
Appel à communications – Colloque international
Musique et identités locales : ancrage et circulation
Date du colloque : 11-13 mai 2026
Maison des Sciences de l’Homme (MSH), Clermont-Ferrand
Date limite de soumission : 30 octobre 2025
Langues du colloque : français, anglais
Le séminaire interdisciplinaire « La Musique dans la cité », thème choisi par la MSH de Clermont-Ferrand pour 2024-2026, se conclura en mai 2026 par un colloque international plus particulièrement consacré à la thématique « Musique et identités locales ». La musique est en effet un puissant vecteur d’identification individuelle et collective, particulièrement sensible aux rapports entre culture et espace. Rarement « hors sol », elle s’inscrit dans des lieux physiques, sociaux et symboliques. Elle est façonnée par des contextes urbains ou ruraux, des logiques de classe, des mémoires de conflit ou de colonisation, des politiques culturelles situées. Loin d’être un simple reflet des identités locales, elle participe activement à leur production, leur mise en scène, leur redéfinition (Stokes, 1994 ; Connell & Gibson, 2003). Ce colloque propose d’interroger la manière dont les musiques — dans leur diversité de formes, d’usages et de significations — s’enracinent, circulent et se transforment en lien avec des territoires donnés. Il s’agit d’explorer comment la musique peut être mobilisée comme expression, mémoire ou revendication d’une identité locale, régionale ou nationale, en tenant compte des dynamiques spatiales complexes dans lesquelles elle s’inscrit.
Qu’il s’agisse de régions rurales, d’espaces urbains, d’îles, de nations ou de diasporas, ce colloque entend ainsi explorer la manière dont la musique devient un vecteur d’identification spatiale. L’objectif est de comprendre comment la musique produit, représente ou transforme les liens entre espace, culture et identité, en prenant en compte leurs dimensions à la fois historiques et contemporaines. Les identités dites « locales » sont en effet loin d’être figées ou univoques : elles sont mouvantes, négociées, parfois disputées, et répondent souvent à des processus de reconstruction culturelle ou de réinvention de la tradition (Hobsbawm & Ranger, 1983). Dans ce cadre, la musique peut apparaître tour à tour comme outil de résistance ou de conformisme, comme dispositif de distinction ou de mémoire, ou encore comme instrument de marketing territorial au service de l’industrie culturelle et/ou touristique. Elle peut activer des symboles identitaires anciens, comme dans les répertoires traditionnels ou folkloriques, mais aussi participer à des pratiques innovantes qui réinterprètent les sons du passé à travers des esthétiques contemporaines (Aubert, 2011 ; Bithell & Hill, 2014).
En outre, dans un monde globalisé, où les technologies numériques bouleversent les conditions de production, de diffusion et de réception de la musique, on pourra réfléchir à la manière dont différents pays abordent la musique d’un point de vue juridique, à partir des lois sur le droit d’auteur par exemple. On s’interrogera aussi sur ce que signifie encore le « local », entre fiction nostalgique, outil de résistance culturelle, ressource pour la patrimonialisation et levier marketing. Dans cette perspective, les notions de scène musicale, de lieux musicaux, de paysage sonore ou de topographies affectives deviennent des outils essentiels pour penser les identités locales non pas comme données, mais comme constructions dynamiques, où la musique joue un rôle performatif.
Dans le domaine littéraire enfin, on pourra se demander comment les musiques régionales ou nationales influencent certaines œuvres, qu’il s’agisse de leur diégèse, comme dans La Marche de Radetzky de Joseph Roth, qui trace un tableau de l’Autriche-Hongrie à partir de « la Marche de Radetzky » de Johann Strauss père, ou de leur forme ou de leur écriture même, en poésie notamment : ainsi les Chants d’ombre de Léopold Sédar Senghor (1945) s’inspirent-ils de chants traditionnels sérères et wolofs, tandis que The Wind Among the Reeds de W. B. Yeats (1899) doit beaucoup à la musique irlandaise. Mais c’est aussi le cas pour un roman comme Things Fall Apart de Chinua Achebe (1958), qui s’appuie en partie sur la musique igbo traditionnelle, pour ne donner qu’un exemple dans le domaine romanesque.
