Actualité
Appels à contributions
Transformation(s) et métamorphose(s) dans le récit initiatique

Transformation(s) et métamorphose(s) dans le récit initiatique

Publié le par Faculté des lettres - Université de Lausanne (Source : Claire Fabre)

Appel à communications

“Transformation(s) et métamorphose(s) dans le récit initiatique”

Université Bordeaux Montaigne, 29/04/2026

Cette journée d’étude, qui portera sur les “Transformation(s) et métamorphose(s) dans le récit initiatique”, aura pour objectif de mettre en tension les liens étroits qu’entretiennent la notion duale de transformation et métamorphose au sein du récit initiatique. Alors que Xavier Garnier, dans son article “Qu’est-ce que le récit initiatique”, affirme que “le grand changement de perspective que la logique initiatique nous invite à adopter, c’est de concevoir le récit comme destructeur de mondes”, nous nous attacherons à démontrer que par-delà son pouvoir annihilateur, le récit initiatique, exprimé à travers divers canaux, se démarque comme un espace artistique – pensé au sens large entre fiction et non-fiction, celui-ci peut être littéraire, mais également cinématographique, visuel, et social, entre autres – où s’opèrent à la fois une déconstruction et une reconstruction des corps, des statuts et rapports sociaux, des formes expressives et des genres. Les termes transformation et métamorphose ont été alliés pour en potentialiser la portée : tandis que la transformation est un terme générique, la métamorphose, plus spécifique, souvent plus extrême, induit souvent l’intrusion du merveilleux ou du fantastique dans un changement notamment corporel. Un récit initiatique suit l’évolution d’un sujet alors que celui-ci se voit exposé à diverses épreuves ou expériences censées le faire grandir, autrement dit, se transformer. Ce nouvel état lui permet d’accéder au bonheur et à une certaine forme de complétude, et signe par cela la fin de l'œuvre qui aura atteint sa résolution. Associée au concept anthropologique du rite de passage tel que défini par Arnold Van Gennep et Victor Turner, l’initiation implique une transformation interne qui se veut autant mentale que physique, mais également une transformation externe au sein de la société et de l’environnement.

Un panorama rapide des récits initiatiques canoniques révèle la centralité sous-jacente de la transformation et de la métamorphose comme parties intégrantes de l’initiation dans les arts de manière générale. La forme poétique sera la première à investir les processus de transformations et de métamorphoses au sein du récit initiatique :  les Métamorphoses d’Ovide, où l’émancipation corporelle est souvent réifiée par un changement à l’état végétal, minéral, ou animal, en est l’exemple matriciel. De même, l’épopée grecque L’Odyssée, qui forgera un lien tenace et pérenne entre récit de voyage et récit d’initiation, est un texte où les transformations et métamorphoses prolifèrent au fil d’un récit de retour en terre natale. De plus, les contes sont particulièrement représentatifs d’un rapport à l’initiation pour un jeune public, car la transformation physique y est inhérente aux rites de passage qui font basculer le personnage central de l’enfance à un idéal adulte–nous pouvons citer, entre autres, Pinocchio ou Cendrillon. Plus récemment, depuis la fin du XXe siècle, le genre du merveilleux et plus particulièrement celui de la fantasy prend de l’ampleur et permet d’actualiser le récit initiatique, notamment dans la littérature jeunesse et young adult. Ces sous-catégories figurent symboliquement le passage de l’enfance à l’âge adulte, en donnant – littéralement et merveilleusement – corps aux épreuves, aux doutes, et aux transformations identitaires que traverse le protagoniste. On peut observer également le phénomène en vogue de la fan fiction, des jeux de rôles, ou bien des séries ou animés qui découlent de ces œuvres initiatiques.

En effet, le récit initiatique s’étend presque ad infinitum à travers les champs d’études, et en fait un objet de recherche particulièrement pluridisciplinaire : nous accepterons volontiers des propositions issues des arts visuels, comme le cinéma, la musique populaire, les romans graphiques, les jeux vidéo ou même le tatouage, et des sciences de l’Homme telles que l’anthropologie, la géographie, ou les études de genres. Dans une perspective davantage sociale et culturelle, les formes expressives qui s’emparent du récit initiatique interrogent également la normativité de ce qui est considéré comme émancipateur et enrichissant dans une société donnée. En effet, tout au long d’un récit initiatique comme à son issue, les constructions identitaires et les rapports sociaux se transforment et se voient reconfigurés. Nous souhaiterions ainsi explorer la façon dont les récits initiatiques, et ce quelles que soient leurs formes d’expression, traitent de la relation entre le sujet initié et le cadre qui l’initie, à savoir une société donnée, ou une culture.

