Actualité
Appels à contributions
Représentations des souffrances de la figure maternelle dans la littérature occidentale du XXe s. à nos jours (revue Les Lettres romanes)

Représentations des souffrances de la figure maternelle dans la littérature occidentale du XXe s. à nos jours (revue Les Lettres romanes)

Publié le par Marc Escola (Source : Adrien Chiroux)

Appel à contributions pour le numéro 80 de la revue Les Lettres romanes

Représentations des souffrances de la figure maternelle dans la littérature occidentale du XXe siècle à nos jours

Comme l’a signalé E. Ann Kaplan dans son ouvrage Motherhood and Representation (1992), bien que la figure de la mère soit présente dans toutes les littératures depuis la nuit des temps, jusqu’à la fin du XXe siècle, seule une minorité d’ouvrages se consacre spécifiquement à l’analyse de ses représentations. Qui plus est, les quelques études qui s’y consacrent portent principalement sur le cas des « mauvaises mères », une conception indirectement héritée de l’Émile ou de l’éducation (1762) de Rousseau et au travers de laquelle la figure maternelle occidentale semble être (ré)envisagée. Le tournant du deuxième millénaire a toutefois rebattu certaines cartes : après la Révolution industrielle, la Première et Seconde Guerre mondiale, les différentes théories féministes ont également contribué à une réévaluation de la place des femmes, des mères et des maternités dans notre société. L’avènement de l’autobiographie, de l’autofiction et de la récente autothéorie a également ouvert de nouvelles portes aux récits féminins et aux récits sur la maternité. En témoignent les nouvelles orientations prises par l’étude des récits de filiations ainsi que le très récent colloque international « Autosociobiographies et autothéories des mères »  (Passau, 13/14 juin 2025) ayant rassemblé plus d’une trentaine de conférencier·ères.

Cependant, si les uns semblent souvent chercher à expliquer le comportement d’une mère « déviante » (parce que victime) tandis que les autres s’attachent essentiellement à travailler le discours des mères elles-mêmes sur la maternité, moins d’attention semble avoir été accordée à ce qui se situerait au croisement de ces différentes considérations, à savoir les représentations des souffrances de la figure maternelle par un autre qu’elle-même. S’intéresser à la mère comme objet du discours de l’autre (et non pas sujet et objet de sa propre énonciation) semble offrir un accès privilégié à une forme de description inconsciente – ou du moins, moins conscientisée – significative et porteuse dans le cadre de l’étude d’un imaginaire. Comme le souligne Marina Ortrud Hertrampf dans l’introduction de l’ouvrage collectif Mater Genetrix : les images de la mère dans la littérature contemporaine d’expression française (2024), la mère littéraire est un « “personnage esthétique’’ […] une qualité fictionnelle qui reflète la notion d’une maternité imaginée » (p. 2). C’est effectivement en elle que se rencontrent et se cristallisent la « psychoanalytical mother » (sa représentation inconsciente) et l’ « historical mother » (sa construction sociétale) pour reprendre les différentes catégories proposées par Kaplan. Loin de nier l’intérêt et la pertinence des récits des mères sur leur propre maternité, cet appel à contributions se pose plutôt dans la continuité et dans la complémentarité avec ce type de productions. Il vise à proposer une autre sensibilité, une autre subjectivité, une autre démarche d’écriture. On pensera ainsi, entre autres, à des œuvres aussi variées que To the Lighthouse (1927) de Virginia Woolf, Un barrage contre le Pacifique (1950) de Marguerite Duras, La Promesse de l’aube (1960) de Romain Gary, Wunschloses Unglück (1972) de Peter Handke, Une femme (1988) d’Annie Ernaux et, plus récemment, Combats et métamorphoses d’une femme (2021) d’Édouard Louis ou encore Le Bon Denis (2025) de Marie Ndiaye. Ce numéro thématique des Lettres romanes a cependant également pour vocation de mettre en lumière certaines œuvres méconnues ou plus rarement envisagées sous l’angle proposé.

