
Perspectives contemporaines et régionales autour des questions de pluralité, altérités, francophonies, circulations et éducation en Afrique du Sud (French Studies in South Africa)
Dans un de leurs articles publiés en 1999, à l’heure où l’Afrique du Sud commençait à vivre l’onde de choc de la transition démocratique, Kasanga et Mathebula ouvraient les perspectives de l’enseignement du français à des objectifs pragmatiques. En 2010, Balladon et Peigné (dir.) proposaient un premier état des lieux par le N°40 de French Studies in Southern Africa : le français était langue obligatoire pour les diplomates depuis 2005. Avant 2010, un master était né au Cap pour la formation des enseignants de FLE quand la Winnie Ngwekazi Primary School devenait le centre de formation des professeurs de français de Soweto. La Francophonie (officielle) plaçait le continent africain à l’épicentre de l’avenir des (pratiques de) français, mais c’était en n’envisageant « ni la présence de plus en plus affermie du mandarin ni le sentiment anti-français qui se répand actuellement dans ces pays d’Afrique francophone avec l’influence russe » (Feussi 2023 : 15) et sans compter l’intérêt universitaire sud-africain pour d’autres grands véhiculaires continentaux comme le swahili notamment, déjà présent dans certains répertoires d’élèves il y a une vingtaine d’année (Peigné 2010 : 115). Contemplant la perspective sud-africaine à la lumière d’autres pratiques continentales, Kamwangamalu soulignait que le français ou l’anglais n’y étaient pratiqués à l’écrit que par une minorité dans les pays où ces langues « européennes » (2002 : 121) étaient présentes, interrogeant par là une hypercentralité de l’anglais qui allait peut-être « maintenir les liens locaux entre la langue, la classe et la race en Afrique du Sud » (Painter 2002 : 6) tout en constituant une conclusion aisée à un certain laisser faire politique (Alexander 1999). L’enseignement en « langue maternelle » posait de nombreux défis et tardait à s’installer dans les écoles sud-africaines, alors que de nombreux parents souhaitaient une scolarisation en anglais (et dans les structures ad hoc) pour leurs enfants. A cette époque, de nombreux départements universitaires de langues étrangères fermaient, au moment où la diversité des (pratiques de) français n’avait jamais été autant entendue et pratiquée au quotidien dans les grandes villes du pays. Trente ans depuis la libération de Mandela et la mise en place d’un régime démocratique : qu’en est-il en 2025 ?
Nous nous intéressons pour ce numéro spécial à entrevoir la complexité des pratiques francophones de la région australe (Lesotho, Swaziland, Malawi, côtes de l’Océan Indien…) et d’Afrique du Sud mais, à travers elles, les dynamiques plurielles et plurilingues des langues et de leurs locuteurs dans un paysage sociolinguistique et didactique nécessairement complexe (Morin). Les propositions, d’horizons divers et transdisciplinaires, peuvent notamment explorer :
- la pluralité des langues en chaque individu et la diversité des pratiques langagières, scolaires et de formation en Afrique du Sud et dans la région australe : quelles pratiques scolaires et de formation avec les langues ? comment se redessinent les répertoires langagiers et en association à quel(s) imaginaire(s) ? quels plurilinguismes et pourquoi ? Présentent-ils, trente ans après l’arrivée de Mandela au pouvoir au Cap, une diversité de langues plus représentative du pays au-delà des apprentissages formels ? Quid des pratiques sociales et professionnelles ?
- la question des « autres » langues que les langues locales : il semble que depuis 15 ans l’enseignement du français, comme celui d’autres langues non locales historiquement se soit amenuisé, les départements de langues dites « étrangères », « européennes », « modernes », « immigrantes » (quels noms et dans quelles perspectives ?) ayant peu à peu disparu des universités sud-africaines, alors que dans la régions d’autres dynamiques s’installaient (cf. Chavale 2010 pour le Mozambique et Manyawu 2010 pour le Lesotho). Quelles catégorisations pour quelles langues (et locuteurs) ? Quels usages et quels objectifs ? Quelles perspectives universitaires pour faire avec la diversité des langues et la pluralité identitaire dans l’Afrique du Sud contemporaine ?
