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Transmédialité toxique : vers un réel fictionnalisé ? (Toulon, 3e Biennale du Transmédia, Toulon)

Transmédialité toxique : vers un réel fictionnalisé ? (Toulon, 3e Biennale du Transmédia, Toulon)

Publié le par Eloïse Bidegorry (Source : Jules Sorbac)

« Biennale du transmédia » de Toulon

3e édition

Jeudi 4 décembre 2025

Transmédialité toxique : vers un réel fictionnalisé ?

Comité d’organisation :

Alessandro Leiduan (Université de Toulon)

Laurent Collet (Université de Montpellier)

Anne Gagnebien (Université de Toulon)

Jules Sorbac (Université de Toulon / Université Sorbonne Nouvelle) 

Sous ses apparences de simple stratégie éditoriale visant à capter des publics variés à travers une pluralité de supports médiatiques, la transmédialité participe en réalité d’une profonde mutation culturelle aux implications sociales majeures. Elle reconfigure nos rapports à la politique, à l’art, au divertissement, en définitive à la perception même du réel. Un projet transmédiatique ne se limite pas seulement, en effet, à disséminer un contenu imaginaire sur plusieurs supports interconnectés, il inscrit la conscience du public dans une zone de tension permanente entre réalité et imaginaire, brouillant sans cesse les frontières entre ces deux dimensions (Jenkins 2013). L’entrée dans un univers imaginaire passe toujours par la médiation d’un roman, d’une bande dessinée, d’un film ou d’une série ; cependant, une fois l’immersion amorcée, l’expérience imaginaire se prolonge souvent dans la réalité. Jeux en réalité alternée (ARG), jeux de rôles grandeur nature (LARP), parcs d’attraction thématique, achat de produits dérivés ou mobilisation dans l’arène politique réelle de personnages fictionnels « engagés » (Besson 2021) témoignent de cette porosité croissante entre les sphères imaginaire et réelle.

Dans ce type d’expérience fictionnelle, le rapport entre l’imaginaire et le réel ne relève plus d’une simple continuité analogique, mais d’une véritable contamination ontologique. La fiction ne se contente plus d’imiter la réalité (continuité analogique), elle abolit la frontière entre les deux, créant un espace fluide où l’imaginaire et le réel s’interpénètrent (contamination ontologique). Le public se retrouve alors plongé dans un entre-deux instable, peuplé de figures hybrides qui circulent librement du réel à l’imaginaire et inversement – un espace liminal qui problématise radicalement le statut de la fiction.

Or, ce flou ontologique, cette porosité entre l’imaginaire et le réel, ces interférences entre scénarios fictionnels et praxis collective, ne risquent-ils pas de perturber la perception sociale de la réalité ? Sauf à tenir la fiction pour une activité symbolique marginale sans incidence sur le réel, il faut reconnaître que le déséquilibre imaginaire sur lequel reposent les fictions transmédiatiques est susceptible de jouer un rôle dans le trouble profond qui affecte le rapport de la société actuelle à la réalité. Ces hybridations entre le réel et l'imaginaire ne contribuent-elles pas, en effet, à rendre notre société plus perméable aux fake news et aux théories du complot ? Ne participent-elles pas à légitimer les organisations criminelles auprès des franges les plus vulnérables de la société, voire à banaliser le passage à l’acte, comme le dénoncent certains magistrats italiens à propos de l’univers imaginaire de Gomorra ? Ne favorisent-elles pas des grilles de lecture biaisées de l’actualité, à l’image de cette rhétorique politique de la « mexicanisation », qui assimile la criminalité organisée en France à l’imaginaire des séries télévisées sur les cartels de drogue latino-américains ?

C’est cette hypothèse – celle d’un trouble social induit par la porosité croissante entre fiction et réalité – qui sera au cœur des échanges lors de la troisième édition de la « Biennale du transmédia » de Toulon. À rebours d’une vision « fan-friendly » ou « enchantée » du transmédia, cette journée d’étude entend repenser ce phénomène éditorial à la lumière de ses « dérives » sociales afin de proposer une nouvelle lecture de la crise culturelle profonde que traverse notre monde contemporain.

