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Nouvelles temporalités : Les pratiques littéraires face à la crise du temps moderne (Reims / Grenade)

Nouvelles temporalités : Les pratiques littéraires face à la crise du temps moderne (Reims / Grenade)

Publié le par Vincent Ferré (Source : Rubén Almendros)

Les effets de la tyrannie de la perturbation du temps sur la configuration spatiale, politique, sociale et culturelle de l’individu contemporain constituent aujourd’hui un sujet de préoccupation majeur. Dans des domaines tels que la philosophie, l’anthropologie et la sociologie, les débats sur le temps historique pluriel et les nouvelles formes de temporalité non téléologique sont en cours depuis quelques années. Dans ce contexte, des auteurs tels que Paul Virilio, Harmut Rosa, Walter Mignolo, Pheng Cheah et Bruno Latour ont souligné l’urgence de décentrer l’hégémonie chronopolitique moderne, en favorisant une ouverture vers des expériences temporelles hétérogènes. Dans cette perspective, la mondialisation n’est plus conçue exclusivement comme un phénomène spatial, mais comme un champ de tension entre des temporalités divergentes : entre l’accélération et l’improductivité, l’urgence et le soin, l’immédiateté et la mémoire.

Organisées conjointement par l’Université de Reims Champagne-Ardenne et l’Université de Grenade, ces journées d’étude ont pour objectif de soulever, d’interroger et de réfléchir au sens que ce panorama révèle dans la création littéraire contemporaine. Au-delà du simple témoignage des effets de l’accélérationnisme, les pratiques littéraires actuelles configurent des dispositifs narratifs et esthétiques capables d’interroger le modèle moderne du temps –linéaire, progressif, cumulatif– sur lequel s’est érigée la rationalité capitaliste. Ce geste n'a pas seulement une dimension formelle, mais aussi éthique et politique : comme le suggère Bruno Latour (2007), repenser le temps implique de concevoir de nouvelles formes de relations non hiérarchiques entre humains et non-humains, cultures et modes d'existence.

Depuis la psychanalyse et la philosophie, des auteurs comme Anne Dufourmantelle (2013) et Evelyne Grossman (2017) ont mis en évidence certaines dispositions affectives, telles que la tendresse et l’hypersensibilité, en les comprenant comme des forces de résistance à la logique productiviste dominante du temps. Toutes deux prônent une réouverture du sujet à l’incertain, au fragile et à l’autre, introduisant des pauses, des décalages et des zones de latence dans une temporalité marquée par la vitesse et le contrôle.

La pensée queer, pour sa part, a élaboré une forte critique de la normativité temporelle associée aux cycles de reproduction et à l’idéal d'une vie stable. Des concepts tels que le « temps queer » (Jack Halberstam, 2005), la « futurité anti-normative » (José Esteban Muñoz, 2020) ou la « chrononormativité » (Elizabeth Freeman, 2010) ont permis de concevoir la littérature queer comme un espace de suspension, de dislocation et de réinvention face au temps hégémonique.

De même, les épistémologies écologiques ont articulé de nouvelles formes de temporalité qui décentrent le sujet moderne et prennent en compte les rythmes, les cycles et les vulnérabilités du monde naturel. Des penseurs comme Donna Haraway (2019) ou Vinciane Despret (2019) proposent une conception du temps liée à l’interdépendance et à la symbiose, à laquelle font écho des pratiques littéraires qui imaginent d’autres manières d’habiter le résent et de s’engager avec le vivant.

Dans ce contexte, des auteurs comme Fredric Jameson (2005) ou Mark Fisher (2014) ont souligné comment la science-fiction émerge comme un genre spéculatif qui, à travers l’exploration de dystopies, de futurs incertains ou de mondes non-humains, subvertit la chronormativité moderne et répète d’autres rapports au temps.

Enfin, la pensée postcoloniale a dénoncé avec force l’imposition d’une temporalité moderne universelle qui a fonctionné comme un dispositif de domination épistémologique et culturelle. Des auteurs comme Pheng Cheah (2016) ou Walter Mignolo (2002) ont montré comment la colonialité du temps a marginalisé les formes alternatives de temporalité (cyclique, disjonctive), les reléguant à une position subalterne. Dans ce cadre, la littérature postcoloniale se présente comme un espace de résistance critique, capable de rendre visible la coexistence de temporalités multiples, de raconter les traumatismes historiques de la colonisation et d’imaginer des futurs non occidentaux, donnant naissance à des chronotopies dissidentes.

