son rôle dans les revendications politiques
-parler de la mode, parler par la mode : vocabulaire et terminologie, la mode comme langage
Apparences
La pratique de l’habillement engage une mise en forme esthétique et technique des corps, investie de significations sociales.
-le corps vêtu, paré ou orné (tissus, bijoux, tatouages ou accessoires) comme affirmation d’une identité individuelle ou collective
-les styles vestimentaires et leurs résonances politiques et sociales
-l’importance des vêtements dans l’accession à une catégorie sociale ou une fonction
-le rôle des vêtements ou accessoires dans le renforcement ou la subversion des normes de genre, de race et de classe
-les fonctions et usages symboliques des vêtements.
Normes pour les propositions :
Les propositions de communication doivent impérativement être rédigées en français et se présenter sous la forme suivante :
Titre du projet (80 signes maximum, espaces compris)
Un résumé (600 signes maximum, espaces compris)
Une présentation plus longue (3500 signes maximum, espaces compris)
Un CV + une courte biographie professionnelle
N.B. : Dans le cas des dialogues et des tables rondes, le porteur ou la porteuse du projet doit se désigner clairement dans la proposition d’intervention. Les propositions incomplètes ne seront pas examinées.
Les candidatures peuvent être envoyées jusqu’au 8 novembre 2025 inclus (avant minuit) via le formulaire dédié.
https://www.festivaldelhistoiredelart.fr/formulaire-appel-a-contribution-fha26-la-mode/
Veuillez noter que toutes les contributions seront soumises à un processus d’évaluation par un jury ad hoc.
Hadrien Laroche & Sophie Goetzmann