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Medialités artistiques et littéraires (Poitiers)

Medialités artistiques et littéraires (Poitiers)

Publié le par Léo Mesguich (Source : Jessy Neau)

Medium is not dead 

Médialités artistiques et littéraires 

17-19 juin 2026, université de Poitiers

Appel à contributions

L’axe « Médialités-Intermédialités-Transmédialités » du laboratoire FoReLLIS, a été créé en 2021 pour s’inscrire dans une tradition d’études du lisible/visible, du texte/image initiée dans les années 1990 à Poitiers. Son intitulé nous invite à revenir à sa racine (son radical) en proposant l’épistémologie d’une notion assez peu investie : la médialité.

Alors que les études intermédiales et transmédiales reposent depuis de nombreuses années sur des théories, des corpus et des spécialités bien établis, les médialités restent encore peu interrogées et problématisées (Baetens ; Krajewski ; Vouilloux). A l’exception de Müller en 1987, le terme n’apparaît vraiment dans la recherche universitaire qu’au début des années 2000 (Durcheid, Méchoulan, Villeneuve) et son sens reste, aujourd’hui encore, peu stabilisé (comme l’attestent les emplois autonymiques ou les gloses définitionnelles qui l’accompagnent le plus souvent). A la différence des préfixes inter- et trans-, la médialité ne semble pas exactement désigner un entre-deux ou un passage. Pourtant, en tant que processus, elle intéresse non seulement « l’idée du médium » (Rancière) mais aussi celle de la transmission et de la circulation (Gwiazdzinski et Straw). Elle permet de penser les formes d’artisanat de l’œuvre, le travail de négociation mené avec les contraintes des différents matériaux que sont la langue, la photographie argentique, la fluidité numérique, les huiles et les encres, le gramophone et la machine à écrire (Kittler), la pierre et l’argile... Les médialités relèvent d’une approche matérielle de l’analyse, attentive non seulement aux supports et aux techniques, mais également au geste, qui, selon Agamben « consiste à exhiber une médialité, à rendre visible un moyen comme tel », dans son intransitivité (Barthes). Elles impliquent enfin les contextes culturels, les systèmes de valeurs et les pratiques liées à la production comme à la réception. Comme le souligne Jacques Rancière, il y va du « rapport entre trois choses : une idée du médium, une idée de l’art et une idée du sensorium au sein duquel ce dispositif technique accomplit les performances de l’art. »  

Si l’évolution de la littérature et de l’art modernes et contemporains tend à une dé-spécification des mediums, selon le constat établi par Pascal Mougin, que reste-t-il aujourd’hui des médialités ? Sont-elles de simples « résidus » (Acland) dans la création ou la production ? Transmédialité et dématérialisation ont-elles définitivement achevé d’effacer toute trace des médialités ? Ou de leur soustraire toute valeur ? Dans le cas des vastes univers fictionnels, le « transmedia » (Ryan) et la « culture de la convergence » (Jenkins) semblent reléguer les mediums à de simples producteurs d’usages et de produits complémentaires ou concurrentiels, au sein d’écosystèmes gouvernés par les licences ou les « multivers ». Le lexique technologique — tel que « reboot », « sampling » ou « mash-up » — désignant les reprises d’éléments antérieurs au sein d’œuvres secondes, qu’il s’agisse de musique ou d’images animées, témoigne d’une proximité étroite avec les problématiques médiales.

Lorsqu’on aborde des formes davantage ancrées dans une logique documentaire, il convient de s’interroger sur l’impact de la médialité dans la formulation d’intentions communicationnelles ou dans la construction politique et esthétique du réel. On pourra ainsi explorer son influence sur des paramètres tels que la séquentialité (Siouffi) ou les modalités énonciatives en contexte de transmission du réel. Une attention particulière peut être portée à la « conscience médiale » qu’un émetteur développe face aux risques, aux contraintes et aux possibilités — autrement dit, aux « affordances » évoquées par Gibson — inhérentes au médium mobilisé. Dans le cadre d’une enquête documentaire, on peut dès lors se demander comment la médialité structure le terrain d’investigation et façonne la narration.

Ce colloque interdisciplinaire aura pour but d’inviter chercheurs et chercheuses à s’interroger sur ce que peut être l’analyse médiale d’une œuvre ou d’un discours. Il s’agira également de confronter la médialité aux théories de l’intermédialité et de la transmédialité, mais aussi à celles des dispositifs, de la modernité greenbergienne, de la médiologie de Debray, de la remédiation selon Bolter et Grusin, ou encore de la sémiotique du lecteur/spectateur. Ce sera aussi l’occasion de réfléchir aux rapports qu’entretient la médialité avec le paysage et l’environnement (Berque), avec l’engagement corporel et la gestualité, avec nos terrains d’étude en tant que chercheurs.

Nous proposons de repenser la médialité en rouvrant la question du médium, non pas en adoptant une perspective essentialiste (Guérin), mais en analysant les dynamiques qui s’y jouent à travers des stratégies esthétiques, économiques ou environnementales. La médialité permet-elle de dévoiler les potentialités propres au médium ? Son efficacité repose-t-elle sur son effacement ou, au contraire, sur l’affirmation de sa matérialité opaque ? Quelles sont les modalités concrètes par lesquelles la médialité opère ? Comment les « affordances » orientent-elles les pratiques de médiation, qu’elles soient esthétiques, pragmatiques ou communicationnelles ?

