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Représenter l’avortement. Arts de la scène, cinéma, littérature (Poitiers)

Représenter l’avortement. Arts de la scène, cinéma, littérature (Poitiers)

APPEL À COMMUNICATIONS

COLLOQUE INTERNATIONAL 

Représenter l’avortement : Arts de la scène, cinéma, littérature

Université de Poitiers, 19-20-21 novembre 2025


Why weren’t there things like [abortions] in novels - oh yes, there were dreadful things enough in novels, but they only happened to poor girls – ignorant and reckless girls. 

F. Dell, Janet March, New-York, Knopf, 1923, p. 211.


Quel écœurement. Il n’y a rien pour moi là-dedans sur ma situation, pas un passage pour décrire ce que je sens maintenant, m’aider à passer mes sales moments. Il y a bien des prières pour toutes les occasions, les naissances, les mariages, l’agonie, on devrait trouver des morceaux choisis sur tout, sur une fille de vingt ans qui est allée chez la faiseuse d’anges, qui en sort, ce qu’elle pense en marchant, en se jetant sur son lit. Je lirais et je relirais. Les bouquins sont muets là-dessus.

A. Ernaux, Les Armoires vides, Paris, Gallimard, 1974, p. 13.

 

Dans Les Armoires vides, paru vingt-cinq ans avant son célébrissime L'Événement, Annie Ernaux fait état du désarroi d’une jeune protagoniste désireuse d’interrompre sa grossesse. Alors que cette dernière poursuit ses études de lettres, elle constate combien l’avortement reste un terrain à investir pour la littérature, qui semble disposer de textes pour tout – sauf pour cela. Depuis la parution des Armoires vides, la littérature mais aussi les arts de la scène, le cinéma et les séries se sont montrés bien moins muets que ne le craignait la narratrice d’Annie Ernaux. D’une part, plusieurs études ont montré qu’il était possible de faire une histoire littéraire et culturelle de l’avortement en retraçant une présence textuelle, scénique et audiovisuelle ancienne du motif. L’impression d’un mutisme à l’écran, à la scène et dans les textes doit alors être attribuée en partie à la surdité de la critique et de la recherche, qui ne se seraient finalement que peu intéressées aux représentations disponibles. C’est ce que peuvent notamment montrer, pour la littérature, les travaux de Carla Robison, qui mettent en lumière le riche corpus d'œuvres romanesques traitant du sujet dans les décennies précédant sa dépénalisation. D’autre part, dans le sillage des luttes pour la liberté reproductive et de la dépénalisation progressive de l’IVG dans de nombreux États, les récits et représentations d’avortement se sont à la fois multipliés et généralisés. Dans le contexte audiovisuel, par exemple, bien que les représentations teintées de rejet moral ne manquent toujours pas (Conte, Gallepie & Morel), on en trouve désormais plus aisément des contrepoints, qui contribuent à réinsérer l’acte dans l’ordinaire des existences féminines (Siejka). À l’occasion du 50e anniversaire de la promulgation de la loi Veil en France, ce colloque propose de revenir sur les représentations passées et contemporaines de l’avortement dans le monde.

Au fondement de ce projet réside un désir de dépasser une approche de l’avortement comme tabou, approche qui considérerait l’avortement comme relevant d’un strict indicible social que viendraient bouleverser les fictions et témoignages. Cette approche, pertinente dans un certain nombre de cas, ne résiste pas toujours à l’analyse du large corpus d’objets (cinématographiques, scéniques, textuels) traitant du sujet et que ce colloque sera l’occasion d’investiguer collectivement.

