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L’écocritique dans l’espace francophone : état des lieux (Journée doctorale en ligne)

L’écocritique dans l’espace francophone : état des lieux (Journée doctorale en ligne)

Publié le par Eloïse Bidegorry (Source : Maria Simota)

L’écocritique dans l’espace francophone : état de lieux

(Journée doctorale en ligne) 

Organisée par

l’Université Babeș-Bolyai, Cluj-Napoca (Roumanie) et 

l’Université d’Alexandrie (Égypte)

 

À ses débuts, l’écocritique a été généralement définie comme l’étude des relations entre la littérature et l’environnement (Glotfelty 1996 : xviii). Émergées en partie comme une réaction contre les approches textuelles de la littérature, les premières études écocritiques, apparues dans les milieux académiques américains et anglo-saxons, envisageaient de rétablir « le lien perdu » entre le monde du texte littéraire et le monde physique, entre culture et nature. La catégorie de l’espace recevait ainsi une importance primaire, par l’attention donnée surtout aux représentations de la campagne dans la poésie britannique ou des espaces sauvages, du wilderness, dans les textes non-fictionnels américains. Cet intérêt pour l’espace a également joué un rôle essentiel dans l’écocritique française. Malgré une réception tardive de l’écocritique en France, de nombreuses études ont émergé ces dernières années, bien que cette approche ait été marginalisée en raison du climat intellectuel français peu favorable aux approches écocritiques, comme le soulignent Rachel Bouvet et Stéphanie Posthumus (2016). C’est Alain Suberchicot avec Littérature et environnement (2012) et Pierre Schoentjes avec Ce qui a lieu. Essai d’écopoétique (2015) qui ont inauguré en quelque sort les recherches dans ce domaine. À travers les années, de nouvelles perspectives critiques ont constamment détourné l’attention vers une multitude d’aspects qui façonnent les perceptions culturelles de la nature et de l’environnement. Aujourd’hui, il suffit de lire la table des matières d’un volume sur l’écocritique pour voir comment elle est devenue un champ vaste de recherche, se superposant parfois à d’autres axes, comme la géocritique, les études de genre, la zoopoétique, le posthumanisme ou les études postcoloniales. Cela rend compte de l’interdisciplinarité de l’écocritique et de la diversité des approches et des outils qu’il faut employer pour décoder les significations inscrites dans le tissu littéraire.

À l’occasion de cette journée doctorale, nous invitons les doctorant.e.s à partager leurs recherches récentes en écocritique. Cet événement vise à rassembler de jeunes chercheuses et chercheurs francophones pour favoriser des échanges stimulants et ouvrir de nouvelles perspectives sur les études en cours. Les axes de réflexion choisis encouragent le croisement de disciplines, permettant aux doctorant.e.s d’enrichir leurs travaux par une réflexion critique des enjeux climatiques au niveau global.

 

Axes de recherche :

1.      La cause écologique à travers le langage

Cet axe explore comment le langage contemporain rend compte des préoccupations écologiques. De nombreux néologismes tels que éco-phobie, éco-anxiété, écocide et climato-scepticisme révèlent la montée des enjeux environnementaux dans nos discours. Comment ces termes façonnent-ils notre perception du changement climatique et de notre rapport au vivant ? L’axe vise aussi à analyser les stratégies linguistiques et rhétoriques utilisées pour sensibiliser et mobiliser l’opinion publique face à l’urgence climatique.

2.      Écofictions et récits non-fictionnels : littératures de la crise climatique

Ce deuxième axe s’intéresse aux possibilités formelles de la littérature de s’emparer des thèmes tels que la crise climatique ou la relation entre humains et non-humains. On se demande quels sont les défis de représentation et de narrativisation des phénomènes amples comme les changements environnementaux. Quelles stratégies sont employées pour répondre à ces défis à travers différentes formes littéraires, au sein de la fiction, de la non-fiction, de la poésie ou bien du théâtre ? Quelles sont les différences d’impact de ces genres sur le lectorat et lequel parvient le mieux à fédérer les esprits autour de la cause écologique ? 

3.      Crise climatique et cause animale

Cet axe examinerait l’intégration de la cause animale dans les débats sur les enjeux environnementaux. En quoi les questions relatives aux droits et au bien-être animal enrichissent-elles la réflexion sur la crise écologique ? Comment la reconnaissance de l’interconnexion entre toutes les espèces vivantes influence-t-elle les politiques et les mobilisations pour la justice environnementale ? Dans le domaine de l’écriture contemporaine, la zoopoétique offre une perspective renouvelée sur les relations entre les humains et les animaux. Ce concept, issu de la réflexion sur la place de l’animal dans la littérature et les arts, interroge la manière dont les créateurs intègrent les êtres non-humains dans leurs œuvres, non pas comme de simples symboles ou allégories, mais comme des existences avec leurs propres subjectivités, rythmes et formes d’expression.

