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Appels à contributions
Poésie & savoirs. Doctoriales de Poemata (Paris)

Poésie & savoirs. Doctoriales de Poemata (Paris)

Publié le par Marie Berjon (Source : Laure Sauvage)

Appel à communications
pour les Doctoriales de l’association Poemata 

Paris, 10 janvier 2026

 Cet appel à communications s’adresse aux doctorantes et doctorants travaillant sur la poésie – tous siècles et toutes aires culturelles confondus – qui souhaiteraient échanger sur leurs travaux.

Nous proposons deux modalités de participation :

- Soit une intervention de vingt minutes autour du thème « Poésie et savoirs » (voir ci-dessous pour l’appel détaillé) ;

- Soit une intervention de dix minutes présentant un questionnement méthodologique ou scientifique à partir d’une recherche en train de se construire.

 Les propositions d’interventions (350 mots maximum) sont à envoyer avant le 19 septembre 2025 aux adresses suivantes : silviagiudice61@gmail.com et lab.sauvage@yahoo.com. Elles seront accompagnées d’une courte notice bio-bibliographique.

 Les communications autour du thème « Poésie et savoirs » pourront donner lieu, pour celles et ceux qui le souhaitent, à une publication sur le carnet de l’association Poemata (https://poemata.hypotheses.org/).

Poésie et savoirs

Poésie et savoirs : la conjonction de coordination recèle d’emblée une tension. Elle renvoie d’abord à une antinomie ancienne, dans la lignée platonicienne : les savoirs du côté de la raison, de la science et de l’abstraction s’opposeraient à la poésie intuitive, créatrice et ancrée dans la matérialité d’un travail sur la langue. Les deux termes font cependant l’objet d’une association pluriséculaire. En Grèce antique par exemple, le lien entre poésie et divinité conférait à cet art le statut de vérité insufflée. La folie poétique dotait le poète d’une forme de connaissance visionnaire. L’étymologie du mot poésie, issue du grec poiein (« faire ») invite à interroger les rapports, parfois conflictuels, entre l’acte de création esthétique et les ambitions cognitives de la poésie, entre la production matérielle et la construction d’un savoir.  

Une autre polarité émerge de cette tension fondamentale : celle qui distingue la poésie comme moyen de savoir (savoir par la poésie) et la poésie comme objet de savoir (savoir sur la poésie). Cette distinction ouvre la voie à deux types de questionnements. D’une part, un questionnement herméneutique qui vise à éclairer les démarches d’écriture poétique : comment, chez tel poète ou telle poétesse, et dans un contexte historique déterminé, la poésie constitue-t-elle un vecteur de connaissance (de soi, du monde, voire d’elle-même) ? Comment s’articule-t-elle aux autres discours institués en véhicules du « vrai », qu’ils soient scientifiques, religieux, politiques, médiatiques, etc. ? D’autre part, un questionnement épistémologique qui interroge nos propres pratiques de recherche : quelles disciplines, quels cadres théoriques mobilise-t-on pour étudier la poésie ? Quels effets nos choix méthodologiques ont-ils sur la manière dont l’objet « poésie » est construit, lu et transmis ? 

Une notion aussi transversale que celle de lyrisme, par exemple, gagne à être envisagée à la lumière de la double perspective qui oppose poésie comme moyen et comme objet de savoir. Le sujet lyrique n’est-il pas, à la fois, instance de connaissance et objet d’exploration, origine d’un discours sensible sur soi et sur le monde, lieu d’interaction entre éthos, logos et cosmos ? Mais le sujet ne constitue pas, à lui seul, le centre du savoir poétique. La poésie peut également interroger la fonction du langage, ses limites, sa capacité à produire, ou à défaire, du sens. Une autre tension se dessine alors entre savoir et langage poétique. Il ne s’agit plus seulement de considérer la poésie comme un médium pour exprimer un savoir déjà constitué, mais de penser la manière dont les savoirs peuvent être reconfigurés au sein du langage et par le langage lui-même. Ainsi, le savoir n’apparaît plus comme un contenu stable à transmettre, mais comme une construction malléable, mise à l’épreuve, réorganisée, voire désarticulée par le langage poétique. Dans cette perspective, il convient de considérer la poésie comme une forme d’investigation singulière. Loin de viser une clarification univoque, ce savoir poétique peut ouvrir des espaces d’indétermination que d’autres formes discursives tendent à stabiliser ou à neutraliser. Il s’agira ainsi d’interroger les conditions de possibilité d’un tel savoir, les formes qu’il adopte, et les manières dont il se distingue, ou non, d’autres régimes de connaissance.