Les propositions pourront s’inscrire dans ou à la croisée des axes suivants (mais pas exclusivement) :

Axe 1 : Récits et représentations en lutte

Les représentations de l’avortement – dans leurs modes, leurs fréquences et leurs enjeux – sont naturellement liées au contexte social et légal qui les voit naître. Ainsi, les luttes pour la dépénalisation de l’avortement ont charrié avec elles un riche corpus cinématographique (Y’a qu’à pas baiser, Carole Roussopoulos, 1971 ; Histoires d’A, Marielle Issartel et Charles Belmont, 1973), scénique et performatif ou littéraire en défense des libertés reproductives. En outre, les attaques contemporaines contre l’accès à l’IVG continuent à rendre nécessaires des luttes littéraires et artistiques, qui peuvent prendre la forme de témoignages (If These Walls Could Talk, HBO, 1996 ; Paroles d’avortées : Quand l’avortement était clandestin, Xavière Gauthier, 2004 ; Dix-sept ans, Colombe Schneck, 2015 ; Il fallait que je vous le dise, Aude Mermilliod, 2019 ; Avortée : une histoire intime de l’IVG, Pauline Harmange, 2022 ; Cher Blopblop : Lettre à mon embryon, Léa Castor, 2022 ; Il suffit d’écouter les femmes, Sonia Gonzalez & Bibia Pavard, 2025), de fictions historiques revenant sur l’histoire des luttes pour le droit à l’avortement (4 mois, 3 semaines, 2 jours, Cristian Mungiu, 2007 ; Le Choix, Désirée Frappier, 2015 ; Annie Colère, Blandine Lenoir, 2022) ou des circonstances qui les ont précédées (Vera Drake, Mike Leigh, 2004 ; L’Événement, Audrey Diwan, 2019) ou de dystopies reproductives (The Handmaid’s Tale, Margaret Atwood, 1985 ; Ecarlate, Hillary Jordan, 2013 ; Les Heures rouges, Leni Zumas, 2018). Au théâtre, on compte depuis quelques années un grand nombre de spectacles qui prennent en charge la question de l’avortement à partir de l’histoire de sa légalisation. La figure de Gisèle Halimi, emblématique, inspire les metteuses en scène à créer des formes intimes, légères et.ou à petite distribution (un duo pour Lena Paugam, Gisèle Halimi, une farouche liberté, 2022 ou un seule en scène Gisèle Halimi, Défendre ! avec Alice Geairon, cie l’ouvrage). Pour Estelle Meyer, c’est une rencontre fictive entre elle et l’avocate qui crée la trame de Niquer la fatalité en 2023. Il faudra s’interroger sur la récurrence de cette figure.

Pour la compagnie Les Maladroits, la lutte pour le droit à l’avortement, entre autres quêtes de libertés des années 1960 et 1970, marque la vie narrée à la poussière de craie du personnage de Colette dans Camarades (2025). Le récit intime, incarné, se mêle à l’objet autant qu’au document, et la scène devient le lieu de l’exposition de l’archive qu’elle soit textuelle, sonore ou visuelle. L'événement historique devient la matière première de dispositifs exigeants, pluriels, qui ré-interrogent le rôle du théâtre comme espace du discours (didactique peut-être) où l'histoire et la mémoire se donnent à entendre au présent. La forme déambulatoire et participative de Reconstitution : Le Procès de Bobigny (2019), proposée par Émilie Rousset et Maya Boquet est à ce titre exemplaire. Exhibant la dimension théâtrale du procès, elle permet le dialogue et ouvre l’espace possible du débat. Citons également Hors la loi de Pauline Bureau (2019) pour la Comédie Française et le récent The Aborrrtion Ship (2025) de la compagnie Stadios.

À l’inverse, comme l’a rappelé récemment la diffusion du film Unplanned (Cary Solomon et Chuck Konzelman, 2019) sur C8, les mouvements pro-choice ont déployé au fil de l’histoire leurs propres représentations anti-abortives dans le cadre de leurs luttes. Comme le montrent notamment Meg Gilette et Karen Weingarten, la prohibition de l’avortement s’est toujours accompagnée d’une littérature anti-abortive qui prend en charge la représentation du geste dans l’optique d’en montrer l’horreur. Le discours anti-abortif peut également prendre une forme moins austère ou sensationnaliste, plus susceptible aussi d’être diffusé à grande échelle. Que l’on pense notamment, dans le domaine musical, au très célèbre « Murder She Wrote », morceau classique du dancehall jamaïcain dont le rythme dansant a eu tendance à camoufler le caractère profondément anti-abortif d’un texte où sont explicitement associés interruption de grossesse et meurtre. 

