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Danses, musiques et émotions : construire un personnage par des pratiques sensibles (Paris 8, Saint-Denis)

Danses, musiques et émotions : construire un personnage par des pratiques sensibles (Paris 8, Saint-Denis)

Publié le par Marc Escola (Source : Lassibille)

Journée d’études : « Danses, musiques et émotions : construire un personnage par des pratiques sensibles »

 Jeudi 6 novembre 2025 à l’Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis

 Argumentaire

La référence au « personnage » traverse plusieurs champs disciplinaires (lettres, arts, philosophie, anthropologie, ethnoscénologie, sociologie…)[1], et concerne diverses pratiques littéraires, théâtrales, cinématographiques et télévisuelles, ludiques et numériques à l’instar des jeux de rôles et avatar, mais aussi musico-chorégraphiques réalisées dans différents contextes dits rituels et cérémoniels, sociaux, scéniques etc. Le terme de « personnage » s’avère correspondre à différents usages, comprendre plusieurs conceptions et donner lieu à diverses dynamiques et types de rapports à la « personne » et à « l’altérité ». Selon les cas, il peut rendre compte d’une relation avec un invisible qui suppose la présence d’un au-delà, découler de relations sociales et « inter-humaines », associer les deux, sans oublier d’autres dimensions qui sont de toute évidence à explorer. La notion de personnage peut ainsi susciter malentendus et confusions (entre personne et personnage ; entre réel et fiction ; entre imitation, figuration, représentation, composition, incarnation etc.). Recouvrant une importante diversité sémantique, elle exige d’être interrogée, précisée et renouvelée en engageant d’autres perspectives d’analyse.

Cette journée d’étude souhaite ainsi s’intéresser à la manière dont musique et danse peuvent participer à la construction d’un personnage performatif et étudier au plus concret « cette fabrique » à partir des pratiques et du point de vue et l’expérience des pratiquant.es. En effet, les pratiques musico-chorégraphiques, qui ne sont pas nécessairement scéniques, peuvent compléter un modèle théâtral souvent utilisé pour étudier le personnage, dans une configuration où l’articulation entre rôle et acteur ne s’applique pas toujours à l’identique. En ce sens, il est utile de travailler sur la construction du personnage lui-même en ne se limitant pas au contexte dans lequel ce dernier évolue, mais en étudiant en détail les pratiques des musicien.nes et danseurs.euses dans ce qui est considéré tout autant comme technique, imaginaire et émotionnel. Nous proposons en ce sens de privilégier des approches sensibles[2] qui abordent les dimensions gestuelles et sonores, émotionnelles, sensorielles et perceptives qui y sont liées[3]. Quels rapports les pratiquant.es établissent-ils à « leur personnage » et quels imaginaires créent-ils à son sujet ? Comment le font-ils.elles émerger à partir du geste dansé et musical ? Comment mobilisent-ils.elles différentes techniques musicales et dansées, se les approprient- ils.elles et en usent- ils.elles pour façonner un personnage ? Quelles poétiques de l’interprétation, art de la composition ou/et force de l’incarnation les danseur.euses et musicien.nes mettent-ils.elles en jeu par rapport au personnage ? Quels en sont les échos émotionnels par rapport au rôle ? Quelles spécificités de la danse, de la musique, et de leur conjonction s’avèrent opérantes pour rendre présent ce personnage ? Comment les chercheurs peuvent-ils écrire et analyser ces processus complexes, multiples et interactifs ? Les questions posées peuvent être à la fois pratiques, théoriques et méthodologiques.

Cette journée d’étude, tout en s’ancrant dans une perspective anthropologique, souhaite faire dialoguer plusieurs disciplines, études en danse, musicologie, théâtre, sociologie, psychologie etc. et croiser des pratiques issues de contextes variés, et considérées comme appartenant à différentes catégories de musiques et de danses : formes traditionnelles, rituelles et cérémonielles, ballet, danse moderne et contemporaine, performance, voguing, danses hip-hop, krump, afro et d’autres danses et musiques dites urbaines. Ce projet de journée d’étude est d’ailleurs né d’une réflexion croisée à partir de deux études anthropologiques, sur un rituel de masques en Afrique de l’Ouest[4] et sur la danse KRUMP issue de la mouvance hip-hop[5]. Ces deux pratiques, a priori assez différentes, ont en commun de faire advenir un personnage par des actions musicales et dansées. Dans le premier cas, le masque doit être compris comme à la fois humain et non-humain et c’est par sa dynamique[6], autrement dit sa mise en mouvement par de la musique et de la danse, que le personnage qu’incarne le masque peut advenir. Dans le second, c’est la notion de « character », liée à la notion de style[7], qui est invoquée. Couramment traduit par « personnage », son contenu s’avère néanmoins plus complexe. Ainsi, non seulement les krumpeurs et krumpeuses l’interprètent différemment, mais ils construisent leur character à partir de sources d’inspiration diverses qui se transforment avec le temps. Le terme de « personnage » sert ainsi à désigner des présences plus ou moins radicalement distinctes de l’individu qui les fait advenir dans des situations de possession, de rituel de masques, ou encore de danses dites « modernes ». Or, de manière récurrente, on observe que la musique et la danse sont convoquées pour faire advenir et façonner une telle présence alternative.