Ce colloque entend donc interroger les usages sociaux, culturels et politiques de la musique dans la fabrication des appartenances spatialisées. Il s’adresse à des chercheur·e·s en musicologie, ethnomusicologie, philosophie, sociologie, littérature, anthropologie, histoire, géographie, droit et sciences politiques, mais aussi à des praticien·ne·s, artistes ou acteurs culturels impliqués dans la valorisation ou la revendication de musiques dites « locales ».
Axes thématiques (non exhaustifs)
· Transformations des pratiques musicales régionales au fil des siècles
· Émergence ou disparition de répertoires « locaux » en lien avec des événements historiques, politiques ou économiques
· Mémoire sonore, archive musicale et histoire orale
· Lieux et paysages musicaux : villes musicales, territoires sonores, géographies sensibles, et leurs représentations littéraires
· Scènes musicales locales, circuits de diffusion communautaires ou institutionnels
· Représentation du territoire dans les paroles, les rythmes, les instruments
· Rôle de la musique dans la construction des identités locales, régionales ou diasporiques
· Usage des langues régionales ou minoritaires en musique
· Transmission intergénérationnelle des pratiques musicales communautaires
· Musiques locales et politiques de sauvegarde (UNESCO, lois patrimoniales, musées sonores)
· Folklorisation, muséification, marketing culturel et "mise en tourisme" des musiques traditionnelles
· Enjeux de légitimation et d’authenticité dans les discours institutionnels ou juridiques
· Musique comme vecteur de revendications identitaires ou d’autonomisme culturel
· Musiques militantes, contestataires, de résistance locale (rap localisé, reggae territorial, etc.)
· Réinterprétation de l’histoire et des luttes locales à travers le son
· Écriture de l’histoire sonore locale : quelles sources, quelles méthodes ?
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Modalités de soumission
Les propositions de communication (en français ou en anglais) devront comporter :
· un titre
· un résumé de 300 à 500 mots
· une courte notice biographique (150 mots maximum), mentionnant l’affiliation, les domaines de recherche et, le cas échéant, les publications significatives
Les propositions doivent être envoyées avant le 30 octobre 2025 aux adresses suivantes : benjamin.lassauzet@uca.fr et anne.rouhette@uca.fr
Notification des décisions du comité scientifique : 30 novembre 2025.
Ce colloque s’adresse aux chercheur·e·s confirmé·e·s et aux jeunes chercheur·e·s (doctorant·e·s, postdoctorant·e·s), mais également aux artistes, musicien·ne·s et professionnel·le·s des politiques culturelles ou patrimoniales.
Une publication est prévue à l’issue du colloque sous la forme d’un ouvrage collectif.
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Comité d’organisation
Benjamin Lassauzet, UCA/CHEC
Anne Rouhette, UCA/CELIS
Comité scientifique
Rémy Campos, Conservatoire de Paris et Haute école de la musique de Genève
Sophie Chiari Lasserre, UCA/IHRIM
Stéphane Gomis, UCA/CHEC
Gérôme Guibert, Sorbonne Nouvelle/IRMÉCCEN
Myrtille Picaud, CNRS/CRESPPA-CSU
Patrick Taïeb, Université de Montpellier 3/IRCL
Sources
Aubert, L. (2011). La musique de l'autre : nouveaux défis pour l'ethnomusicologie. Armand Colin.
Bithell, C. & Hill, J. (dir.). (2014). The Oxford Handbook of Music Revival. Oxford University Press.
Bohlman, P. (2004). The Music of European Nationalism: Cultural Identity and Modern History. ABC-CLIO.
Connell, J., & Gibson, C. (2003). Sound Tracks: Popular Music, Identity and Place. Routledge.
Hobsbawm, E., & Ranger, T. (1983). The Invention of Tradition. Cambridge University Press.
Stokes, M. (1994). Ethnicity, Identity and Music: The Musical Construction of Place. Berg Publishers.