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L’étrange familier. Ruptures, appropriations, continuités (MSH Dijon)

L’étrange familier. Ruptures, appropriations, continuités (MSH Dijon)

Publié le par Faculté des lettres - Université de Lausanne (Source : Hugues Galli)

1er congrès CPTC

MSH, Dijon, 1er, 2 et 3 avril 2026)

Appel à communications

L’étrange familier. Ruptures, appropriations, continuités

Le Centre Pluridisciplinaire Textes et Cultures (UR 4178, Université Bourgogne Europe), à la lumière des travaux de recherche menés par ses équipes, souhaite consacrer son premier congrès à la relation entre les notions de familier et d’étrange. Plus précisément, il s’agit de s’interroger sur les lieux de chevauchement et sur les interactions entre les deux notions dans les champs littéraire, linguistique et plus largement culturel.

Conjuguer le familier et l’étrange, familiarité et étrangeté, n’est pas sans lien avec la célèbre notion freudienneUnheimliche (1919), rendue en français par inquiétante étrangeté et en anglais par uncanny, dans la mesure où la polysémie des termes allemand et anglais traduit un certain nombre d’hésitations et de mélanges entre l’ordinaire et l’extraordinaire, le vivant et l’inerte (que l’on songe à la théorie de Freud sur l’automate, symbole du brouillage entre vivant et mort), le rassurant et l’inhospitalier. Cependant, il s’agit de s’écarter de la notion freudienne au sens classique et de ne pas se limiter au genre fantastique, pour entrer dans des considérations d’ordre méréologique au sujet des écarts et des normes, des conditions de perception et de (re)définition du familier et de l’étrange, notions entendues dans leur complémentarité. 

Voici quelques axes thématiques possibles, non exclusifs les uns des autres, autour desquels des articulations entre familier et étrange pourront être trouvées.  

Identités, familles, altérités

Dans le domaine linguistique, on pense aux mécanismes d’appropriation d’une langue, au plurilinguisme, à la manière de se vivre dans plusieurs langues voire dans une famille de langues, mais aussi à la relation que le locuteur entretient avec sa langue et la langue de l’autre. On pourra s’intéresser aux notions de comportement linguistique (Sprachbenehmen), mais aussi, dans le domaine de la traductologie, au difficile passage entre plusieurs langues (décalages sémantiques, faux-amis, etc.).

 Dans le domaine littéraire, il sera possible, par exemple, de questionner la famille et le familier, dans ses effets de rupture et d’héritage, en tant qu’objet de représentation, mais aussi comme mode d’élaboration et d’organisation des genres littéraires, des collections et des séries. 

Qu’il s’agisse de norme linguistique, de courant ou de genre littéraires, ou encore d’études culturelles, on pourra s’interroger sur les rapports d’inclusion et d’exclusion entre éléments isolés et ensemble catégorisé. Dans le domaine des sciences de la culture, on étudiera le lien entre culture et corps social. De manière générale, on réfléchira aux conditions de réception de l’ordinaire, du normal, aux marqueurs de conformité qui permettent l’intégration des éléments dans un ensemble institué ou réputé harmonieux et les facteurs de l’hétérogène, ce qui est perçu comme en dehors, hors norme et prend le statut d’intrus. 

Monstres et merveilles

La merveille peut désigner l’extraordinaire, le fabuleux, mais aussi désigner métaphoriquement le système de la langue, de toutes les langues, en tant qu’ouvrage complet susceptible de pourvoir à tous les besoins d’expression : la compilation d’un ensemble de mots n’est-elle pas considérée comme un trésor ? En linguistique, on s’intéressera aux formes orales ou écrites perçues comme régulières ou irrégulières (accents, scories, emprunts, barbarismes, argotismes, dialectes, hapax, etc.), et à leur évolution en diachronie comme en synchronie. À l’opposé de la notion de merveille, appréhendée comme ensemble harmonieux, voire parfait agencement, on trouve la notion d’aberration en lien avec celle de monstruosité. On étudiera alors la notion d’aberration linguistique qu’il s’agisse de formes irrégulières, d’apories diverses ou de non-sens ou autre forme considérée comme un écart à une norme.  