- Les pratiques du/des français se résument difficilement au parcours de ces « autres langues », notamment au regard des circulations francophones à travers le pays. Quels regards (littéraires, figuratifs, sociologiques, anthropologiques, historiques, philosophiques, artistiques, etc.) se construisent-ils au sujet de/avec ces circulations ? De quel(s) point(s) de vue ? sous quel(s) angle(s) épistémologiques ? Nous essayons en effet de croiser différents regards, ancrés diversement à travers le continent et les positionnements, sous l’angle des « rapports à l’altérité (en francophonies) » (Feussi 2023 : 21). En effet, Wynchank (1999), Everson (2005), Marie (2010) et Snyman (2010) développaient déjà l’intérêt de parler de ces Autres francophones pour mieux réfléchir sur soi dans les formations littéraires universitaires (Peigné 2010 ; Horne 2015 ; Vassilatos 2016). Comment les altérités francophones sont-elles mobilisées ?
- Ces circulations africaines francophones ne cheminent pas toujours sous l’égide d’une africanité commune accueillante comme le précisait Alexander (2010) en dépit du fait que notre réflexion prenne place au berceau même de l’Ubuntu : quelles constructions d’altérités en (et en relation à) l’Afrique du Sud prennent-elles forme actuellement ? Quels liens au reste du continent ? et au-delà ? Quels projets communs
entre langues d’Afrique du Sud et langues continentales et/ou extra continentales dans la veine de quelle(s) africanité(s) et/ou qu’est ce qui fait lien ? Comment, pour revenir notamment aux questions de recherche universitaires, et pour mieux en bénéficier pour se décentrer, se présentent ces réflexions contemporaines (post/dé-coloniales ou autres) et potentiellement francophones (Klinkenberg 2017, Feussi 2003) ?
Consignes pour la soumission des propositions
Les propositions de communication doivent s’inscrire dans l’une des thématiques du numéro spécial et répondre aux consignes suivantes.
Format de la proposition :
- Résumé en français de 5000 signes maximum (espaces compris) accompagné de 5 mots-clés, 5 références bibliographiques indicatives et un titre
- Nom prénom affiliation (institution et équipe de recherche, le cas échéant) + contact email (les propositions seront rendues anonymes pour l’évaluation par le CS)
- Les propositions d’articles sont à envoyer à l’éditrice invitée du numéro celine.peigne@inalco.fr avant le 1er aout 2025
Critères d’évaluation :
Pertinence pour le numéro spécial
Clarté de la problématique et du cadre théorique
Solidité méthodologique
Originalité et apport scientifique
Qualité de l’écriture et respect des normes académiques
Calendrier :
Publication de l’appel à contributions : 3 juin 2025
Propositions d’articles attendues avant le : 1 aout 2025
Retour aux auteurs (acceptation ou non de l’article proposé) septembre - octobre 2025
Envoi des articles complets : février 2026
Conformément au protocole de la revue, les contributions se feront en français (avec résumé en anglais), seul.e ou en collaboration. Dans des cas exceptionnels, et dument motivés, des contributions en anglais peuvent être acceptées – en accord avec la rédaction de FSSA.
CS de numéro :
ADJERAN Moufoutaou, Université d’Abomey-Calavi, Bénin
ARNOLD Markus, University of Cape Town, Afrique du Sud
De BEER Anna-Marie, University of Pretoria, Afrique du Sud
De MEYER Bernard, UKZN, Afrique du Sud
EVERSON Vanessa, University of Cape Town, Afrique du Sud
FEUSSI Valentin, Université d’Angers, France
FORLOT Gilles, INALCO, France
GROBLER Carina, North West University, Afrique du Sud
HORNE Fiona, University of Witwatersrand, Afrique du Sud
KAMWANGAMALU Nkonko, Howard University, Etats-Unis d’Amérique
NDOUR Emmanuel, University of Witwatersrand, Afrique du Sud
SIMON Diana Lee, Université de Grenoble, France
SNYMAN Elisabeth, North West University, Afrique du Sud
VIGOUROUX Cécile, University of Simon Fraser Canada
WILDSMITH-CROMARTY Rosemary, North West University, Afrique du Sud
Bibliographie indicative
Alexander Neville. 1999. English Unassailable but Unattainable: the Dilemma of Language Policy in South African Education. Keynote address for the 14th English Language Education Trust (ELET) Annual Conference for Teachers of English, Durban, 1999. Afrique du Sud : PRAESA, occasional papers n° 3. URL : http://web.uct.ac.za/depts/praesa/OccPap3.pdf [25 janvier 2010].
