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Récits francophones de soi depuis les années 2000 (Montpellier)

Récits francophones de soi depuis les années 2000 (Montpellier)

Publié le par Marc Escola (Source : Maxime Del Fiol)

Appel à communications

« Récits francophones de soi depuis les années 2000 »

Colloque international organisé par Maxime Del Fiol

Université de Montpellier Paul-Valéry, les 26-27 mars 2026 

On partira du constat de l’importance prise depuis les années 1980 par la veine autobiographique chez beaucoup d’écrivains et d’écrivaines « francophones[1] », quels que soient leur espace culturel et linguistique d’origine et leur type de francophonie (diatopique, post-colonial ou translingue[2]). Ce phénomène a été étudié pour la première fois de manière systématique dans un ouvrage collectif pionnier, Littératures autobiographiques de la francophonie, publié sous la direction de Martine Mathieu-Job[3] en 1996, et depuis cette date, la production autobiographique des écrivains francophones n’a cessé de s’accroître. Beaucoup d’écrivains et d’écrivaines francophones ont en effet continué à écrire, parallèlement à leur œuvre romanesque, théâtrale ou poétique, un ou plusieurs textes autobiographiques. Dans la francophonie post-coloniale[4], on peut citer, parmi bien d’autres exemples, Daniel Maximin (Tu, c’est l’enfance, 2004), Salah Stétié (L’extravagance. Mémoires, 2014), Malika Mokeddem (La transe des insoumis, 2003, Mes hommes, 2005) ou Assia Djebar (Nulle part dans la maison de mon père, 2010). Dans la francophonie translingue, on peut évoquer par exemple François Cheng (Le Dialogue. Une passion pour la langue française, 2002), Akira Mizubayashi (Une langue venue d’ailleurs, 2011), Wei Wei (Une fille Zhuang, 2006), Eun-Ja Kang (L’Étrangère, 2013), Brina Svit (Petit éloge de la rupture, 2009) ou Velibor Čolić (Manuel d'exil, comment réussir son exil en trente-cinq leçons, 2016). Pour le Québec, on peut citer par exemple Nelly Arcan (Putain, 2001) et François Hébert (Frank va parler, 2023).

Parfois les auteurs réalisent une autobiographie sérielle, en plusieurs volumes plus ou moins successifs, comme par exemple Patrick Chamoiseau (Une Enfance créole, 1, Antan d’enfance, 1993 ; 2, Chemin d’école, 1996 ; 3, A bout d’enfance, 2005), Ken Bugul (Le baobab fou, 1982 ; Cendres et braises, 1994 ; Riwan ou le chemin de sable, 2000), Maryse Condé (Le cœur à rire et à pleurer, 1999 ; Victoire, les saveurs et les mots, 2006 ; La vie sans fards, 2012), Kim Lefèvre (Métisse blanche, 1989 ; Retour à la saison des pluies, 1990) ou encore Dany Laferrière (L’Odeur du café, 1991 ; Le Goût des jeunes filles, 1992 ; Pays sans chapeau, 1996 ;  Le Charme des après-midi sans fin, 1997 ; La Chair du maître, 1997 ; Le Cri des oiseaux fous, 2000 ; L’énigme du retour, 2009).

Cette pente autobiographique n’est pas propre aux écrivains francophones. On sait que depuis le début des années 1980, la littérature française s’est engagée dans un « tournant autobiographique[5] » où le développement des écrits personnels est directement lié l’accroissement et à la spectacularisation de l’individualisme contemporain. D’autre part, il faudrait comparer cette tendance autobiographique des écrivains francophones avec les écrivains et les écrivaines allophones dans une autre langue que le français, comme par exemple Elias Canetti en langue allemande (La Langue sauvée - Histoire d’une jeunesse 1905-1921, 1977 ; Le Flambeau dans l’oreille - Histoire d’une vie 1921-1931, 1980 ; Jeux de regards - Histoire d’une vie 1931-1937, 1985), et en anglais Vladimir Nabokov (Autres rivages, 1951) et Joseph Conrad (Souvenirs personnels, 1912). On pourrait se demander en ce sens dans quelle mesure le choix d’une langue d’écriture différente de sa langue maternelle n’incline pas tout particulièrement les écrivains allophones à se tourner vers l’écriture autobiographique, pour ressaisir en particulier leur trajectoire linguistique.