En littérature et en études culturelles on se penchera sur la notion de merveille dans certains textes qui mobilisent un registre a priori réaliste et familier pour mieux rendre sensible à leurs lecteurs une étrangeté inhérente au réel et à la psyché humaine (Sempère, 2009). Se crée ainsi « une inquiétude faite texte » qui joue du fantasme transformant le familier en étrange et provoquant un sentiment de perte et de fascination vertigineuse qui inaugure le registre fantastique. On pourra également interroger avec Mathieu Brunet (2008) l’articulation entre familiarité des situations narratives initiales et développement anarchique et métaleptique du texte. On s’intéressera à tous ces récits qui, par prolifération narrative, confrontent un familier quotidien et rassurant à des espaces sous-jacents dans lesquels se meut une monstruosité secrètement efficiente. On pourra également mener une réflexion sémantique sur les différentes acceptions du mot monstre et de ses dérivés ainsi que de leurs usages, dans divers espaces sémiotiques.  

Rencontres, (ré)appropriations

Lorsqu’on lit un texte, voire qu’on le réécrit ou bien le retranscrit à travers un autre média (théâtre, film, dessin, etc.), on se l’approprie, c’est-à-dire qu’on transforme quelque chose d’étranger en un bien propre à soi. « Le propre, en ce sens, a toutes sortes de connotations affectives, liées à la maison (oikos en grec), à la famille, à l’intime, et au familier » (Force, 2013). Ce processus fait appel à l’herméneutique dont le lieu est intermédiaire « entre l’étrangeté totale et l’absence totale d’étrangeté » (Force 2013). Le texte appelle ainsi le travail du lecteur, qui, par ses initiatives et sa coopération interprétative (Eco, 1979), le fait sien, dans une intégration active de l’étranger vers le familier. Cette familiarisation actualise un des mondes possibles du texte, voire crée un sens inédit. De la réception d’un texte à son appropriation, on pourra questionner le processus herméneutique, la mutation de l’étranger en familier, l’émergence de liens d’affiliation littéraire, linguistique et culturelle.

Expériences, pratiques et poétiques de l’étrange

Dans la rencontre avec l’autre, tout d’abord étrange tant dans la forme que dans le fond, le regard ou tout autre media, outrepasse la différence initiale : l’étrange devient familier. 

L’étrange naît aussi du franchissement des frontières, quelles qu’elles soient. Dépassant les limites du rationnel, la création littéraire a parfois exploré des territoires extra-ordinaires, qu’il s’agisse de l’inconscient (possession, folie, écriture automatique), du spiritisme, du psychédélique (effets de l’expérimentation de drogues). Cinéma et scène ouvrent à leur tour à des expériences-limites : du snuff movie aux performances théâtrales, ou plus généralement artistiques. 

Dans la langue poétique, on s’intéressera au passage du familier à l’ineffable, du contingent au transcendant. « Rendre compte du réel dans son indicible mystère, voilà le propos du poète » (Andrée Chedid, Poèmes, 2014). Comment le regard du poète opère-t-il cette métamorphose ? Comment le processus créatif (formes, imaginaire, éthos) relie-t-il l’universel au singulier intime de chaque personne ?

Références mentionnées

Brunet, M. (2008) L’appel du monstrueux. Pensées et poétiques du désordre en France au XVIIIe siècle. Leuven, Peeters, coll. « La République des Lettres ».

Chedid, A. (2014) Poèmes, Paris, Flammarion.

Eco, U. (1979-1985) Lector in fabula., Paris, Grasset

Force, P. (2013) Différence temporelle, différence culturelle et style dans les Caractères de la Bruyère. Dix-septième siècle, 258(1), 35-44.

Gadamer, H.-G. (1996) Vérité et méthode. Les grandes lignes d’une herméneutique philosophique, Paris, Seuil.  

Sempère, E. (2009) De la merveille à l’inquiétude : le registre du fantastique dans la fiction narrative au XVIIIe siècle, Presses Universitaires de Bordeaux, coll. « Mirabilia ».

Calendrier et modalités de soumission 

Date limite d’envoi des propositions, comprenant un titre et un résumé de la communication (1500 à 2000 signes) ainsi que 3 à 5 mots clés : 15 novembre 2025 à l’adresse suivante : congres-cptc@u-bourgogne.fr

Date limite d’envoi des notifications d’acceptation aux auteurs : 15 décembre 2025

Date limite d’envoi des textes pour publication : 13 mai 2026.

Contact : hugues.galli@u-bourgogne.fr