Des approches transhistoriques et mondiales permettront par ailleurs de rappeler que ces luttes dépassent largement le seul conflit entre pénalisation et dépénalisation de l’avortement. De fait, les travaux portant sur les enjeux coloniaux et raciaux de la reproduction nous rappellent combien l’encadrement de l’avortement a été fluctuant et hétérogène en fonction des catégories sociales et raciales auxquelles étaient assignées les femmes. Comme l’illustrent Sophie Adriansen et Anjale dans leur BD Outre-mères, les lois prohibant l’IVG dans l’Hexagone s’accommodèrent aisément de la pratique d’IVG non-consenties à la Réunion (Paris ; Vergès). Le théâtre choisit ainsi parfois la subversion des rôles et les zones troubles pour laisser percevoir l'ambiguïté des situations. Ainsi, dans l’avant-dernière scène (« enceinte ») de La Réunification des deux Corées (2013), Joël Pommerat installe un dialogue de sourd·es entre une future mère en situation précaire, manifestement amoureuse d’un homme violent, et un professionnel d’un établissement médico-social qui cherche à l’inciter à avorter. Si l’une est sereine et en appelle à l’amour qui la transporte, l’autre perd peu à peu son calme dans une escalade absurde qui le mène à cette injonction : « Bon, quand est-ce qu’on avorte Annie ?? ». En ce sens, les enjeux politiques de ces représentations dépassent la seule question des libertés reproductives et il sera opportun de convoquer, aussi, les luttes en faveur de la justice reproductive (Ross) et les points de croisement entre pensée de l’avortement et conceptions eugénistes (English).

Axe 2 : Représenter le corps avorté : stratégies figuratives

Les usages militants des représentations de l’avortement dans le cadre de luttes pro ou anti-abortives sont sous-tendues par des stratégies figuratives variées ayant parfois essaimé jusque dans les œuvres de fiction. Toute mise en scène de l’avortement charrie avec elle des enjeux formels lourds de conséquences éthiques et politiques :  faut-il opter pour une figuration explicite ou implicite de l’acte abortif ? Le raconter par les mots ou le montrer sur scène ou à l’image ? On se souvient ainsi du scandale causé par l’interruption du spectacle The Years de la metteuse en scène Eline Arbo (d’après Annie Ernaux) au Almeida Theatre de Londres à l’été 2024. Une scène d’avortement jugée trop explicite avait provoqué le malaise de quatre spectateurs. De même, quelle place accorder à l’embryon ou au fœtus dans les représentations : l’escamoter, l’humaniser ? Comment prendre en charge la diversité des expériences parfois contradictoires associées à l’avortement sans les exagérer ou les banaliser : trauma ou émancipation, choix ou contrainte, soin collectif ou solitude ? 

