
Les modernités de Voltaire
Colloque international organisé par le Laboratoire de Recherche École et Littératures (LAREL) du 16 au 17 avril 2026
Faculté des lettres et des sciences humaines de Sousse, Université de Sousse, Tunisie
Aucun homme de lettres français n’est autant invoqué que Voltaire dans l’actualité. Ses combats pour la tolérance et la liberté d’expression, contre l’injustice et le fanatisme religieux n’ont rien perdu de leur pertinence, ainsi que l’a démontré le succès en librairie de son Traité sur la tolérance (1763) après les attentats de 2015. Si être moderne, comme le souligna en son temps Michel Foucault, consiste d’abord à entretenir un certain mode de relation à l’actualité, à « réfléchir sur l’actualité »[1], Voltaire est l’homme de lettres moderne par excellence. En effet, la modernité est un concept désignant l’idée d’agir en conformité avec son temps et non plus en fonction de valeurs considérées comme dépassées : être moderne, c’est d’abord être tourné vers l’avenir. Le Moderne n’est pas seulement le contemporain, l’actuel, il ne se confond pas avec le nouveau ou le présent ; avant d’être une époque, la Modernité est un « esprit », une entreprise individuelle et sociale de libération par rapport aux diverses tutelles qui maintiennent l’humanité dans un état d’hétéronomie : la tutelle spirituelle, morale et scientifique de l’Église, la tutelle politique et économique de la monarchie, et même la tutelle esthétique des Anciens. Last but not least, Voltaire a été l’un des premiers à se positionner en faveur d’une simplification et d’une clarification de la langue française, dans un souci de précision et de compréhension. Sa tentative de réforme de l’orthographe et la grammaire pour les adapter aux nécessités de son époque participe directement à sa volonté de libérer l’esprit humain des entraves du dogmatisme et de l’obscurantisme. Avec Voltaire, la Modernité sort définitivement des cadres de la tradition qu’elle avait pu conserver, pour s’engager sur la voie de l’État moderne et de la civilisation du commerce, pour défendre la liberté de conscience et la suprématie des sciences physico-mathématiques. Dans sa lutte en faveur de l’émancipation progressive à l’égard des contraintes qui pèsent sur l’humanité, Voltaire a mis le feu aux structures vermoulus de l’Ancien régime, défendant l’idée que les hommes doivent concevoir la politique en fonction de critères rationnels et non plus, comme par le passé, en fonction de considérations aristocratiques, religieuses ou théologiques. Très lié aux idées d’émancipation, d’évolution, de progrès et d’innovation, le concept de modernité incarné par Voltaire constitue l’opposé des idées d’attachement au passé, d’immobilisme et de stagnation ; il valorise la culture et la connaissance rationnelle triomphant des superstitions, des préjugés et du dogmatisme, et assurant la marche de l’humanité dans le sens du perfectionnement moral et du bonheur.
Étudier de manière critique le thème de la modernité et de l’actualité de Voltaire, de l’artiste et du penseur, consisterait à explorer, entre autres, les axes suivants[2] :
- Voltaire et la littérature : ses innovations littéraires ; Voltaire réformateur de la langue et de l’orthographe françaises ; Voltaire historiographe
- Voltaire maître à penser des Lumières : sa propagation en France de la philosophie et de la science anglaises ; sa critique des systèmes ; ses combats contre le fanatisme et l’intolérance et en faveur de la liberté de penser et la liberté d’expression
- Voltaire réformateur : son éloge du progrès et du commerce ; Voltaire entrepreneur ; ses prises de position contre la peine de mort et pour une justice moderne ; Voltaire et le végétarisme ; Voltaire féministe ?
- Actualité et modernité de Voltaire aujourd’hui : le triomphe de ses idées après 1789 ; l’actualité de ses combats à travers le monde ; quelle place pour l’intellectuel engagé dans la société moderne ?
- Les limites de sa modernité : Voltaire est ancien et moderne à la fois : d’une part, il est resté foncièrement attaché au « siècle » de Louis XIV et n’a pas vu venir certaines évolutions ; d’autre part, il est trop ancré dans l’actualité la plus immédiate pour que ses « fusées volantes » aient pu passer le temps ; enfin, Voltaire n’était ni un démocrate ni un révolutionnaire, il n’avait qu’un amour modéré de l’égalité et ne cherchait pas à éduquer le peuple
Modalités de soumission
Les propositions de communication de 300 mots avec une brève notice bio-bibliographique (100 mots maximum) seront envoyées à Nizar Ben Saad (bensaadnizou@yahoo.fr) et Gerhardt Stenger (gerhardt.stenger@univ-nantes.fr) avant le 31 décembre 2025.
[1] Michel Foucault, « Qu’est-ce que les Lumières ? », dans Dits et Écrits, tome IV, 1984, p. 562-578.
[2] Avant d’accuser Voltaire de misogynie, d’homophobie, d’islamophobie, de racisme ou d’antisémitisme, on est prié de jeter un coup d’œil sur le site de la Société Voltaire où ces questions sont traitées de manière (quasi-)définitive et sans a priori coupable : https://societe-voltaire.org/cqv/