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Poètes et musiciens : liens, échanges, collaborations dans les anthologies poétiques et les chansonniers, XVe-XVIe s. (Paris Nanterre)

Poètes et musiciens : liens, échanges, collaborations dans les anthologies poétiques et les chansonniers, XVe-XVIe s. (Paris Nanterre)

Publié le par Marc Escola (Source : Aurélien Billault & Jean-Baptiste Quantin)

Poètes et musiciens : liens, échanges, collaborations dans les anthologies poétiques et les chansonniers (XVe-XVIe siècles)

Journée d'études (Université Paris Nanterre, CSLF)

Février 2026

Si Eustache Deschamps semble réinterroger la frontière entre poésie et musique dans l’Art de Dictier (1392), Pierre de Ronsard, dans son Art Poétique (1565), insiste sur la complémentarité de ces deux disciplines. Cette vision d’apparence antithétique de poètes et théoriciens témoigne d’une d’une ambivalence des liens entre poésie et musique qui est encore loin d’avoir été éclaircie. C’est ce que nous nous proposons d’approfondir lors de cette journée d’étude.

A la fin du Moyen Age, l’union entre la poésie et la musique, défendue par Paul Zumthor, ne semble plus aller de soi. Qu’on soit partisan d’un divorce définitif ou bien de la persistance d’une continuité entre les deux arts, un tournant esthétique est indéniablement à l'œuvre. Machaut, «prince des poètes » et représentant majeur de l’école musicale de l’Ars Nova, éclaire les siècles suivants d’une aura lointaine, comme le symbole d’un paradis poético-musical perdu. Pourtant, quand bien même un geste poético-musical unique ne serait plus opérant, le rapport entre les deux arts doit encore être interrogé au XVe et au XVIe siècle. Et la question est encore loin d’être tranchée, en atteste le récent volume d’Edwin Duval, Concordes et discordes des muses : poésie, musique et renaissance des genres lyriques en France, (1350-1650), qui s’attache à retracer deux siècles de poésie, chansons et poèmes mis en musique. Le chercheur défend la théorie d’une « délyrisation » : la poésie s’affranchit des formes et des cadres de la poésie lyrique chantée. Pourtant, la création de l’Académie de musique et de poésie en 1570 par Jean-Antoine de Baïf et le musicien Joachim Thibault de Courville témoigne d’une volonté de réunir les deux arts à travers leur institutionnalisation ; c’est pourquoi l’étude centrée sur les XVe et XVIe siècles nous permettrait de mieux appréhender les ruptures et les changements de paradigmes caractéristiques de ces deux périodes.

Axe 1 Théorie poético-musicale : Que disent les poètes de leur lien à la musique ? Que nous disent les théoriciens des XVe et XVIe siècles des rapports entre les deux arts ? Dès le début du XVe siècle, un débat théorique sur l’esthétique poético-musicale interroge l’union entre poésie et musique. Eustache Deschamps, dans son Art de Dictier, distingue en effet une « musique artificielle» et une « musique naturelle » ouvrant la voie à des siècles d’interprétations contradictoires. Est-ce la signature d’un divorce ? Ou bien l’affirmation d’une nécessaire union ? D’un côté la « musique artificielle » des notes semble devenir l’apanage de compositeurs professionnels, techniciens d’un art mathématique ; de l’autre, la poésie devient à elle seule une musique « naturelle » qui n’a plus besoin de la partition pour faire résonner un assemblage de sons. Pourtant, l’Art Poétique de Ronsard (1585) invite le poète à concevoir sa poésie dans la perspective de la mettre en musique : « gardant tousjours le plus que tu pourras une bonne cadence de vers propres […] pour la Musique, la lyre et autres instrumens. » Il s’agira d’interroger les fondements théoriques de cette séparation ou de cette union, que ce soit dans les ouvrages de rhétorique, de poétique ou dans les traités de compositions.