Si les écrits autobiographiques ne sont peut-être pas plus fréquents chez les écrivains « francophones » que chez les écrivains « français », et s’il manque une enquête quantitative comparative pour mesurer statistiquement l’importance respective de la littérature autobiographique chez les écrivains français et les écrivains francophones, on peut toutefois se demander si, au-delà des enjeux communs à toute autobiographie, il y aurait des enjeux spécifiques au récit de soi lorsqu’il est produit par un écrivain ou une écrivaine « francophone ». Depuis la parution de l’ouvrage collectif de Martine Mathieu-Job en 1996, quelques rares ouvrages se sont penchés sur le sujet, comme par exemple l’ouvrage collectif dirigé par Suzanne Gehrmann et Claudia Gronemann, Les enJEux de l’autobiographique dans les littératures de langue française, publié en 2006[6]. Quelques ouvrages et articles ont également été publiés sur certains écrivains et certaines écrivaines en particulier, mais aucun ouvrage de synthèse général n’a été publié depuis une vingtaine d’années. Pour faire le point sur la production autobiographique francophone depuis les années 2000, on se propose donc d’examiner à nouveaux frais ce phénomène en articulant plus précisément dans ce colloque la question autobiographique et les différents problèmes qu’elle pose (définition du genre, question de l’authenticité et de la sincérité, part de fictionnalisation, etc.) au prisme de trois autres questions : la question francophone, la question post-coloniale et la question du genre. 

1) Qu’est-ce que la francophonie fait à l’autobiographie ? Au plan thématique, on note que dans les récits de soi francophones, la rencontre et les rapports avec la langue française constituent des motifs centraux, de même que le thème connexe de l’école comme lieu privilégié de la découverte et de l’expérience du français. Ces autobiographies contiennent très souvent des récits d’apprentissage du français et de la manière dont les écrivains ont fini par maîtriser cette langue au point d’en faire leur langue d’écriture. Certaines de ces autobiographies linguistiques, dont le titre général pourrait être « Comment j’ai appris le français et comment je suis devenu un écrivain de langue française », peuvent même être considérés comme un sous-genre de l’autobiographie francophone, à l’instar d’Une langue venue d’ailleurs d’Akira Mizubayashi, d'Une fille Zhuang de Wei Wei ou de L’Étrangère d’Eun-Ja Kang. Quelles différences ce parcours linguistique francophone crée-t-il par rapport à la tradition littéraire française de l’autobiographie ? Qu’est-ce qu’écrire sa vie dans une langue étrangère (du moins pour les écrivains francophones post-coloniaux et translingues), apprise plus ou moins tôt (chez les post-coloniaux) ou plus ou moins tardivement (chez les translingues) et devenue progressivement une seconde langue (langue d’adoption) et une langue d’écriture (pas nécessairement exclusive, en alternance parfois avec une ou, plus rarement, plusieurs autres langues), mais qui n’est pas la langue première des rapports au monde, des échanges familiaux et de l’intimité[7] ? 