Les propositions de communication pourront s’intéresser, par exemple, à la manière dont les documentaires réalisés au début des années 1970 ont cherché à dédramatiser l’avortement en le figurant de manière à la fois explicite et sobre, en encadrant la monstration de l’acte médical par le discours pédagogique de praticien·nes et les témoignages des patient·es. À l’inverse, les stratégies spectaculaires déployées des films anti-avortement comme ceux de Bernard Nathanson (The Silent Scream, 1984 ; Eclipse of Reason, 1987) sont à l’origine de représentations choquantes et horrifiques de l’acte abortif, dépeignant l’avorton comme un enfant assassiné, qui ont pu infuser le cinéma grand public, tel le foetus parlant qui hante les souvenirs de Marilyn Monroe dans Blonde (Andrew Dominik, 2022). Ce déplacement vers le mode horrifique a pu être l’occasion, en  contrepoint, d’insister sur le trauma de la grossesse non désirée (Prometheus, Ridley Scott, 2012) ou de raviver la réalité tragique des avortements pratiqués illégalement (L’Événement, Audrey Diwan, 2019 ou Revolutionary Road, Sam Mendes, 2008). Les nombreuses scènes d’accouchement que comptent les spectacles d’Ilka Schönbein, par exemple, mettent en jeu une danse de vie et de mort mêlés. Comme l’expose Oriane Maubert, l’usage de la marionnette fait se superposer apparition et disparition, naissance et mort. « L’objet immobile qui apparaît devient la marionnette en mouvement, chargée des tensions de la douleur de l’enfant né, mort-né ou jamais venu » (Percées, 2003).

À l’inverse de ces représentations spectaculaires, l’avortement a souvent été euphémisé, installé au cœur des récits comme un motif à déchiffrer du fait des répressions morales ou légales, susceptibles de pousser les créateur·ice·s à ne le représenter qu’en diagonale ou en sourdine (édulcoration, double-sens, renvoi au hors-champ ou au hors-scène, etc.). On pourra donc porter son attention sur les diverses stratégies déployées pour ne pas montrer ou ne pas nommer l’avortement et aux conséquences de ce passage sous silence. Lorsque l’avortement est subsumé sous le général ou partiellement voilé par des expressions euphémisantes, il est en effet susceptible de passer inaperçu – tout en restant identifiable par certaines catégories d’audiences. C’est ainsi, par exemple, que Ernest Hemingway fit le choix de la métaphore pour évoquer l’avortement dans sa nouvelle « Hills Like White Elephants » (1927), ce qui ne l’empêcha pas de préférer la parution dans un magazine d’avant-garde à une diffusion grand public, conscient des frictions que ne manquerait pas de susciter le percement de la métaphore par ses lecteur.ice.s (Gillette, p. 666). C’est le cas aussi dans les films tournés à Hollywood pendant la période classique, dans lesquels un billet donné par un homme à une femme (Smart Money, Alfred E. Green, 1931) ou un mystérieux voyage à Cuba (Ann Vickers, John Cromwell, 1933) suffisent à suggérer ce qui n’est pas montré ; à l’inverse, la chute volontaire d’une femme enceinte dans les escaliers (Leave Her to Heaven, John M. Stahl, 1945) est montrée, mais pas nommée comme une tentative d’avortement. Dans certaines œuvres contemporaines, que le choix d’avorter ne soit jamais véritablement envisagé comme une possibilité par les protagonistes pose question – voir En cloque, mode d’emploi (Knocked Up, Judd Apatow, 2007) ou Juno (Jason Reitman, 2007).

Axe 3 : Avortons, avortées, avorteuses : significations métaphoriques du motif

Ces réflexions, qui associent interrogations esthétiques et étude du motif abortif, semblent d’autant plus pertinentes que l’avortement a été régulièrement mobilisé comme métaphore des heurts de la création artistique. C’est ainsi, selon Christina Hauck, que l’avortement a pu apparaître comme un motif utile pour représenter et discuter le mouvement moderniste dans l’oeuvre de T. S. Eliot (Hauck, 2003) ou que le motif abortif a été lue, chez William Faulkner, comme une « métaphore de la stérilité spirituelle » (Urgo). Au-delà des discours sur les luttes pour le droit à l’avortement, le motif abortif et les figures de l’avorton, de l’avortée ou de l’avorteuse ont donc été souvent mobilisés de manière métaphorique dans les productions culturelles, charriant d’autres significations que celles de l’acte lui-même. Le motif est ainsi fréquemment associé à la pauvreté et la misère sociale (Cyanide, Hans Tintner, 1930 ; The Abortion, Eugene O’Neill, 1914), soit pour dénoncer les inégalités sociales touchant les femmes face à la question de l’avortement (Kreuzzug des Weibes, Martin Berger, 1926 ; Misères de femmes, joies de femmes, Édouard Tissé, 1930), soit en soutien à des politiques de contrôle des naissances chez les classes populaires et au-delà (Where Are My Children?, Lois Weber, 1916). Il est également chargé de lourdes connotations morales : il est ainsi fréquemment envisagé comme objet d’investigation criminel dans des films policiers comme Histoire de détective (William Wyler, 1951) ou Les Mauvaises Rencontres (Alexandre Astruc, 1955) ou comme moteur de condamnation ou de rédemption pour des personnages de femmes pécheresses (The Road to Ruin, Dorothy Davenport & Melville Shyer, 1934) ou d’hommes séducteurs (Alfie le dragueur, Lewis Gilbert, 1966). 