Axe 2 Performance : La poésie reste sous le régime de la performance, on déclame en public les textes. Au XVIe siècle, les poèmes de Ronsard sont mis en musique et joués à la cour. Comment ces pièces sont-elles chantées ? La musique a-t-elle une place d’accompagnement des textes poétiques? Comment les fêtes curiales mettent-elles à l’honneur les réjouissances sonores tant musicales que poétiques ? Le texte des chansons peut-il avoir une existence sans musique ? Eustache Deschamps dans l’Art de Dictier, suppose déjà que certaines œuvres sont plus appropriées à être lus sans musique : « les diz des chansons se puent souventefoiz recorder en pluseurs lieux ou ilz sont moult voulentiers oïs, ou le chant de la musique artificiele n’aroit pas tousjours lieu […] ». Il s’agira de convoquer les différentes sources telles que les chroniques, l’historiographie ou les poèmes, afin d’informer les pratiques de l’époque.


Axe 3 Système curial et attributions : Il s’agira d’interroger le statut social des compositeurs et des poètes. Qui sont les auteurs des poèmes et des chansons ? Comment collaborent-ils ? Quand la place de musicien est institutionnalisée et rigoureusement référencée, notamment dans les registres de compte, la poésie reste un passe-temps aristocratique et souvent, une pratique d’amateur. Certains textes de chansons sont avérés de la main de compositeur, des « livres » poétiques voient le jour (unifiés et non compilés), des musiciens recourent à des textes déjà existants. Toutes ces possibilités donnent lieu à des attestations souvent flottantes et à une auctorialité qui n’est pas encore nette, en atteste le grand nombre de pièces anonymes.

Axe 4 Vie des manuscrits : chansonniers, manuscrits, recueils. L’existence matérielle des œuvres pose déjà question. Les manuscrits compilent des œuvres, selon des modalités pratiques très différentes de celles que nous connaissons aujourd’hui. Les chansonniers regroupent des partitions attribuées à des compositeurs mais le texte qui les accompagne sous la portée et le placement note à note pose problème. Les lacunes, l’effet du temps et les erreurs de copistes, souvent étrangers, créent une nouvelle couche d’opacité. Dès lors, qui écrit ces textes ? Certains sont attestés de la main d’autres poètes renommés, pour les autres, ils sont, ou bien anonymes, ou bien écrits par les compositeurs eux-mêmes. Quel rapport le livre crée-t-il entre le poète et le musicien ? En ce qui concerne le texte, un épineux  travail d’édition s’impose. Peut-il être autonome ? Ou bien est-il inséparable de sa partition ? Se pose également la question des réécritures et des transferts, notamment dans les recueils de poésie du XVIe siècle, comme le Jardin de Plaisance et Fleur de rhétorique, qui compile des textes du XVe siècle, issus de chansons ou non, sans donner aucune attribution. Comment l’imprimerie modifie-t-elle les pratiques?

 

Dans une perspective interdisciplinaire, les contributions de littéraires, d’historiens et de musicologues sont les bienvenues.


Les communications de cette journée d’étude pourront faire l’objet d’une publication numérique, sous réserve de confirmation.


Bibliographie indicative

BUFFARD-MORET, Brigitte, La chanson poétique du XIX siècle, « Musique et poésie au Moyen âge et au XVIe siècle : vers une indépendance », Rennes, P.U.R., 2006.

DUVAL, Edwin M., Concordes et discordes des muses. Poésie, musique et renaissance des genres lyriques en France (1350-1650), Genève, Droz, 2023. 

MILLET, Olivier, Poésie et musique à la Renaissance, Paris, PUPS, 2015.

VIGNES, Jean (dir.), Réforme, Humanisme, Renaissance, n° 95, Chanter la poésie. XVe-XVIe siècles, Saint-Étienne, 2022.

Musique et humanisme à la Renaissance, actes du colloque, Université de Paris-Sorbonne, 12 mars 1992, Paris, Presses de l'École normale supérieure, Cahiers V-L Saulnier, n°10, 1993.


Organisation

Aurélien Billault, doctorant en littérature française du XVIe siècle (Université Paris-Nanterre, CSLF-UPO)

Jean-Baptiste Quantin, doctorant en littérature française du XVe siècle (Université Paris-Nanterre, CSLF)

Modalités de soumission :

Les propositions de contribution (500 mots), accompagnées d’une bibliographie et d’une brève biographie, seront à envoyer par courriel avant le 1er décembre 2025 à : abillault@parisnanterre.fr et jbquantin@parisnanterre.fr.