Il semble qu'il y ait au moins deux réponses à cette question. Au plan de l'expression de l'intimité d'une part, le français crée des possibilités nouvelles pour le récit de soi en instaurant des espaces de liberté, notamment dans les domaines des sentiments et de la sexualité. C’est notamment le cas quand l’écrivain ou l’écrivaine est issu de sociétés patriarcales ou conservatrices[8], mais cela peut concerner aussi les autres écrivains, pour qui le passage à une autre langue marque une distance souvent ressentie comme nécessaire avec la société et la langue d’origine et permet de renouveler l’expression de soi[9]. Mais le français fait surgir en même temps des contraintes techniques, en tant que langue étrangère et, pour les écrivains post-coloniaux, des difficultés politiques, comme langue héritée de la colonisation. D'autre part, le français ouvre des possibilités éditoriales qui font peut-être également de ces récits d'apprentissage, au plan de la sociologie de la littérature, une stratégie d'entrée dans le champ littéraire français. On peut se demander en effet si l’autobiographie ne constitue pas aussi pour les écrivains francophones un « créneau » éditorial liée à une demande des éditeurs, parce qu’elle correspond peut-être à une demande d’exotisme[10] des lecteurs ou, dans le cas des écrivains translingues, parce qu’elle est susceptible de flatter le narcissisme national français, surtout lorsque les écrivains sont issus d’espace culturels et linguistiques prestigieux et qu’ils font l’éloge de la langue française. Il faudrait d’ailleurs examiner la place des écrits autobiographiques dans la production des écrivains. A quel moment de l’œuvre l’autobiographie intervient-elle, au début, au milieu, à la fin ? Kim Lefèvre, qui a commencé par publier son diptyque autobiographique avant de publier deux romans, déclarait par exemple dans un entretien avec Nathalie Nguyen : « J'ai pris le récit autobiographique parce que c'est une forme disons “naturelle” quand on n'a pas encore d'expérience littéraire, et souvent c'est parce qu'on a quelque chose qu'on porte en soi, et qu'on voudrait le communiquer[11] ».

Pour les écrivains francophones « diatopiques » belges, suisses et québécois, on pourra se demander dans quelle mesure l’écriture autobiographique est l’occasion d’affirmer la spécificité d’une existence et d’une écriture dans une des variantes diatopiques du français et dans une « vision culturelle globale » différente de la «réalité[12] » française, ainsi que les tensions que cette revendication peut entraîner avec les contraintes linguistiques normatives imposées éventuellement par les éditeurs français.

2) Qu’est-ce que le post(-)colonial fait à l’autobiographie ? Pour les écrivains francophones post-coloniaux, le récit de soi est un espace privilégié pour dire l’expérience de la domination et des violences coloniales et raciales. L’autobiographie se présente alors très souvent comme un « write back[13] » postcolonial qui cherche à opposer un contre-discours aux récits littéraires et sociaux français et à réécrire l’histoire coloniale du point de vue des « subalternes ». Cette réappropriation du discours et ce regard critique, qui permettent de faire émerger un sujet dominé et de valoriser les modèles de l’interculturalité et de l’hybridité, intègrent également une dimension testimoniale et collective aux récits autobiographiques post(-)coloniaux. Cet horizon collectif peut parfois rapprocher les textes de ce corpus du genre des mémoires, comme chez Henri Lopes, ou bien de l’essai, comme chez Leïla Sebbar. Traversés par des tensions multiples et animés également par une volonté de dépasser les contradictions interculturelles et par un désir d’apaisement intérieur, ces récits mettent souvent en scène un sujet ouvert et pluriel, qui s’établit nécessairement, non sans contradictions ni déchirements, à la croisée des langues, des cultures et des identités. On pourra se demander dès lors si l’importance du thème de l’hybridité ou du métissage entraîne nécessairement au plan générique une hybridation de l’écriture autobiographique elle-même, et sous quelles formes, ou si cette hybridation ne remet pas nécessairement en cause la tradition « classique » de l’autobiographie européenne, et française en particulier. On notera en tout cas la récurrence de thèmes qui semblent propres à l’autobiographie post-coloniale, comme la découverte de Paris (et plus généralement de la France) ou à l’inverse le thème du « retour au pays natal ». Lily V. Chiu note en ce sens l’« appétit insatiable que les Français ont développé depuis la décolonisation pour les “récits du retour” autobiographiques postcoloniaux. Aimé Césaire, Ken Bugul, Maryse Condé, and Leila Sebbar, parmi d’autres écrivains francophones, ont tous contribué à ce genre de littérature postcoloniale[14] ». Cette quête du retour peut d’ailleurs s’élargir à une quête des origines, comme par exemple dans La vie sans fards de Maryse Condé, qui retrace les impasses de son désir d’un retour à l’Afrique et l’échec de sa quête des origines africaines perdues de ses ancêtres antillais.