Les interventions viseront à répondre à ces questions et pourront s’articuler autour des axes suivants, sans exclure d'autres approches possibles :

Médialité et pensée de la relation
Médialité, histoire des médias et théories médiatiques
Revalorisation du médium et redéfinition des limites modernistes
Contraintes et affordances des matériaux et des espaces de création
Geste et processualité
Ce colloque offrira enfin un espace dédié à la recherche et création : nous sollicitons donc l’intervention d’artistes (écrivain-e-s, plasticien-ne-s, peintres, photographes, etc.) interrogeant la place et le rôle des médialités dans leur production, et le sens à donner à une analyse médiale.

 

Les propositions de communications (500 mots environ) sont attendues d’ici le 15 janvier 2026 aux adresses suivantes : jessy.neau@univ-poitiers.fr ; sophie.stokes@univ-poitiers.fr ; anne.cecile.guilbard@univ-poitiers.fr ; julien.rault@univ-poitiers.fr 

Les réponses viendront au plus tard fin février. 

 

Comité d’organisation 

Axe « MIT » du laboratoire FoRELLIS, université de Poitiers

Sophie Aymes

Anne-Cécile Guilbard

Jessy Neau

Julien Rault 

Bibliographie indicative

Acland, Charles R. (ed.) 2007. Residual Media. Minneapolis: University of Minnesota Press.

Agamben, G. (1995), 2002. Moyens sans fins. Notes sur le geste. Rivages Poche.

Baetens, Jan. 2014. « Le médium n’est pas soluble dans les médias de masse. »  Hermés 3: 40–45.

Barthes, R. (1979), 1995, « Cy Twombly. Non multa sed multum », Seuil.

Bell, A. & Ensslin, A. 2024, Reading digital fiction. Narrative, cognition, mediality. Routletdge, n°167

Berque, Augustin. 2000. Médiance. De milieux en paysages. Montpellier; Paris: GIP Reclus; Belin.

Bruhn, J. 2015. The Intermediality and narrative literature. Medialities matter (“What is Mediality, and (How) does it Matter?’’), Palgrave Macmillan.

Dürscheid, C. 2003, “Medienkommunikation im Kontinuum von Mündlichkeit und Schriftlichkeit. Theoretische und empirische Probleme”, Zeitschrift für angewandte Linguistik 38 : 37-56.

Gibson, J. J. 1977. « The Theory of Affordances. »  In Perceiving, Acting, and Knowing: Toward an Ecological Psychology, edited by Robert Shaw and John Bransford. Hoboken, NJ: John Wiley & Sons.

Guérin, Michel. 2016. « Qu’est-ce qu’un médium artistique? »  Appareil 17. https://journals.openedition.org/appareil/2308..

Gwiazdzinski, Luc, and Will Straw. 2015. « Habiter la nuit. »  Intermédialité 26 (Autumn).

Jenkins, Henry. 2008. Convergence Culture: Where Old and New Media Collide. New York: NYU Press.

Kittler, Friedrich. 1999. Gramophone, Film, Typewriter. Stanford: Stanford University Press.

Krajewski, Pascal. 2015. « Qu’appelle-t-on un médium? »  Appareil. https://journals.openedition.org/appareil/2152..

Méchoulan, É. 2003. « Intermédialités : le temps des illusions perdues. » Intermédialités / Intermediality, 1 :  9–27.

Moser, W. 2006. « L’interartialité : pour une archéologie de l’intermédialité ». Intermédialité et socialité, Froger, M & Müller, J. E. (dir.). Nodus.

Mougin, Pascal. 2019. Moderne/contemporain. Art et littérature des années 1960 à nos jours. Dijon: Les Presses du Réel.

Müller, Jürgen E., ed. 1987. Texte et médialités, MANA VIII, Mannheim.

Müller, Jürgen E. 2006. « Vers l’intermédialité. Histoires, positions et options d’un axe de pertinence. » Mediamorphoses 16.

Rancière, Jacques. 2008. « Ce que ‘médium’ peut vouloir dire : l’exemple de la photographie. »  Appareil 1. https://journals.openedition.org/appareil/135.

Ryan, Marie-Laure. 2016. « Transmedia Narratology and Transmedia Storytelling »  Artnodes 18.

Siouffi, Gilles. 2018. « Médialité et séquentialité. »  Cahiers de Praxématique 71. 

Villeneuve, Johanne. 2003. « Intermédialité, cinéma, musique : la symphonie-histoire d’Alfred Schnittke » Intermédialités / Intermediality, 2 : 11-29.

Vouilloux, Bernard. 2017. « Le médium(s) et média(s). Le médial et le médiatique. »  Fabula / Les colloques. https://www.fabula.org/colloques/document4419.php.   

———. 2018. Image et médium. Sur une hypothèse de Pascal Quignard. Paris: Les Belles Lettres.