Nous invitons chercheuses et chercheurs, praticiens et praticiennes de diverses disciplines à soumettre leurs propositions de communication pour cette journée d’étude qui vise à mener une réflexion interdisciplinaire et à approfondir la compréhension de la construction du personnage à travers les arts du geste et du son. Les propositions attendues pourront participer à la fois à l’analyse des procédés techniques tant sonores que gestuels mis en œuvre pour rendre présents ces personnages que de mettre en lumière les affects et émotions qu’ils induisent, en s’ancrant cependant dans des sources et terrains précis et contextualisés pour être au plus proche des pratiques et des discours des pratiquant.es. 

La journée d’étude sera ouverte à différents formats (présentation scientifique, atelier…). Elle est également pensée pour être accessible aux étudiant.es afin d’offrir un espace d’expression à de jeunes chercheurs et chercheuses de diverses disciplines.

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Modalités de soumission

Les propositions de communication (environ 1 page), accompagnées d’une brève présentation du contributeur ou de la contributrice (nom, prénom, affiliation, quelques lignes de biographie), sont à soumettre avant le 28 avril 2025.

Elles sont à envoyer par courriel en fichier attaché en docx aux adresses suivantes : camille.devineau@gmail.com, mahalia.lassibille@univ-paris8.fr.

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Calendrier

• Date limite d’envoi des propositions : 28 avril 2025 

• Date de notification aux auteurs : 2 juin 2025

• Dates et lieu du colloque : jeudi 6 novembre 2025 à l’Université Paris 8 (à confirmer)


 
[1] Sans exhaustivité, Laure HELMS, Le personnage de roman, Paris, Armand Colin, coll. Cursus, 2018 ; Georges ZARAGOZA, Le personnage de théâtre, Paris, Armand Colin, Hors collection, 2006 ; Marie-France BRISELANCE, Jean-Claude MORIN, Le personnage : de la « grande » histoire à la fiction, Paris, Nouveau Monde éditions, Coll. Cinéma, 2013.
[2] Dont François LAPLANTINE, Le social et le sensible. Introduction à une anthropologie modale, Paris, Téraèdre, 2005. Sisa CALAPI, Helma KORZYBSKA, Marie MAZZELLA DI BOSCO, Pierre PERALDI-MITTELETTE, Sensibles ethnographies. Décalages sensoriels et attentionnels dans la recherche anthropologique, Paris, Editions Pétra, Col. Univers sensoriels et sciences sociales, 2023.
[3] Voir en ce sens Laetitia DOAT, Marie GLON, « Autour de Giselle, une poétique de l’interprétation », Repères. Cahiers de danse, 2007/1, N°19, et dans le même numéro « Le danseur et l’émotion », pp. 7-12, , « Transmettre les motivations d’un personnage. Entretien avec Ghislaine Thesmar autour de Giselle », pp. 5-6 ; « Composer des affects en danse. Entretien avec Isabelle Launay et Claudia Gabler », pp. 21-24.
[4] Camille DEVINEAU, « Un être de chair et de son. Faire advenir le masque en pays bwamu (Burkina Faso) » in Cahiers d’ethnomusicologie « Écouter la danse » dir. Laura Fléty et Clara Biermann, article soumis.
[5] Mahalia LASSIBILLE, « (D)écrire un « style » en danse : Réflexions ethno-graphiques autour de portraits de krumpeurs (Dakar) », Recherches en danse, N°14, à paraître.
[6] Anne-Marie BOUTTIAUX (éd.), La Dynamique des masques en Afrique occidentale, Tervuren, Royal Museum for Central Africa, 2013.
[7] Bruno MARTINELLI (éd.), L’interrogation du style : anthropologie, technique et esthétique, Aix-en-Provence, Publications de l’université de Provence, 2005.