Ces considérations entraînent en filigrane une tension qu’il sera commode d’explorer au cours de la journée d’étude : pour Xavier Garnier, “la définition même du récit initiatique pose ainsi problème : s’agit-il d’initier l’auditeur ou bien simplement de lui raconter le parcours initiatique d’un autre ?” Outre la transformation au niveau diégétique, comment le récit initiatique peut-il ainsi opérer une transformation ou une métamorphose chez son lecteur·ice/spectateur·ice/auditeur·ice ? Comment l'œuvre artistique peut-elle devenir, en elle-même, un rite de passage transformateur, non plus uniquement pour son sujet central, mais également pour celles et ceux qui la reçoivent ? À titre d’exemple, nous pouvons notamment évoquer les romans d’aventures britanniques de la fin du XIXème siècle, fondamentalement chrétiens et impérialistes, dont la forte portée didactique pour les jeunes garçons qui formait leur lectorat avait pour objectif de façonner ces derniers en parangons du “christianisme musculaire” victorien. Toutes ces interrogations seront d’autant plus de questionnements et d’hypothèses que nous pourrons à loisir partager et mettre en relation lors des temps d’échanges et de questions qui seront proposés après chaque table.

Les communications, en français et d’une durée de 20 minutes, pourront explorer, sans s’y limiter, les pistes de réflexion suivantes :

Rapport entre transformation et émancipation 
Rites de passages et liminarité
Affranchissement ou subversion des normes sociales liées aux questions de genre, de race, de classe, etc. 
Reconfiguration des rapports sociaux dans le cadre des récits initiatiques 
Initiation transformatrice dans et par le récit de voyage réel ou fictionnel
Représentations du passage de l'enfance à l'âge adulte dans les arts
Transformations et métamorphoses ontologiques du sujet (transitions corporelles)
Transformations du vivant à l’aune du changement climatique
Altérer son corps comme récit de soi 
Construction et quête identitaire dans le récit initiatique
Métamorphose fantastique comme symbole d’une identité en devenir.

Modalités de participation et candidature : 

Les propositions de communication, d’environ 300 mots et accompagnées d’une courte biographie, seront à envoyer à Claire Fabre (claire.fabre@u-bordeaux-montaigne.fr), Juliette Pochelu (juliette.pochelu@u-bordeaux-montaigne.fr) et Maude Savidan-Diaz (maude.savidan@u-bordeaux-montaigne.fr) avant le 15 décembre 2025.

Nous encourageons vivement la participation de doctorant·es et de jeunes chercheur·euses qui souhaiteraient présenter un travail abouti ou en cours, afin de mettre en valeur l’interdisciplinarité et la valeur collaborative des questions étudiées. La décision sera communiquée aux auteur·ices fin décembre 2025.

Comité organisateur et scientifique : Fabre Claire, Pochelu Juliette, Savidan-Diaz Maude

Bibliographie indicative :

BERECHET Lăcrămioara. “Une littérature à vocation globale: le récit initiatique d'Eliade”, Literature of Global Vocation: The Initiating Narrative with Eliade, 2008, p 23-38

BRUNEL, Pierre. Le Mythe de la métamorphose, Éditions Corti, 2004. ISBN: 978-2-7143-1231-0 

CHARDIN, Philippe et BOULANGER, Alice. Roman de formation, roman d’éducation dans la littérature française et dans les littératures étrangères. Paris (France) : Éditions Kimé, 2007. ISBN 978-2-84174-418-3 

GARNIER, Xavier. “A quoi reconnaît-on un récit initiatique ?”. Poétique Vol.140.4. 2004-11. 443-454. 

MAGRI-MOURGUES, Véronique. “L'écrivain-voyageur au XIXe siècle : du récit au parcours initiatique” Tourisme, voyages et littérature, 2007, p.43-54

MONTANDON, Alain. Roman de formation.Vocabulaire des histoires de vie et de la recherche biographique [en ligne]. [S. l.]: Érès, 2019, p. 150‑153. ISBN 9782749265018.

POPEANGA CHELARU Eugenia. "El viaje iniciático. Las peregrinaciones, itinerarios, guías y relatos". Revista de filología románica. Universidad Complutense de Madrid, 1991

TURNER, Victor et ABRAHAMS, Roger D. The ritual process: structure and anti-structure. New Brunswick (U.S.A) : Aldine Transaction, 2008. ISBN 978-0-202-01190-5

VAN GENNEP, Arnold. Les rites de passage. Paris : Éditions A. & J. Picard, 1981. ISBN 2-7084-0065-7.