Cet appel à communications s’inscrit dans la continuité de ces réflexions critiques, en invitant les jeunes chercheuses et chercheurs à interroger, à partir de leurs objets d’étude, les multiples rapports (parfois conflictuels, souvent féconds) entre poésie et savoirs. Tous les siècles et toutes les perspectives méthodologiques sont bienvenus.  

Les Doctoriales de Poemata souhaitent offrir un espace d’échange ouvert, où la poésie se pense autrement : non comme une forme close ou un savoir constitué, mais comme une force vive, un lieu d’expérimentation, voire de mise en crise du langage. Il s’agit aussi d’une invitation à bousculer les frontières disciplinaires, en explorant des gestes poétiques qui questionnent tout autant les formes que les méthodes, les langages que les corps — et qui, parfois, échappent aux classifications établies.

Dans cette perspective, cette journée vise non seulement à approfondir les réflexions sur la poésie comme objet ou vecteur de savoir, mais aussi à ouvrir des échanges plus larges sur ce que la recherche poétique peut encore faire advenir aujourd’hui. À l’heure où l’université s’interroge sur ses propres finalités, n’est-il pas plus que jamais nécessaire de repenser ce que peut être un savoir, lorsqu’il prend forme dans les marges du vers ? 

Comité d’organisation : Fabien Depret, Silvia Giudice, Félix Katikakis, Julia Luque Amo, Agathe Mariani, Gabriel Meshkinfam, Caroline Payen, Laure Sauvage

Quelques pistes bibliographiques 

ALFORD Lucy, Forms of Poetic Attention, New York, Columbia University Press, 2020.

BADIOU Alain, Que pense le poème ?, Caen, Nous, 2016.

BERTRAND Jean-Pierre, Inventer en littérature. Du poème en prose à l’écriture automatique, Paris, Seuil, 2015.

BONHOMME Béatrice et GROSSI Gabriel (dir.), La Poésie comme espace méditatif ?, Paris, Classiques Garnier, 2015.

BRISSETTE Pascal, La Malédiction littéraire. Du poète crotté au génie malheureux, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2005. 

CAVALLARO Adrien, SCEPI Henri, SCHELLINO Andrea (dir.), Revue des sciences humaines, n° 356, Poésie et pensée, Lille, Presses du Septentrion, 2025.

COLLECTIF, « Toi aussi, tu as des armes. » Poésie & politique, Paris, La Fabrique, 2011.

COLLOT Michel, La Pensée-paysage, Arles, Actes-Sud, 2011. 

CULLER Jonathan D., Theory of the Lyric, Cambridge-Massachusetts-Londres, Harvard University Press, 2015.

DEGUY Michel, La Raison poétique, Paris, Galilée, 2000.

DENIS Benoît, Littérature et engagement. De Pascal à Sartre, Paris, Points, 2000.

DOUMET Christian et HALPERN Anne-Élisabeth (dir.), Ce que le poème dit du poème, Saint-Denis, Presses universitaires de Vincennes, 2005.

HANNA Christophe, Nos dispositifs poétiques, Paris, Questions théoriques, 2010.

LEFORT Régis, Étude sur la poésie contemporaine. Des affleurements du réel à une philosophie du vivre, Paris, Classiques Garnier, 2014.

MARX William, L’Adieu à la littérature. Histoire d’une dévalorisation : XVIIIe-XXe siècle, Paris, Éditions de Minuit, 2005.

MATTEI Jean-François (dir.), Noesis, n° 7,  La Philosophie du XXe siècle et le défi poétique, 2004.

PINSON Jean-Claude, Poéthique. Une autothéorie, Seyssel, Champ Vallon, 2013.

RAMAZANI Jahan, Poetry in a Global Age, Chicago, The University of Chicago Press, 2020. 

STEINER George, The Poetry of Thought, New York, New Directions, 2011.

VINCLAIR Pierre, Prise de vers. À quoi sert la poésie ?, Sainte-Colombe-sur-Gand, La Rumeur libre éditions, 2019.

ZAMBRANO María, Philosophie et poésie, Paris, Corti, 2003 [1939].