4.      Écoféminisme : entre justice environnementale et égalité de genre

Cet axe explore l’écoféminisme qui met en lumière les liens entre oppression des femmes et exploitation de la nature. Comment les idées écoféministes enrichissent-elles le débat sur la justice environnementale en proposant une approche inclusive qui tient compte des inégalités de genre, de race et de classe ? Dans ce contexte, la littérature joue un rôle essentiel en tant qu’espace de réflexion et de création, où ces thématiques trouvent une expression sensible et critique. L’écoféminisme envisage de transcender les frontières disciplinaires et imagine des solutions écologiques fondées sur l’égalité, la justice et le respect du vivant. À travers l’écriture, les autrices écoféministes donnent voix aux récits souvent marginalisés des femmes, des communautés autochtones, tout en dénonçant les structures de domination patriarcale qui exploitent simultanément les corps féminins et les ressources naturelles.

5.      Écocritique et théories de l’affect

Quel est le rôle de l’affect au sein des études écocritiques ? Comment les textes littéraires peuvent-ils rendre compte des émotions complexes qui s’entrelacent entre l’individu et son environnement ? Comment une lecture écocritique peut apporter une perspective critique sur les représentations littéraires des émotions et des réponses affectives aux changements environnementaux, parfois nommées par des termes comme « solastalgia », « climate  
anxiety », « Anthropocene disorders », ou bien « écophobie » ?

6.      Écocritique et représentation de l’espace

Quelle importance a la catégorie de l’espace dans les études écocritiques contemporaines ? Comment les dichotomies entre espaces locaux et espaces planétaires, entre espaces ruraux et espaces urbains sont-elles problématisées par l’écocritique et quelle est la pertinence, aujourd’hui, des notions telles que « l’attachement au lieu » ? Comment le concept d’éco-cosmopolitisme a apporté des perspectives nouvelles pour l’étude des représentations spatiales ?

7.       Écocritique et enjeux des nouveaux matérialismes dans la littérature

En insistant sur l’agentivité de la matière, les nouveaux matérialismes réorientent-ils radicalement les discours écocritiques vers une éthique et une politique de la cohabitation trans-espèce ? Comment ces paradigmes remodèlent-ils la pensée esthétique et la critique artistique dans un contexte de crise écologique globale ? Les contributions sont invitées à explorer ces questions théoriques, mais aussi à les mettre en dialogue avec des pratiques artistiques et littéraires contemporaines.

Soumission 

Titre et résumé d’au plus 400-600 mots accompagné d’une notice bio-bibliographique d’environ 250 mots dans laquelle sera précisée aussi la thématique de la thèse et le coordinateur.

Les propositions de communication et les articles sont à envoyer à ecocritiquejd@gmail.com avant le 10 mai 2025.

 

Calendrier

-        Réception des propositions : 10 mai 2025

-        Réponse aux proposant.e.s :  10 juin 2025

-        Tenue de la journée d’étude (Communications et débats en ligne) : 16 octobre 2025

-        Envoi des articles définitifs :  1er décembre 2025

-        Publication des actes de la journée : été 2026 (en accès libre par les Presses universitaires clujoises)

Organisatrices

Maria Simota, Université Babes-Bolyai de Cluj-Napoca, Roumanie

Georgiana Bozîntan, Université Babes-Bolyai de Cluj-Napoca, Roumanie

Marwa Elzeiny, Université d’Alexandrie, Égypte

Simona Jișa, Université Babes-Bolyai de Cluj-Napoca, Roumanie

 

Comité scientifique

Georgiana Bozîntan, Université Babes-Bolyai de Cluj-Napoca, Roumanie

Marwa Elzeiny, Université d’Alexandrie, Égypte

Simona Jișa, Université Babes-Bolyai de Cluj-Napoca, Roumanie

Andrei Lazar, Université Babes-Bolyai de Cluj-Napoca, Roumanie

Estel Aguilar Miró, Université de Saragosse, Espagne

Floribert Nomo Fouda, Université de Douala, Cameroun

Hélène Rufat, Université Pompeu Fabra de Barcelone, Espagne

Maria Simota, Université Babes-Bolyai de Cluj-Napoca, Roumanie

Josep Samuel Marqués Messeguer, Université de Saragosse, Espagne

Bibliographie

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