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Vieillissements (Fixxions n° 33, 2026, dir. Martine Boyer-Weinmann et Maïté Snauwaert)

Vieillissements (Fixxions n° 33, 2026, dir. Martine Boyer-Weinmann et Maïté Snauwaert)

Publié le par Léo Mesguich (Source : Sara Buekens)

Revue critique de fixxion française contemporaine n° 33, 2026 : "Vieillissements"

dirigé par Martine Boyer-Weinmann et Maïté Snauwaert

date limite des propositions de contribution : 1 décembre 2025

Depuis l’alerte lancée par Simone de Beauvoir dans son essai La vieillesse en 1970, de nombreuses publications, toutes disciplines et champs de recherche confondus (gérontologie, médecine, socio-anthropologie, philosophie, psychanalyse, démographie, économie, littérature, arts vivants...) n’ont cessé d’en démontrer l’audace et le défi pionnier. Elles ont, d’une part, prolongé sa dénonciation de l’âgisme, la maltraitance sous-jacente des sujets concernés et, de l’autre, souligné l’immense potentiel créateur contenu dans ce qui, loin de se réduire à une « épreuve » subie, devient, pour peu qu’on y porte attention, réserve sensible, ressource, matière à pensée, à reconfigurations et déplacements d’énergie d’un nouveau type. À travers l’expérience universelle quoique culturellement diverse du vieillir, c’est ce jaillissement des possibles d’invention, de réinvention ou de redéfinition des relations d’un soi au monde (Jane Sautière, Claudie Hunzinger), à la société (Annie Ernaux), à l’altérité (Camille Froidevaux-Metterie), ce travail de la “futurition” (V. Jankélévitch) au cœur de la finitude que le numéro 34 de Fixxion se donne pour objet de saisir en régime fictionnel d’écriture. Et ce, à partir de l’inscription du “sentiment de l’âge” (Beauvoir, Adler) ou du ressaisissement (Rose-Marie Lagrave, Se ressaisir, La Découverte, 2021) dans la bibliothèque francophone depuis 1980.

Ce numéro souhaite à ce double titre (francophonie, diversité) explorer plus avant un angle mort, ou du moins, plus invisibilisé, de la recherche sur le vieillir créateur en le “désoccidentalisant”, en l’observant au miroir littéraire récent de la tradition afro-culturelle empreinte d’oralité, où le vieillard incarne la sagesse en action et en paroles (Patrick Chamoiseau dans Le vent du Nord dans les fougères glacées qui met en scène un “Dernier maître de la Parole”). Ce décentrement permettrait d’envisager par là même les aspects politiques, notamment d’un point de vue postcolonial, d’une expérience universelle dont il faut prendre en compte l’historicité autant que les histoires intimes. De quelles manières, selon quelles inflexions régionales ou générationnelles, les héritiers contemporains du prix Nobel Hampâté Bâ, à travers sa référence à un dicton africain dans sa conférence de 1960 à l’Onu “en Afrique, quand un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui brûle”, abordent-ils dans leurs œuvres cette question de la mémoire des anciens ? (In Koli Jean Bofane, Fatou Diome) ?

Qu’il s’agisse, pour les écrivain.e.s de toute génération (que l’on pense aux primo-romancières Perrine Tripier, 24 ans, avec Les guerres précieuses, 2024 ou Joffrine Donnadieu, 30 ans, dans Chienne et louve, Gallimard, 2022) – puisque le vieillir est coalescent à l’existence –, de retracer ce mouvement parfois contrarié des désirs et des possibles à l’œuvre dans les corps et les (inter)subjectivités narratives, ou, à peine transposée, d’en expérimenter l’aventure personnelle à cru au vif de leur récit, surgissent immanquablement les mêmes questions : que fait l’âge de l’écrivain.e à son écriture en cours ? Existe-t-il un “âge tardif de l’écriture” (A. Compagnon dans La vie derrière soi, Fins de la littérature, Equateurs, 2021), un espace de possible renaissance, à distinguer de ce que Marie-Odile André, dans sa Sociopoétique du vieillissement littéraire, Figures du vieil escargot (Honoré Champion, 2015), nommait “l’âge littéraire des écrivains”, qui ferait redouter le “livre de trop” ou le “livre pour rien” mélancolique ? Peut-on recenser, dans l’espace littéraire contemporain, les “formes possibles d’infinir” (André) joyeuses ou joueuses, à l’instar de ce “vieil écrivain fait comme un rat dans le fort volume de ses œuvres complètes” dans le recueil Scalps d’Eric Chevillard (Fata Morgana, 2004) ?

