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Appels à contributions
Réformer la religion, la morale et la société en Afro-Eurasie. Traditions intellectuelles et culturelles en mouvement au XVIIIe s. Séminaire international des jeunes dix-huitiémiste de la Société Internationale d'Étude du Dix-huitième Siècle (SIEDS)

Réformer la religion, la morale et la société en Afro-Eurasie. Traditions intellectuelles et culturelles en mouvement au XVIIIe s. Séminaire international des jeunes dix-huitiémiste de la Société Internationale d'Étude du Dix-huitième Siècle (SIEDS)

Publié le par Marc Escola (Source : Eric Négrel)

Les études dix-huitiémistes ont longtemps supposé, implicitement ou explicitement, que les contacts entre les cultures européennes, africaines et asiatiques n’eurent pas d’impact intellectuel et culturel significatif avant l’époque contemporaine. Dans les récits savants sur les Lumières, l’interaction avec la pensée non européenne au cours de la première modernité a sa place depuis longtemps, mais elle a surtout été perçue – comme dans la thèse du « choc de la découverte » – comme le déclencheur d’un processus qui a ébranlé les certitudes européennes. Dans la seconde moitié du 20e siècle, la recherche a mis l’accent sur les processus d’altérisation (othering) plutôt que sur les circulations, les réceptions et les traductions. Toutefois, depuis quelques décennies, les chercheurs et chercheuses apprécient beaucoup mieux l’impact profond que les contacts transculturels et transreligieux eurent sur les développements intellectuels et culturels avant l’impérialisme européen contemporain en Afro-Eurasie. Trois courants de la recherche furent particulièrement significatifs à cet égard : tout d’abord, la recherche a replacé l’élaboration des connaissances au 18e siècle dans la longue durée de l’érudition chrétienne, prenant ses distances face au récit postulant une sécularisation des visions du monde. Deuxièmement, elle a mis l’accent sur la mobilité des personnes et des objets, en particulier des livres manuscrits, révélant l’ancrage des nouvelles perceptions du monde dans les circulations matérielles. Troisièmement, les chercheuses et chercheurs ont pris plus au sérieux l’ensemble des participants aux interactions intellectuelles, brossant le portrait d’un monde non pas divisé entre les penseurs et leurs informateurs ou intermédiaires, mais plutôt un monde dans lequel la connaissance était coproduite par un échange interculturel entre des acteurs variés.

Le séminaire jeunes chercheurs et chercheuses de la SIEDS vise à contribuer à ce renouveau en interprétant les changements culturels et intellectuels comme des réponses aux connectivités croissantes dans le monde de la première modernité. Pour les besoins du séminaire, nous nous concentrerons sur les interactions entre ce que nous appelons les « visions du monde transcendantalistes », à savoir les systèmes religieux et/ou éthiques universalistes qui ont prévalu dans de larges parties de l’Afro-Eurasie depuis l’antiquité. La domination multiséculaire de systèmes éthiques universalistes du Japon au Portugal et à l’Afrique de l’Ouest suggère un dialogue intensif le long des nombreuses routes reliant les régions du monde avant l’époque contemporaine. Des études récentes ont porté l’accent sur la circulation du millénarisme en Eurasie, mais l’étude des circulations est tout aussi pertinente pour de nombreux types de mouvements de réforme religieuse et éthique particulièrement influents au 18e siècle, comme le rigorisme moral, le mysticisme ou la quête d’une religion plus rationnelle et d’une société fondée sur des principes naturels. Adopter une échelle afro-eurasiatique peut contribuer à provincialiser l’Europe en plaçant les idées répandues du Portugal à la Russie dans un contexte géographique et chronologique plus large.

Dans le cadre de ce séminaire au caractère d’atelier, nous souhaitons donc poser les questions suivantes :

  • Comment la réception des pensées religieuses et éthiques universalistes et des langages symboliques étrangers s’est-elle développée au cours de l’époque moderne, et en particulier au dix-huitième siècle ? Et comment a-t-elle façonné les développements culturels et intellectuels dans diverses parties de l’Afro-Eurasie à cette époque ?
  • Quelles étaient les conditions de l’appropriation de pensées et symboles religieux et éthiques étrangers en Afro-Eurasie ? Quelles circulations – de personnes, d’objets, de textes, de symboles ou d’images – ont donné naissance à ces appropriations ? Quels outils conceptuels – par exemple, les comparaisons, les analogies, les traductions – ont joué un rôle dans la médiation entre les traditions ? Comment les similitudes entre les systèmes religieux et éthiques ou les traditions intellectuelles partagées ont-elles impacté les circulations ? Quels transferts pouvons-nous identifier à la fois dans l’espace et dans le temps ? Quels sont les idées, les artefacts culturels et les symboles qui n’ont pas circulé et pour quelles raisons ?
  • Dans quelle mesure peut-on observer des développements similaires de la pensée et de la culture dans différentes régions de l’Afro-Eurasie au 18e siècle ? Peut-on identifier des tendances semblables dans le réformisme politique ou moral, ou des notions similaires dans différentes cultures et religions ? Est-il utile de parler de Lumières eurasiatiques ?