Balladon Francesca, Peigné Céline. 2010 (dir.). Le français en Afrique du Sud : une francophonie émergente ? French Studies in Southern Africa, n° spécial n°40.
Chavale Albino. 2010. « Politique linguistique du Mozambique à l’égard du français : progrès et défis ». In : Balladon F., Peigné C., 2010 (dir.), Le français en Afrique du Sud : une francophonie émergente ? French Studies in Southern Africa, n° spécial n°40 : 31-51.
Everson Vanessa. 2005. « Enseigner la littérature par le biais du transculturel : connaissance de soi, découverte de l’autre”. French Studies in Southern Africa, 35 : 1-26.
Feussi Valentin (dir.). 2023. Francophonies, crises et approches diversitaires des langues, CAS n° 23. Paris : L’Harmattan.
Horne Fiona. 2018. « La “décolonisation” des humanités en Afrique du Sud et les études françaises. Vers une redéfinition des frontières disciplinaires ». In : Fraisse Emmanuel (dir.) Les études françaises et les humanités dans la mondialisation. Chap. 7 : 107-119. Paris : L’Harmattan.
____ 2015. Cultures et représentations d'un champ disciplinaire en évolution : le cas de la littérature au sein des études franc̨aises à l'université en Afrique du Sud, thèse de doctorat des Universités du Kwazulu-Natal et de la Sorbonne Nouvelle - Paris 3, 2013, 570 p.
Kasanga L.A, Mathebula Patricia N. 1999. “French Studies in a Changing South Africa : Signposts”. Journal for Language Teaching/Tydskrifvir Taalonderrig, 34(2) : 146-156.
Kamwangamalu Nkonko M. 2002. Language policy and mother tongue education in South Africa : the cas for a market oriented approach. In : Georgetown University round table on languages and linguistics. Linguistics, Language, and the Professions: Education, Journalism, Law, Medicine, and Technology, 2000. URL: https://repository.digital.georgetown.edu/handle/10822/551457 [07.04.2025].
Klinkenberg, Jean-Marie. 2017. La francophonie comme idéologie. Mythes et réalités d’un discours sur la diversité culturelle. Revue de l’Université de Moncton, 48(1) : 11–39. URL : https://www.erudit.org/fr/revues/rum/2017-v48-n1-rum03452/1043559ar/ [11.04.2025].
Manwayu Andrew. 2010. « La politique linguistique du Lesotho : le cas de l’introduction officielle du français dans les écoles secondaires ». In : Balladon F., Peigné C., 2010 (dir.), Le français en Afrique du Sud : une francophonie émergente ? French Studies in Southern Africa, n° spécial n°40 : 53-68.
Marie Annabel. 2010. « Traiter de la diversité culturelle : le cas de la littérature francophone en classe de FLE ». In : Balladon F., Peigné C., 2010 (dir.), Le français en Afrique du Sud : une francophonie émergente ? French Studies in Southern Africa, n° spécial n°40 : 259-279.
Painter D. 2002. English Economies : Everyday Accounts of Language in South Africa. Paper presented at the 8th Annual Qualitative Methods Conference : « something for nothing », 1st may to 30st September 2002, 9 p. URL: http://criticalmethods.org/p114.mv [12 septembre 2008].
Snyman Elisabeth. 2010. L’écriture de soi pour promouvoir l’interculturel en classe de FLE : « les racines en Afrique, les feuilles sur l’univers », Le français en Afrique du Sud : une francophonie émergente ? French Studies in Southern Africa, n° spécial n°40 : 303-329.
VassilatoS Alexia. 2016. « Au croisement des cultures : Reine Pokou de Véronique Tadjo au niveau des études supérieures dans le contexte sud-africain ». French Studies in Southern Africa. 46 : 132-148.
Wynchank Annie. 1999. « Problématique de l’enseignement du français dans la société multiculturelle sudafricaine ». La Réunion : Alizés, 18 : 53-63.
Ce numéro spécial est rendu possible par l'AFSSA et l'URM 8202 SeDyL & IRD.
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