Il peut également servir de support à des réflexions ontologiques et politiques plus générales, l’avorton représentant par exemple le sujet postcolonial historiquement empêché comme dans Tisser (Raharimanana, 2021) ou Mon frère (Kincaid, 1997). Dans une perspective comparable, chez Beckett, la figure de l’« homoncule », qui apparaît dans la trilogie Molloy, Malone Meurt et L’Innommable (1947-1953) représente ce petit avorton. C’est une créature hybride entre homme et animal, humain et non-humain où « rôde l’angoisse de la déshumanisation» (Grossman, 2004). Les corps beckettiens, putréfiés dans les premiers textes, se voient minéralisés dans les textes plus tardifs (Le Dépeupleur, 1970). On retrouve un imaginaire du Golem ou de l’infra-humain, à ce stade embryonnaire de l’avant-naissance (« j’ai renoncé avant de naître », Pour finir encore, 1976). Le rythme brisé, la cadence syncopée, le spasme énonciatif d’une narration qui peine à s’écrire, le texte tout entier mime dans sa syntaxe et son dispositif phonique la lutte d’un sujet pour se dire (Not I, 1972).

Axe 4 : Représentations de l’avortement et épistèmè abortives

Ce colloque pourra, enfin, être l’occasion d’analyser l’avortement par le prisme des épistémés que ces représentations mettent en lumière. En effet, face au (petit) demi-siècle de dépénalisation et à l’hétérogénéité des législations dans le monde, l’immense majorité des avortements pratiqués dans l’histoire le furent en dehors d’un cadre médical et sans intervention de professionnel·les de santé. Dans ce contexte, films, performances et textes offrent aussi à lire la permanence et la transmission de ces savoirs féminins sur les corps, circulant tantôt entre paires, tantôt d’une génération à la suivante, et offrant des recours pratiques à la prohibition légale ou aux violences médicales. C’est ainsi, par exemple, que Regarde, elle a les yeux ouverts de Yann Le Masson (1980) ou Annie Colère (Blandine Lenoir, 2022) nous donnent à voir l’application de ce soin collectif, alternatif, traversé d’horizontalité que défendit sans relâche le MLAC (Mouvement pour la Liberté de l’Avortement et de la Contraception) ; ou que Portrait de la jeune fille en feu (Céline Sciamma, 2019) met en scène l’avortement comme une expérience de la sororité où la transmission de savoirs entre femmes transcende les hiérarchies sociales. À l’inverse, nous pourrons nous questionner ici sur les défis posés par les lois qui, à l’instar de celle du 31 juillet 1920 interdisant en France toute « propagande anticonceptionnelle », menacent de considérer toute représentation comme une promotion, voire comme un manuel pratique. Comment, dans ce contexte, parler d’avortement sans avoir l’air d’en instruire lecteur·rices et spectateur·rices ? Par ailleurs, comment résister, par la représentation, à la menace d’« épistémicide » (Sousa Santos) qui pèse sur ces savoirs ? En effet, comme l’a notamment montré Londa Schiebinger à propos des difficultés posées aux botanistes européens par les plantes abortives qu’ils découvraient aux Amériques et souhaitaient importer en Europe sans qu’elles ne risquent d’y être utilisées par les femmes, ces épistémès purent être fragilisées par un engagement politique et scientifique en faveur de leur destruction, et ce en dépit de leur vivacité dans les pratiques féminines. Dans ce contexte, quel rôle pour les représentations, susceptibles d’être prises en étau entre le risque de dilution de ces savoirs et la nécessité d’en protéger la part de secret et de confidentialité qui les constituent en épistémè féminine ?  Convient-il de dissimuler, par jeu, les secrets abortifs ainsi que le faisait Maryse Condé dans son Moi, Tituba, sorcière… Noire de Salem en plaçant la potion abortive dans l’ombre d’une ellipse narrative ? Ou, au contraire, décrire la procédure pour exposer la réalité crue de ces savoirs relégués à l’illégalité ? 