3) Qu’est-ce que le genre fait à l’autobiographie ? En s’attachant plus particulièrement aux écrivaines francophones et à la manière dont elles évoquent leurs expériences de femmes, on se demandera s’il y a une spécificité d’une autobiographie francophone « au féminin », écrite par des « femmes francophones[15] ». Comme le fait remarquer Suzanne Gehrmann, « après une trentaine d’années d’études féministes, il n’est toujours guère possible de donner une définition précise de ce qu’est l’autobiographie féminine, car le corpus des textes est vaste et différencié. On peut cependant remarquer que les femmes thématisent souvent la catégorie du genre comme un élément important de la construction de l’identité, phénomène très rare chez les écrivains hommes[16] ». On notera que les écrivaines francophones, surtout lorsqu’elles sont issues d’espaces post-coloniaux, abordent très souvent la question de la domination masculine et celle de la domination intersectionnelle qui caractérise les femmes post-colonisées, auxquelles elles opposent l’affirmation d’un sujet féminin autonome autant que celle d’un « corps libéré[17] ». Mais on constatera également que leur condition de femmes les amène aussi à critiquer leur société d’origine, comme par exemple chez Assia Djebar. Ces écrivaines ont souvent pu se servir d’institutions coloniales pour acquérir une liberté d’expression et de pensée et pour s’émanciper de certaines traditions conservatrices et patriarcales. En ce sens, l’autobiographie féminine post(-)coloniale, en tant qu’elle permet aux écrivaines de se dire, de se dévoiler et d’assumer un « je » féminin, est à la fois une critique de la domination coloniale et une opposition subversive par rapport au patriarcat de la société dont elles sont issues. On pourra d’ailleurs élargir la réflexion aux écrivains et aux écrivaines qui abordent la question des masculinités, ainsi qu’à celles et ceux qui sont issus des minorités sexuelles, en explorant par exemple les récits autobiographiques d’écrivains comme Rachid O. ou Abdallah Taïa, et la manière dont ces récits négocient en français l’expression de sexualités homoérotiques ou queer, entre transgression des tabous des sociétés conservatrices d’origine et volonté de placement sur un marché éditorial français structuré par un horizon d’attente post-colonial et (post-)exotique[18] concernant l’émancipation sexuelle.

Les propositions de communication, d’environ 500 mots, assorties d’un titre et de quelques lignes de présentation bio-bibliographique, seront à envoyer par courriel au plus tard le 1er décembre 2025 à l’adresse suivante : maxime.delfiol@univ-montp3.fr

Le colloque se tiendra les 26 et 27 mars 2026 à l’Université de Montpellier Paul-Valéry, site Saint-Charles.

Après évaluation des propositions par le comité scientifique, les notifications d’acceptation seront communiquées avant le 20 décembre 2025. 

Comité d’organisation :

Maxime Del Fiol, Université de Montpellier Paul-Valéry

Comité scientifique :

Florian Alix, Sorbonne Université

Ridha Boulaabi, Université Paris Nanterre

Mounira Chatti, Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis

Ninon Chavoz, Université de Strasbourg

Claude Coste, Cergy Paris Université 

Maxime Del Fiol, Université de Montpellier Paul-Valéry

Odile Hamot, Université des Antilles

Jean-Marie Klinkenberg, Université de Liège

Anthony Mangeon, Université de Strasbourg

Nathalie Watteyne, Université de Sherbrooke

Bibliographie critique sélective :

Ahnouch Fatima, Littérature francophone du Maghreb. Imaginaire et représentations socioculturelles, Paris, L’Harmattan, collection « Espaces littéraires », 2015.