Quand et comment alors raconter ce “sentiment de la vieillesse”, ou plutôt des vieillesses, tant elles nous sont plurielles et singulières, mais aussi son mode de connaissance spécifique et ardent, sa perception du réel, sa forme de vitalité énigmatique à soi, sans déni ni pathos, avec les armes et les ruses de l’art ?

Et pourquoi encore – hypothèse à conforter ou réfuter – l’exploration de cet “étrange pays” (Aragon) est-elle le plus souvent le terrain de jeu des autrices (matures !), ce qu’un recensement bibliographique rapide de la production francophone des vingt dernières années semble étayer, particulièrement nette en littérature québécoise (Denise Boucher, Louise Dupré, Marie-Pascale Huglo, Michèle Ouimet, Lise Tremblay, Jocelyne Saucier) ? À moins qu’il ne s’agisse d’une manière qualitativement différente, genrée dans ses nuances et modes d’apparition ( le départ en retraite de New York pour S. Doubrovsky, Un homme de passage, 2011), de (se) regarder “avoir tous les âges”, tantôt par ruptures et saccades, tantôt par mutation continue ; de (se) projeter avec ironie chez un Olivier Rolin sous le masque du bilan (Vider les lieux) comme son homonyme Dominique Rolin le faisait dans ses Les futurs immédiats ou encore Hélène Cixous dans Eve s’évade, dont une formule condense la vitalité paradoxale de l’extrême : “Vers la fin, le mystère de vivre est si fort qu’un presque rien chétif le garde florissant”.

Envisager la question du vieillir en littérature ne peut pas ne pas croiser d’autres sujets, à la lisière brûlante du sentiment du deuil et de la perte, de la mort imminente ou encore de la maladie. Mais, sans vouloir effacer cette vicinalité évidente, nous souhaitons privilégier la prise de l’objet vieillir dans le déploiement d’un devenir à l’œuvre, en création permanente, en pleine capacité à faire fruit du présent, entre injonction à (bien) “gagner la sortie” (A. Compagnon), recherche réfléchie d’infinir, épiphanies, découvertes et arpentage du “mystère de vivre”.

Les propositions souhaitées porteront soit sur l’observation diachronique d’une carrière d’écrivain.e dans la durée (2000-2024), avec étude rapprochée des inflexions tardives (late life, late style (Edward W. Saïd)) ou médianes, soit sur une œuvre romanesque spécifique, qui ferait matière de ces questionnements créatifs, soit d’une réflexion plus générale (illustrée par un corpus francophone récent) évoquant l’un des 6 thèmes suivants :

1) Gagner la sortie (Compagnon)/Vider les lieux (Rolin)

2) Formes possibles d’infinir : Penser/classer/désécrire ?

3) Mutation/conversion/ressaisissement/rupture dans le processus d’écriture

4) Pensée inventive de l’âge, à contre-courant ; intensité créative et urgence à faire

5) “Mystère de vivre” : Epiphanies et découvertes dans une perspective genrée

6) Ironie, humour, auto-dérision, atrabile, humeurs en lien avec le vieillir.

Pour chacune de ces orientations, une attention toute particulière sera portée aux littératures francophones actuelles émanant d’aires géographiques où le regard sur le vieillir, et notamment en création, se pose de façon “située”, dans son originalité voire sa subversion.

Échéance : 1 décembre 2025. Les propositions de contribution (environ 300 mots), portant sur les littératures françaises et francophones doivent être envoyées en français ou en anglais, à fixxion21@gmail.com

Après notification de la validation, le texte de l’article définitif (saisi dans le gabarit Word et respectant les styles et consignes du Protocole rédactionnel) est à envoyer à fixxion21@gmail.com avant le 15 juin 2026 pour évaluation.