Plus spécifiquement, ce numéro souhaite se concentrer sur les représentations des souffrances issues du conflit se jouant entre « la femme » et « la mère », pour reprendre les composantes du titre de l’ouvrage d’Élisabeth Badinter. Autrement dit, sur les représentations d’une souffrance qui serait liée à l’inadéquation entre les désirs d’un individu singulier, libre et autonome et les injonctions intériorisées liées à une certaine conception de la maternité. De façon étonnante, ces conflits au sein de la vie psychique et politique de la mère ne sont pas souvent pris en compte dans les études portant sur sa représentation, alors qu’ils se font cycliquement aigus.

Ce numéro des Lettres romanes (revue classée A) cherche ainsi des contributions, rédigées en français, de préférence dans une perspective comparée, analysant :

·       Les représentations des souffrances de la figure maternelle (plus spécifiquement celles issues du conflit « femme / mère ») ;

·       Dans des fictions ou des récits autobiographiques ;

·       De langues romanes (le comparatisme avec d’autres langues est toutefois bienvenu) ;

·       Du début du XXe siècle à nos jours ;

·       Par des auteurs ou autrices occidentaux.

N.B. Les contributions interdisciplinaires (sociologie, anthropologie, psychologie/psychanalyse, etc.) sont les bienvenues.

Les contributions pourraient, par exemple, explorer les traits communs (ou non) de ces représentations selon la période, le lieu, ou même le genre de l’auteur. De même, les contributions pourraient analyser les similitudes et différences entre les récits de mère sur leur propre situation avec des récits où ces expériences sont présentées par un autre qu’elle-même.

·       Les abstracts (d’environ 500 mots, accompagnés d’une notice biographique d’une dizaine de lignes) sont à envoyer à adrien.chiroux@uclouvain.be pour le 15 août 2025 au plus tard.

·       Les retours du comité scientifique arriveront fin août/début septembre.

·       Attention : veuillez noter qu’après la sélection, l’article complet (40.000 signes, espaces compris) sera attendu pour le 10 novembre 2025 au plus tard.

·       Le retour des reviewers arrivera début janvier 2026.

·       Les éventuels changements à réaliser seront attendus pour fin février 2026 au plus tard.

----

Bibliographie sélective :

Andrin Muriel, Loriaux Stéphanie & Obst Barbara (dir.), M comme mère, M comme monstre, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 2015.

Badinter Élisabeth, Le Conflit : la femme et la mère, Paris, Flammarion, 2010.

Caute Adeline, Maternité et sacrifice dans le récit au féminin français, québécois et américain (1945-1968), Paris, Classiques Garnier, 2018.

Douglas Susan J. & Michaels Meredith W., The Mommy Myth: The Idealization of Motherhood and How It Has Undermined All Women, New York (N.Y.), Free Press, 2004.

Dufourmantelle Anne, La Femme et le sacrifice : d’Antigone à la femme d’à côté, Paris, Denoël, 2007.

—, La Sauvagerie maternelle, Paris, Calmann-Levy, 2001.

Hertrampf Marina Ortrud M., « Mater genetrix ?! Une introduction aux images de la mère dans la littérature contemporaine d’expression française », Mater Genetrix : Les images de la mère dans la littérature contemporaine d’expression française (dir. Marina Ortrud M. Hertrampf),  Berlin, De Gruyter, 2024, p. 1-12.

Hertrampf Marina Ortrud M. (dir.), Mater Genetrix : Les images de la mère dans la littérature contemporaine d’expression française, Berlin, De Gruyter, 2024.

Kaplan E. Ann, Motherhood and Representation: The Mother in Popular Culture and Melodrama, London, Routledge, 1992.

Knibiehler Yvonne, Histoire des mères et de la maternité en Occident, Paris, PUF, 2000.

—, La Révolution maternelle : femmes, maternité, citoyenneté depuis 1945, Paris, Perrin, 1997. 

Knibiehler Yvonne & Sagaert Martine, Les Mots des mères : du XVIIe siècle à nos jours : histoire et anthologie, Paris, Robert Laffont, 2016.