
Appel d’articles de Mouvances Francophones 11. 1 (2026)
Les Silences
Sous la direction de François Kodji Zra, Université de Western Ontario, Canada
Date limite d’envoi des articles : 10 septembre 2025
Le silence, n’est pas une simple absence de mots. Ce peut être un puissant vecteur d’expression. Au sein des interactions humaines, sa richesse s’étend bien au-delà de la simple pause, devenant un miroir de tensions et d’émotions.
Loin d’être perçu comme une vacuité, le silence peut devenir un acte de résistance, comme l’illustre Frieda Ekotto dans Chuchotte pas trop, où le silence devient le reflet de la condition féminine, où leur voix est étoffée par des forces socio-culturelles dominantes. Les silences sont encore un puissant moyen de contestation des rôles établis et des attentes sociétales. Dans Hiroshima mon amour, la version filmée, Marguerite Duras coécrit avec Alain Resnais un silence omniprésent qui illustre les traumatismes de la guerre, et les non-dits qui vont de soi et qui forment le nœud de l’attraction réciproque comme de l’impossible union. Les personnages de Duras, empêchés de partager leur passé douloureux, vivent dans une atmosphère où le silence devient symptômes d’impuissance et d’angoisse, parfois rempli ou articulé par la voix off qui ne vient pas aux oreilles des amants, qui parle après la rencontre ratée et néanmoins si intense. L’axe de la communication perdue est également central dans l’œuvre de Nathalie Sarraute. Par exemple, dans L’Usage de la parole, les personnages semblent constamment en lutte pour exprimer leurs pensées et leurs sentiments. Ici, les silences ne sont pas que des pauses, mais les barrières qui séparent et créent des fossés entre les individus, révélant une profonde angoisse face à l’incapacité de se faire comprendre. C’est dire combien le silence occupe une place importante dans la littérature. L’exploration de ses « régions » multiples, pour parler comme Laurence Joseph, en vient à montrer qu’il est empreint d’une dimension performative. Autrement dit, que ce soit par une simple pause, un regard, une image, ou même un geste, il y a presque toujours dans l’esprit de celui qui porte, reçoit ou crée le silence, un effet ou une recherche. En ce sens, les non-dits, par le vide qu’ils laissent, trahissent une éloquence, tant dans la vie quotidienne que dans les arts. Des figures comme Claude Debussy et Sacha Guitry ont également souligné l’importance du silence dans d’autres arts. Debussy a écrit : « la musique est le silence entre les mots », tandis que Guitry a noté qu’un silence qui suit un morceau de Mozart demeure encore du Mozart. Ces réflexions rappellent que le silence, à travers ses diverses régions, façonne notre compréhension et notre expérience des réalités narratives.
Ainsi, ce numéro se propose d’explorer les dimensions illocutoires et perlocutoires des silences dans la littérature francophone, mais aussi dans d’autres arts. Nous invitons donc, les contributions qui explorent comment le silence, qu’il soit individuel, collectif, imposé ou souhaité, constitue une passerelle de communication, ou une forme de communion.
En vue d’éclairer les réflexions sur ce sujet qui peut devenir complexe, nous proposons les quelques pistes de recherche suivantes, qui sont loin d’être exhaustives :
· Le refus de l’Altérité par le silence
· Le silence des pauses dans les discours oraux ; comme éloquence ; comme néantisation de l’Autre
· Les gestes comme expression du silence
· L’écriture comme inaudible
· Le silence comme refus et refuge ; comme déconstruction du pouvoir ; comme stratégies de l’écriture, par exemple, l’équivocité ou l’implicite, la suspension, l’ellipse, etc. ; comme échec
· Le silence collectif et complice ; du phrasé musical ; de l’antichambre de la création ; de la complémentarité
· Le soupir, un silence transitoire
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Bibliographie
Barraud, Philippe. « Le silence qui suit Mozart. » Blog de l’ICM. Paris : Institut de Culture Musicale, le 20 décembre 2015. https://www.icm-musique.fr/le-blog/archives/privilge-du-gnie-lorsquon-vient-dentendre-un-morceau-de-mozart-le-silence-qui-lui-succde-est-encore-de-lui/
Duras, Marguerite. Hiroshima mon amour. Paris, Gallimard, 2014.
Ekotto, Frieda. Chuchotte pas trop. Paris, L’Harmattan, 2005.
Haroun, Mahamat Saleh. Un homme qui crie. Paris, Éditions Les Films du Worso, 2010.
Lafosse, Joachim. Un silence. Paris, Arte, 2012.
Laurence, Joseph. Nos silences : Apprendre à les écouter. Paris, Autrement, 2025.
Panh, Rithy. L’image manquante. Paris, Les Films de la Liberté, 2013.
Sarraute, Nathalie. L’Usage de la parole. Paris, Gallimard, 1983.
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Modalités de soumission des articles :
Les articles doivent être rédigés en français et envoyés avant le 10 septembre 2025 à François Kodji Zra : kfranco4@uwo.ca. Les articles doivent faire entre 15 à 20 pages, interligne double, police 12 Times New Roman, notes de bas de page (10), ou dans le texte bibliographie, citation de plus de 4 lignes en bloc (11 espaces simples).
En cas de validation par le comité scientifique (notification avant le 10 octobre 2025), les auteurs pourront retravailler leurs épreuves et renvoyer l’article définitif avant le 1er janvier 2026. Publication en mars 2026.
NB. Le numéro est susceptible d’accepter les articles qui ne sont pas dans le thème du volume.