Enfin, il pourra s’agir de s’intéresser aux formes de spectacles et aux formats destinés spécifiquement à des publics jeunes, aux adolescent.e.s, adapté à des espaces non dédiés comme les salles de classes, à des fins tant esthétiques que d’éducation populaire et à la sexualité (en France, Le Processus, Johanny Bert/ Catherine Verlaguet, 2021 comme au Burkina Faso, SALI(e), d’Aristide Tanagda, 2023). 

Informations pratiques

Comité d’organisation

Natacha d’Orlando – Université de Poitiers (FoReLLIS)

Shirley Niclais – Université de Poitiers (FoReLLIS)

Alexandre Moussa – Université de Poitiers (FoReLLIS/IRCAV)

Calendrier

Date limite de remise des propositions : 10 juillet 2025

Retour des expertises : 13 septembre 2025 

Modalités de participation

Les communications en français ou en anglais auront une durée de vingt minutes. Un support de présentation audiovisuel sera mis à la disposition des participant·es afin qu’iels puissent illustrer leurs propos à l’aide d’images et d’extraits. 

Le colloque est ouvert aux chercheur·euses, aux praticien·nes professionnel·les ainsi qu’aux étudiant·es à partir du Master 2. 

Les propositions de communication devront comporter :

• le titre envisagé ;

• un résumé de 3 000 signes (espaces comprises) ;

• une courte notice bio-bibliographique de l’auteur·ice (5 lignes maximum) ;

• trois à cinq mots-clés. 

Les propositions de communication sont à envoyer au format PDF sous le titre NOM_Prénom_colloque.avortement.pdf aux adresses suivantes :

natacha.d.orlando@univ-poitiers.fr, shirley.niclais@univ-poitiers.fr et alexandre.moussa@univ-poitiers.fr

Bibliographie indicative

Adriansen, S. & Anjale. Outre-mères : Le scandale des avortements forcés à La Réunion. Paris, Vuibert, 2024.

Artaud, A. Le Théâtre et son double. Paris, Gallimard, « Folio Essais », 1989 [1938].

Artaud, A. « Le Théâtre et la Science », L’Arbalète, n° 13, 1948, p. 15‑24.

Banu, G. (dir.). L’enfant qui meurt : Motif avec variations. Paris, L’Entretemps, « Champ théâtral », 2010.

Beauchamp, H., Noguès, J. & Van Haesebroeckn, E. Marionnette : Corps-frontière. Arras, Artois Presses Université, « Études littéraires. Corps et voix », 2016.

Boudreau, B. & Maloy, K. (dir.). Abortion in Popular Culture : A Call to Action. Lanham, Lexington Books, 2023.

Carlini Versini, D. & Verdier, C. « Abortion in Contemporary Francophone Women’s Writing », L’Esprit créateur, vol. 64, n° 3, automne 2024.

Collette, F. « Filiations abortives : L’avortement dans la littérature française de l’extrême contemporain », Modern and Contemporary France, p. 1‑18.

