
Le monde contemporain est saturé d’images, d’informations, de fictions. Tout s’expose, selon la logique du capitalisme attentionnel. Le hors-champ échappe à ce flux et ce diktat de visibilité : il est ce que l’image ne montre pas mais vers lequel elle fait signe grâce à une série d’indices visuels, sonores ou narratifs. Marie Kondrat en fait la démonstration dans Le Hors-Champ. Extensions d'un lieu qui paraît dans "La librairie du XXIes." au Seuil : il n’est donc ni un manque ni une marge mais un élément essentiel de tout dispositif de représentation du réel. Transposé des arts visuels au domaine de l’écriture, le hors-champ déploie sa puissance esthétique comme politique. Il est un lieu dans lequel se trament des ellipses et des silences mais aussi d’autres manières de dire et donner à voir. Là s’affirme une poétique du récit, épousant les fantômes et chaos de l’Histoire. Figuration paradoxale de l’irreprésentable, le hors-champ n’est pas uniquement une résistance à la surproduction culturelle et médiatique mais bien un révélateur. Il nous enseigne que "représenter est tout sauf montrer".
(Illustr. : La Zone d'intérêt, Jonathan Glazer, 2024)