A.P.E.L.A – Université Paris Nord, revue Itinéraires et contacts de culture, « Autobiographie et récits de vie en Afrique », Volume 13, Paris, L’Harmattan, 1991.

Balsi (de) Sarah, La francophonie translingue. Éléments pour une poétique, Rennes, Presses universitaires de Rennes, collection « Plurial », no 33, 2024.

Benbella Bouchra, Écrivains maghrébins francophones. Tendances esthétiques et culturelles postmodernes, Paris, L’Harmattan, collection « Autour des textes maghrébins », 2020.

Bonnet Gabrielle, Récit de soi et construction des identités culturelles. Le cas de la littérature afropéenne, Paris, Classiques Garnier, collection « Perspectives comparatistes », 2023. 

Butler Judith, Le récit de soi, Paris, PUF, collection « Pratiques théoriques », 2007 [2007].

Diène Babou, Thiam Moudou Fatah et Ba Mamadou Hady (dir.), La littérature africaine à l’épreuve des récits de filiation. L’autofiction et le récit transpersonnel, Paris, L’Harmattan, 2024.  

Djom Simo Maurice, L'Hybridité dans le roman autobiographique francophone contemporain, Connaissances et savoirs, 2017.

Fernandez Martine, Les écrivaines francophones en liberté. Farida Belghoul, Marise Condé, Assia Djebar, Calixthe Belaya, Paris, L’Harmattan, collection « Critiques littéraires », Paris, 2007.

Gans-Guinoune Anne-Marie, « Autobiographie et francophonie : cache-cache entre “nous” et “je” », Reliefs, volume 3, no 1, « Autobiographie et autofiction », sous la direction de Els Jongeneel, 2009, p. 61-76.

Geffen Alexandre, « Le récit de soi et ses contraintes », Fabula / Les colloques, Fiducia (I). « Crédibilité, confiance, crédit dans les récits de soi » (dir. Emmanuel Bouju, Frédérique Leichter-Flack), URL : http://www.fabula.org/colloques/document12282.php.

Gehrmann Suzanne et Gronemann Claudia (dir.), Les enJEux de l’autobiographique dans les littératures de langue française, Paris, L’Harmattan, 2006.

Hamot Odile, « Le Conte et le masque ou les équivoques de l’autobiographie dans Le Cœur à rire et à pleurer de Maryse Condé », Reliefs, volume 15, no 1, « (Re)duire les classiques française », 2021, p. 185-198 : https://revue-relief.org/article/view/10895.

Hel-Bongo Olga (dir.), « L’autobiographie intellectuelle dans les littératures francophones », dossier dans Présence francophone, vol. 101, n° 1, 2025. 

Hermetet Anne-Rachel et Paul Jean-Marie (dir.), Écritures autobiographiques : Entre confession et dissimulation, Presses universitaires de Rennes, Rennes, 2010.

Khaddar Hédia, Littérature en thérapie. Expériences littéraires des femmes du Maghreb, Paris, L’Harmattan, collection « Classiques francophones », 2023.

Lejeune Philippe, Le pacte autobiographique [1975], Paris, Éditions du Seuil, 1996.

Mathieu Martine (dir.), Littératures autobiographiques de la francophonie, Paris, L’Harmattan, 1996. 

Miraux Jean-Philippe, L’autobiographie : écriture de soi et sincérité [1996], Paris, Armand Colin, 2009.

Redouane Najib, Écritures féminines au Maroc. Continuité et évolutions, Paris, L’Harmattan, 2006.

Reggiani Christelle, « Chapitre III. Depuis 1980 », dans Martine Reid (dir.), Femmes et littérature. Une histoire culturelle, II, Paris Gallimard, collection « Folio Essais », 1980, p. 426-472.

Rice Alison, « Francophonies », dans Martine Reid (dir.), Femmes et littérature. Une histoire culturelle, II, Paris, Gallimard, collection « Folio Essais », 2020, p. 475-533.