Conte, A., Gallepie, Y. & Morel, L. « Avorter en prime-time », L’Homme et la société, n° 4, 2015, p. 195‑211.

English, D. Unnatural Selections : Eugenics in American Modernism and the Harlem Renaissance. Chapel Hill, University of North Carolina Press, 2004.

Fleckinger, H. Cinéma et vidéo saisis par le féminisme (France, 1968-1981), thèse de doctorat en études cinématographiques et audiovisuelles (dir. Nicole Brenez), Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3, Paris, 2011.

Gauthier, X. Paroles d’avortées : Quand l’avortement était clandestin. Paris, La Martinière, 2004.

Grossman, E. La Défiguration. Paris, Minuit, 2004.

Gilette, M. « Modern American Abortion Narratives and the Century of Silence », Twentieth Century Literature, vol. 58, n° 4, hiver 2012, p. 663‑687.

Gretchen, S. & Kimport, K. « Telling Stories about Abortion : Abortion-Related Plots in American Film and Television, 1916–2013 », Contraception, vol. 89, n° 5, mai 2014, p. 413‑418.

Harmange, P. Avortée : Une histoire intime de l’IVG. Paris, Les Daronnes, 2022.

Jusselle, J. Ilka Schönbein, le corps : Du masque à la marionnette. Paris, Association nationale des Théâtres de Marionnettes et Arts Associés, 2011.

Kirby, D. A. « Regulating Cinematic Stories about Reproduction : Pregnancy, Childbirth, Abortion and Movie Censorship in the US, 1930–1958 », The British Journal for the History of Science, vol. 50, Special Issue 3 : Reproduction on Film, septembre 2017, p. 451‑472.

Le Pors, S. « L’enfant qui nous regarde : Persistances de l’enfance dans les écritures textuelles et scéniques contemporaines », Études théâtrales, n° 71, 2022.

Le Pors, S. & Mercier, A. « Théâtres de la naissance et poétique de l’accouchement », Percées, n° 10, automne 2023.

Paris, M. Nous qui versons la vie goutte à goutte : Féminismes, économie reproductive et pouvoir colonial à La Réunion. Paris, Dalloz, 2020.

Robison, C. Écrire l’avortement à la veille de sa légalisation (1920-1978), thèse sous la direction d’Anne Tomiche et Christine Détrez, Sorbonne Université, s.d.

Ross, L. J. Reproductive Justice : An Introduction. Berkeley, University of California Press, 2017.

Schönbein, I. « Une école sévère mais inégalable », Puck, n° 12, 1999, p. 45‑48.

Siejka, M. « L’Avortement dans les séries, miroir de nos contradictions », The Conversation, 30 mai 2022.
 [En ligne : https://theconversation.com/lavortement-dans-les-series-miroir-de-nos-contradictions-182692]

Siejka, M. « 50 ans après la loi Veil : “Il faut continuer de représenter l’avortement dans la fiction” », L’Humanité, 17 janvier 2025.

Sousa Santos, B. « Épistémologies du Sud », Études rurales, n° 187, 2011, p. 21‑50.

Tatoueix, L. Défaire son fruit : une histoire sociale de l’avortement en France à l’époque moderne. Paris, Éditions de l’EHESS, 2024.

Thiboult, L. L’Avortement vingt ans après : Des femmes témoignent, des hommes aussi. Paris, Albin Michel, 1995.

Vergès, F. Le Ventre des femmes : Capitalisme, racialisation, féminisme. Paris, Albin Michel, 2017.

Vizzavona, S. Interruption : L’avortement par celles qui l’ont vécu. Paris, Seuil, 2021.

Weingarten, K. Abortion in the American Imagination : Before Life and Choice, 1880-1940. New Brunswick, Rutgers University Press, 2014.

Wilt, J. Abortion, Choice and Contemporary Fiction : The Armageddon of the American Literature. Bloomington, Indiana University Press, 2004.