En somme, la littérature se présente non seulement comme un témoin des crises contemporaines, mais aussi comme une pratique active de reconfiguration temporelle, capable d’imaginer des alternatives à la temporalité moderne –univoque, téléologique, occidentale– et de rendre visibles d’autres manières d’habiter le monde à l’ère de l’Anthropocène.

À la lumière de cette première approche, quelques axes thématiques possibles sont :

→ L’accélérationnisme en crise : improductivité et hyperactivité.

→ Nouvelles temporalités, nouveaux récits.

→ Temporalité et narrativité dans les arts visuels.

→ Pauses, arrêts, précipitations dans la littérature contemporaine.

→ Archives du présent : le journal intime.

→ Littérature et deuil.

→ Science-fiction, fiction spéculative et temporalités alternatives

→ Imaginaires écologiques et cycles naturels : entre lenteur et catastrophe.

→ Temporalités queer.

→ Temporalités de l'exil et littérature postcoloniale.

Propositions de communication

La date limite de soumission est fixée au 1er septembre 2025. Dans le même document, les éléments suivants doivent être inclus :
→ Nom et prénom
→ Institution
→ Adresse électronique
→ Lieu de participation préféré (Reims/Grenade)
→ Titre de la proposition
→ Résumé (entre 200 et 250 mots)
→ Bref curriculum vitae (entre 100 et 200 mots)

Les propositions doivent être envoyées à l’adresse électronique : nuevastemporalidades@gmail.com

Une fois les évaluations effectuées par le comité scientifique, une décision sera notifiée à la mi-septembre 2025.

La langue de communication et de publication sera le français, l'anglais et l'espagnol.

Calendrier de publication

Soumission des articles à l’adresse nuevastemporalidades@gmail.com : 16 mars 2026.
→ Réponses du comités scientifiques : mai 2026.
→ Soumission de la version finale de l’article : 26 juin 2026.

Comité d’organisation (Grenade) : Azucena G. Blanco, Julia Amo, Rubén Almendros.

Comité d'organisation (Reims) : Marta Waldegaray, Sonia Fernández Hoyos.

Comité scientifique: Antonio Jesús Alías Bergel (Universidad de Granada), Inmaculada Hoyos Sánchez (Universidad de Granada), Julieta Yelín (Universidad Nacional de Rosario, CONICET), Marcela Croce (Universidad de Buenos Aires), Federica Rocco (Università degli Studi di Udine).

Bibliographie

CHEAH, P. (2016). What is a World? On Postcolonial Literature as World Literature. Duke University Press.
DESPRET, V. (2019). Habiter en oiseau. Actes Sud.
DUFOURMANTELLE, A. (2013). Puissance de la douceur. Payot & Rivages.
ESHUN, K. (2003). «Further Considerations on Afrofuturism». CR: The New Centennial Review, vol. 3, nº 2, pp. 287-302.
FISHER, M. (2014). Ghosts of My Life: Writings on Depression, Hauntology and Lost Futures. Zero Books.
FREEMAN, E. (2010). Time Binds. Queer Temporalities, Queer Histories. Duke University Press.
GROSSMAN, E. (2017). Éloge de l’hypersensible. Les éditions de Minuit.
HALBERSTAM, J. (2005). In a Queer Time and Place. Transgender Bodies, Subcultural Lives. New York University Press.
HAN, B.C. (2015). The Burnout Society. Stanford University Press.
___. (2017). The Scent of Time: A Philosophical Essay on the Art of Lingering. Policy Press.
HARAWAY, D.J. (2016). Staying with the Trouble: Making Kin in the Chthulucene. Duke University Press.
JAMESON, F. (2005). Archaeologies of the Future: The Desire Called Utopia and Other Science Fictions. Verso.
KÖHLER, A. (2017). Passing Time: An Essay on Waiting. Upper West Side Philosophers.
LATOUR, B. (1991). Nous n’avons jamais été modernes. La Découverte.
MIGNOLO, W. (2002). Historias locales / diseños globales. Colonialidad, conocimientos subalternos y pensamiento fronterizo. Akal.
MUÑOZ, J. E. (2020). Utopía queer. El entonces y allí de la futuridad antinormativa. Caja Negra.
ROSA, H. (2010). Acceleration. Towards a Critical Theory of Late Modern Temporality. NSU Press Malmö / Arhus.
WACJMAN, J. (2015). Pressed for time: the acceleration of life in digital capitalism. The University of Chicago Press.
VIRILIO, P. (1977). Vitesse et Politique. Galilée.