Tang Alice Delphine, Écritures du moi et idéologies chez les romancières francophones – Claire Etcherelli, Gabrielle Roy, Were Were Liking et Delphine Zanga Tsogo, Munich, Lincom Studies in Language and Literature, no 2, 2006. 

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[1] On ne reviendra pas ici sur le caractère extrêmement problématique de cette notion et de la catégorie de francophonie littéraire, et on gardera malgré tout ce terme pour désigner d’une part les littératures de langue française non françaises produites au sein d’espaces littéraires plus ou moins autonomes en dehors de la France (littératures des régions/provinces francophones du Québec, de Suisse romande et de Wallonie, ainsi que les littératures des sous-espaces francophones au sein de littératures nationales plurilingues, comme par exemple en Afrique subsaharienne, au Maghreb, au Machrek, aux Antilles ou dans l’océan Indien) et les littératures de langue française des espaces français post-coloniaux des Outre-mer (aux Antilles, dans l’océan Pacifique et dans l’océan Indien) ; et d’autre part les écrivains migrants «venus d’ailleurs », issus des espaces cités précédemment ou issus d’autres espaces, nés à l’étranger, socialisés dans une autre culture, dont la langue maternelle n’est pas le français ou le français de France, mais qui écrivent en français et qui « passent » par la France, pour s’y installer provisoirement ou durablement, qui sont publiés en France, et qui de ce fait s’intègrent aussi dans l’espace littéraire français et qui se situent ainsi dans un entre-deux entre les langues, les cultures et les espaces littéraires. 
[2] Voir Maxime Del Fiol, « Pour une histoire francophone, transnationale et plurilingue, des littératures de langue française », introduction à Francophonie, plurilinguisme et production littéraire transnationale en français depuis le Moyen Age, sous la direction de Maxime Del Fiol, ADIREL, « Travaux de littérature », numéro XXXV, Diffusion Droz, 2022, p. 7-21. 
[3] Martine Mathieu-Job (dir.), Littératures autobiographiques de la francophonie, Paris, L’Harmattan, 1996.
[4] L’orthographe « post-colonial » permet de rappeler que toute la littérature chronologiquement « post-coloniale » produite dans les anciennes colonies françaises n’est pas nécessairement « postcoloniale » au sens critique du terme, et que le postcolonialisme n’y absorbe donc pas la totalité de la littérature francophone écrite après les indépendances.
[5] Christelle Reggiani, « Chapitre III. Depuis 1980 », dans Martine Reid (dir.), Femmes et littérature. Une histoire culturelle, II, Paris Gallimard, collection « Folio Essais », 1980, p. 432.
[6] Suzanne Gehrmann et Claudia Gronemann (dir.), Les enJEux de l’autobiographique dans les littératures de langue française, Paris, L’Harmattan, 2006.
[7] Akira Mizubayashi, dans Une langue venue d’ailleurs (Paris, Gallimard, collection « Folio », 2013 [2011]), appelle le français, de manière figurée, sa langue «paternelle» (p. 56), pour la distinguer de sa langue maternelle japonaise. En effet, même si son père ne parlait pas français, c’est son regard extrêmement critique sur la fermeture de la société japonaise et sa volonté d’ouverture à des formes et à des espaces culturels étrangers qui ont préparé le jeune Akira à sa rencontre avec une langue étrangère, en l’occurrence le français. On pourrait élargir cette notion de langue « paternelle » aux cas d’autres écrivains et écrivaines dont le père a joué, directement ou indirectement, un rôle déterminant dans la découverte du français, comme par exemple Assia Djebar, dont le père, instituteur de l’école coloniale française en Algérie, l’a initiée à cette langue, ou Kim Lefèvre, dont le père, qu’elle n’a pas connu, puisqu’il a abandonné sa mère quand elle été bébé, était Français, ce qui a incité sa mère à la placer à différentes époques de sa vie dans diverses institutions francophones au Vietnam, où elle a été admise en tant que « métisse » et où elle a appris progressivement le français.
