
Revue interartistique Couturière, Classiques Garnier, printemps 2026
Dossier : La magie et le marché (numéro mécéné par le fonds de dotation Agnès b.)
La magie, en tant que pratique d’illusion et de manipulation des apparences, a toujours entretenu des rapports ambigus avec les logiques de circulation, de valeur et d’échange. Comme l’a montré Alfred Gell (Art and Agency, 1998), les artefacts magiques fonctionnent comme des agents sociaux, captant et redéployant des intentions dans des chaînes d’action. Le collectif Machines. Magies. Médias (2018) a de son côté souligné combien l’illusion se fabrique à l’intersection de dispositifs techniques, de récits et d’industries culturelles, où l’économie de l’effet croise celle du marché.
Le troisième numéro de Couturière (Classiques Garnier) propose d’explorer les liens entre magie et marché, en interrogeant l’illusion comme moteur à la fois esthétique, social et économique. Ce dossier souhaite accueillir des approches historiques, esthétiques, anthropologiques ou philosophiques sur la manière dont les pratiques magiques – de l’illusionnisme forain aux arts numériques, du charlatanisme aux industries culturelles, de l’alchimie à la physique quantique – entrent en tension avec les logiques marchandes. L’illusion comme produit ? L’effet comme valeur ?
Ce numéro de Couturière entend aussi prendre place sur la toile de fond de la controverse entre néo-rationalistes (dans le sillage de Gell) et néo-animistes (Latour, Descola, etc) - pour la retraverser par la micro-analyse des oeuvres et des configurations esthétiques et techniques: si le néolibéralisme prend souvent la raison pour prétexte de son utilitarisme, n'a-t-il pas partie liée avec l'économie de la magie, la figure de l'alchimiste (à laquelle se comparent de célèbres traders) ou encore la pratique de l'escamotage?
Les contributions pourront, entre autres, examiner :
La fabrication et la marchandisation des effets (du tour de prestidigitation à l’IA générative) ;
Les rapports entre illusionnisme, manipulation et consommation (Baudrillard, Debord) ;
Les transferts entre magie « naturelle » (Ficin, Agrippa, Paracelse) et magie simulée, rationalisation technique ;
La figure du magicien-entrepreneur (Robert-Houdin, Cagliostro, Mesmer) et son économie de la subjugation ;
Les circuits symboliques où le marché recycle le « pouvoir de l’illusion » (mode, publicité, spectacle).
Les “spectacles de physique” aux XVIIIe et XIXe siècles, qui transformaient les démonstrations scientifiques (optique, électricité, automates) en divertissement marchand, brouillant la frontière entre savoir et illusion.
Nous accueillerons aussi des contributions qui interrogent la coproduction de l’illusion par le spectateur-consommateur : l’effet qui trompe mais aussi celui qui révèle (Starobinski). L’objectif est de penser la magie comme économie des désirs, oscillant entre critique et captation, entre éveil et soumission.
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Tous les champs disciplinaires sont bienvenus : littérature, arts du spectacle, cinéma, danse, vidéo, arts numériques, arts plastiques, arts textiles (non exhaustif). En outre, Couturière valorise et encourage les contributions pluridisciplinaires adoptant une approche comparatiste et interartistique.
Les propositions en français et en anglais (3000 signes espaces comprises + CV résumé) sont attendues avant le 1er septembre 2025, à l’adresse suivante : revuecouturiere(at)gmail.com. Elles feront l’objet d’un retour du comité de rédaction avant le 10 septembre.
Les articles (20 000 à 30 000 signes espaces comprises), respectant strictement les normes de mise en forme de l’éditeur Classiques Garnier, devront nous arriver avant le 20 décembre 2025, pour une parution au printemps 2026.
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Bibliographie indicative
Collectif Les Arts trompeurs, Machines. Magies. Médias, Presses universitaires du Septentrion, 2018.
Jean Baudrillard, Simulacres et simulations, Galilée, 1981.
Guy Debord, La Société du spectacle, Buchet/Chastel, 1967.
Alfred Gell, Art and Agency, Clarendon Press, 1998.
Céleste Olalquiaga, Royaumes de l’artifice, Fage, 1990.
Jean Starobinski, Le remède dans le mal. Critique et légitimation de l’artifice à l’âge des Lumières, Gallimard, 1989.
Isabelle Stengers, Philippe Pignarre, La Sorcellerie capitaliste : pratiques de désenvoûtement, La Découverte, 2005.
Yves Vadé, Pour un tombeau de Merlin, Corti, 2008.
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Magic, as a practice of illusion and the manipulation of appearances, has always maintained an ambiguous relationship with the logics of circulation, value, and exchange. As Alfred Gell has shown (Art and Agency, 1998), magical artifacts function as social agents, capturing and redeploying intentions within chains of action. The collective Machines. Magies. Médias (2018) has, for its part, emphasized how illusion is produced at the intersection of technical devices, narratives, and cultural industries, where the economy of effect intertwines with the economy of the market.
The third issue of Couturière (Classiques Garnier) proposes to explore the links between magic and the market, interrogating illusion as an aesthetic, social, and economic driving force. This dossier seeks to welcome historical, aesthetic, anthropological, or philosophical approaches to the ways in which magical practices—from fairground illusionism to digital arts, from charlatanry to cultural industries, from alchemy to quantum physics—enter into tension with market logics. Illusion as product? Effect as value?
This issue of Couturière also aims to situate itself at the heart of a controversy between neo-rationalists (in Gell’s wake) and neo-animists (Latour, Descola, etc.), in order to traverse it anew through micro-analyses of works and aesthetic and technical configurations. If neoliberalism often takes reason as a pretext for its utilitarianism, is it not also intertwined with the economy of magic, with the figure of the alchemist (to which famous traders have compared themselves), or with the practice of sleight of hand?
Contributions may, among other things, examine:
The fabrication and commodification of effects (from the conjuring trick to generative AI);
The relationships between illusionism, manipulation, and consumption (Baudrillard, Debord);
The transfers between “natural” magic (Ficino, Agrippa, Paracelsus) and simulated magic, technical rationalization;
The figure of the magician-entrepreneur (Robert-Houdin, Cagliostro, Mesmer) and their economy of subjugation;
The symbolic circuits where the market recycles the “power of illusion” (fashion, advertising, spectacle);
The “physics shows” of the eighteenth and nineteenth centuries, which transformed scientific demonstrations (optics, electricity, automata) into commercial entertainment, blurring the line between knowledge and illusion.
We also welcome contributions that interrogate the co-production of illusion by the spectator-consumer: the effect that deceives, but also the one that reveals (Starobinski). The aim is to conceive magic as an economy of desires, oscillating between critique and capture, between awakening and submission.
All disciplinary fields are welcome: literature, performing arts, cinema, dance, video, digital arts, visual arts, textile arts (non-exhaustive). Moreover, Couturière values and encourages multidisciplinary contributions adopting a comparative and inter-artistic approach.
Proposals in French or English (3,000 characters including spaces + short CV) are expected by September 1, 2025, at the following address: revuecouturiere(at)gmail.com. Authors will receive a response from the editorial board by September 10.
Articles (20,000 to 30,000 characters including spaces), strictly adhering to the formatting guidelines of Classiques Garnier, must be submitted by December 20, 2025, for publication in spring 2026.