Les propositions de communication, d’environ 350-500 mots, devront être accompagnées d’une brève notice biographique. Elles s’inscriront obligatoirement dans l’un des trois axes thématiques suivants :

-          fictionnalisation de la vérité 

-          fictionnalisation du crime organisé 

-          fictionnalisation de la politique  

Les propositions sont à envoyer avant le 20 septembre 2025 aux adresses ci-dessous :

Alessandro Leiduan (Université de Toulon) : alessandro.leiduan@univ-tln.fr

Laurent Collet (Université de Montpellier) : laurent.collet@univ-montp3.fr

Anne Gagnebien (Université de Toulon) : anne.gagnebien@univ-tln.fr

Jules Sorbac (Université de Toulon / Université Sorbonne Nouvelle) : jules-charles.sorbac@univ-tln.fr ou jules-charles.sorbac@sorbonne-nouvelle.fr

Les candidat-e-s recevront une réponse de la part des organisateurs-trices avant le 30 septembre 2025. 

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Bibliographie indicative

ALONSO ALDAMA Juan (2018), « Régimes véridictoires et simulacres du politique », Actes Sémiotiques, n°121. Publié en ligne : https://doi.org/10.25965/as.5990

AROUFOUNE Billel (dir.) (2023), À la racine du récit. Écriture, création, communication. Paris : L’Harmattan.

BADIR Sémir (2019), « Pourquoi la transmédialité ? » dans Deprêtre É. et Duarte G. A. (dir.), Transmédialité, Bande dessinée & Adaptation. Clermont-Ferrand : Presses universitaires Blaise Pascal.

BARONI Raphaël (2017), « Pour une narratologie transmédiale », Poétique, n°182, pp. 155-175.

BARONI Raphaël et GUNTI Claus (2020) (dir.), Introduction à l’étude des cultures numériques. Paris : Armand Colin.

BERTONE Manuela et MASONI Céline (2021), Mafie transmediali. Forme e generi del nuovo racconto criminale. Soveria Mannelli : Rubettino Editore.

BERTONE Manuela et LEIDUAN Alessandro (dir.) (2024), Napoli ritrovata. Storie di resistenza e cittadinanza attiva, oltre Gomorra. Cosenza : Luigi Pellegrini Editore.

BERTRAND Denis (2017), « Politique et médiatique : la question de l’interférence », Actes Sémiotiques, n°120. Publié en ligne : https://doi.org/10.25965/as.5867

BESSON Anne (2021), Les Pouvoirs de l’enchantement. Paris : Vendémiaire.

BOURDAA Mélanie (2021), Les Fans. Publics actifs et engagés. Paris : C&F éditions.

JENKINS Henry (2013), La Culture de la convergence. Des médias au transmédia. Paris : Armand Colin.

LEIDUAN Alessandro et BARONI Raphaël (2012), « La narratologie à l’épreuve du panfictionalisme. Entretien avec Raphaël Baroni », Modèles linguistiques, XXXIII, n°65, pp. 41-68.

LEIDUAN Alessandro (dir.) (2014), « Nouvelles frontières du récit. Au-delà de l’opposition entre factuel et fictionnel », Cahiers de narratologie, n°26.

LEIDUAN Alessandro (2023), « Extension du domaine de la manipulation narrative. Du storytelling au worldbuilding » dans Aroufoune B. (dir.), À la racine du récit. Écriture, création, communication. Paris : L’Harmattan, pp. 69-83.

PEYRON David (2013), Culture geek. Paris : Fyp Éditions.

RYAN Marie-Laure (2017), « Le transmedia storytelling comme pratique narrative », Revue française des sciences de l’information et de la communication, n°10. Publié en ligne : https://doi.org/10.4000/rfsic.2548

SAEMMER Alexandra (2016), « Sémiotique critique du discours hypertextualisé. Eléments de méthodologie, à partir de l’analyse d’un livre numérique enrichi », Semen, n°42. Publié en ligne : https://doi.org/10.4000/semen.10632