[8] Dans le monde arabe par exemple, cette liberté du français a été maintes fois affirmée par de nombreux écrivains francophones, comme Assia Djebar ou Driss Chraïbi. On pourrait se demander toutefois si elle ne constitue pas aussi une sorte de lieu commun, qui masquerait la liberté d’expression que certains écrivains et certaines écrivaines arabophones, comme par exemple Naguib Mahfouz, Alaa el-Aswany, Ahlam Mosteghanemi ou encore Nawal Saadawi, ont su imposer en arabe sur des sujets particulièrement sensibles, notamment dans le domaine sentimental, sexuel ou religieux. 
[9] Akira Mizubayashi note par exemple que le français lui a permis « de recommencer [s]a vie à peine commencée, de refaire [s]on existence entamée, de retisser les liens avec les visages et les paysages, de remodeler et reconstruire l’ensemble de [s]es rapports à l’autre, bref de remettre à neuf [s]on être-au-monde » (Une langue venue d’ailleurs, op. cit., p. 58. C’est l’auteur qui souligne).
[10] Voir Graham Huggan, The Postcolonial Exotic. Marketing the Margins, New York, Routledge, 2001.
[11] Nathalie Nguyen, « Métisse blanche : Entretien avec Kim Lefèvre » (2001), dans Intersections, 5, https://motspluriels.arts.uwa.edu.au/MP2303klf.html, 2001.
[12] Gaston Miron, « Malmener la langue », entretien avec Lise GAUVIN [1993], dans Lise Gauvin, L’écrivain francophone à la croisée des langues. Entretiens, Paris, Karthala, 1997, p. 64.
[13]  Bill Ashcroft, Gareth Griffiths et Helen Tiffin, The Empire Writes Back. Theory and Practice in Post-Colonial Literatures [1989], Londres : Routledge, 2002.
[14] « (…) considering the seemingly insatiable appetite for postcolonial autobiographical "return narratives" the French have developed ever since decolonization. Aimé Césaire, Ken Bugul, Maryse Conde, and Leila Sebbar, among other Francophone writers, have all contributed to this genre of postcolonial literature » (Lily V. Chiu, « The Return of the Native: Cultural Nostalgia and Coercive Mimeticism in the Return Narratives of Kim Lefèvre and Anna Moï », Crossroads: An Interdisciplinary Journal of Southeast Asian Studies, vol. 19, No. 2, 2008, p. 113). Nous traduisons.
[15] C’est ainsi que se définit Assia Djebar : « Je suis, sans nul doute, une femme d’éducation française, de par ma formation, en langue française, du temps de l’Algérie colonisée, et si j’ajoute aussitôt “d’éducation française” et de sensibilité algérienne, ou arabo-berbère, ou même musulmane lorsque l’islam est vécu comme une culture, plus encore que comme une foi et une pratique, alors je suis bien une “femme francophone” dans mon activité intellectuelle et critique » (« Être une voix francophone », dans Ces voix qui m’assiègent… en marge de ma francophonie, Paris, Albin Michel, 1999, p. 26).
[16] Suzanne Gehrmann, « Constructions postcoloniales du Moi et du Nous », dans Suzanne Gehrmann et Claudia Gronemann (dir.), Les enJEux de l’autobiographique dans les littératures francophones, op. cit., p. 181.
[17]  Pour reprendre les mots d’Assia Djebar : « une écriture véritable et au féminin, dans les pays musulmans de ce prochain XXIe siècle, ne pourra s’approfondir et se développer qu’à partir du corps libéré (ou en train de se libérer) de la femme » (« Être une voix francophone », art. cité, p. 28).
[18] Mar Garcia, « Postures (post) exotiques : "Réveiller les vieux démons de l'exotisme" », dans Anthony Mangeon (dir.), Postures postcoloniales, Paris, Karthala, MSH-M, 2012, p. 259-284.