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Georges Forestier à l'œuvre. Colloque d'hommage (Sorbonne)

Georges Forestier à l'œuvre. Colloque d'hommage (Sorbonne)

Publié le par Marc Escola

Colloque d'hommage organisé par

Le Centre d'étude de la langue et des littératures françaises

et la Direction des affaires culturelles de la Faculté des Lettres de Sorbonne Université

Un an après la disparition de Georges Forestier, ses collègues, ancien.nes doctorant.es et ami.es rendent hommage à ses travaux. De l’approche poétique à l’histoire des spectacles, de la génétique des textes à l’enquête biographique, de l’édition critique des textes à la mise en scène historiquement informée, des auteurs canoniques aux minores, les objets et méthodes de Georges Forestier ont en commun d’articuler, avec une passion communicative, une immense érudition à une scrupuleuse démarche philologique. Le colloque organisé à Sorbonne Université mettra en lumière son œuvre et sa pensée, et favorisera les échanges autour des orientations que ses recherches et pratiques ont insufflées aux études sur le théâtre du XVIIe siècle, mais aussi de le manière dont celles-ci peuvent ouvrir le dialogue avec d’autres domaines et approches.

 La première table ronde portera sur la démarche poétique comme condition de la question herméneutique, qui caractérise en particulier les réflexion de Georges Forestier dans Le Théâtre dans le théâtre sur la scène française du XVIIe siècle (1981), L’Esthétique de l’identité sur la scène française (1988), des articles en partie rassemblés dans le volume Passions tragiques et règles classiques (2003), mais aussi ses ouvrages sur Corneille (Essai de génétique théâtrale : Corneille à l’œuvre, 1996 ; Corneille, le sens d’une dramaturgie, 1998) sans oublier Racine dans l’édition des Œuvres complètes (1999).

La seconde table ronde sera consacrée aux méthodes et aux enjeux de l’édition du théâtre français du XVIIe siècle menée par Georges Forestier : Théâtre complet de Rotrou et celui de Mairet entre 1998 et 2020, ainsi que sur ses éditions du théâtre de Racine (1999) et de Molière (2010).

La troisième abordera les pratiques théâtrales historiquement informées que Georges Forestier a favorisées depuis sa rencontre avec Eugène Green jusqu’à la fondation de sa troupe et de son école : le Théâtre Molière Sorbonne.

La dernière table ronde s’intéressera à la réflexion qui a parcouru les travaux de Georges Forestier comme un fil rouge, et qui devait donner lieu à un livre sur la vérité des textes et les dérives interprétatives dont nous n’avons, hélas, qu’un manuscrit inachevé ; par ce livre, il cherchait à (re)penser historiquement le rapport aux œuvres, à toutes les œuvres, littéraires ou religieuses, contre les interprétations mal fondées, en revenant aux exigences primordiales de l’établissement des textes.

Une lecture d’extraits de Mithridate de Racine par Eugène Green et Anne Guersande-Ledoux et une représentation historiquement informée de Sganarelle ou le Cocu imaginaire par le Théâtre Molière Sorbonne feront écho aux recherches de Georges Forestier sur l’histoire des pratiques de la scène et de la déclamation.

Programme

Lundi 26 mai 2025

Salle Louis Liard

  • 14 h. Ouverture par Nathalie Drach-Temam, présidente de Sorbonne Université, Béatrice Perez, doyenne de la Faculté des Lettres, Christine Noille, directrice du CELLF, Anne Ducrey, directrice adjointe de l’UFR de littérature française et comparée et Andrea Fabiano, co-directeur d’Initiative Théâtre/Réseau Théâtre-PRITEPS

 

  • 14h45-16h15. Table ronde « Poétique et herméneutique »

Organisation : Carine Barbafieri, Marc Escola et Lise Michel. Avec Tristan Alonge, Marc Douguet, Marine Roussillon et Jean-Yves Vialleton

  • 17h. Lecture d’extraits de Mithridate de Jean Racine (acte III, scènes 3 à 5 et acte IV, scène 4) par Eugène Green et Anne-Guersande Ledoux 

Amphithéâtre Richelieu

  • 20h30. Sganarelle ou le Cocu imaginaire de Molière

Spectacle du Théâtre Molière-Sorbonne (fondé par Georges Forestier), mise en scène par Mickaël Bouffard) 

Mardi 27 mai 2025

Salle Louis Liard

·      9h-10h30. Table ronde « Éditer le théâtre français du XVIIe siècle avec Georges Forestier »

Organisation : Claude Bourqui et Bénédicte Louvat. Avec Andrea Fabiano, Céline Fournial, Pierre Pasquier et Alain Riffaud.

 

10h30. Pause

 

  • 11h-12h30. Table ronde « Les pratiques historiquement informées »
    Organisation : Mickaël Bouffard et Bénédicte Louvat. Avec Céline Candiard, Benoît Dratwicki, Jean-Noël Laurenti, Julia Gros-de Gasquet, Frédéric Sprogis et Benjamin Lazar.

  • 14h30-16h. Table ronde « Vérité documentaire et dérives interprétatives »

Organisation : Claude Bourqui et Bertrand Marchal. Avec Mireille Huchon, Florence Naugrette, Hugues Pradier et Marine Souchier.

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Partenaires 

Fonds d'Intervention Recherche

Théâtre Molière Sorbonne

Initiative Théâtre

Programme de recherches interdisciplinaires sur le théâtre et les pratiques scéniques

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Comité d’organisation

Carine Barbafieri

Mickaël Bouffard

Claude Bourqui

Marc Escola

Pierre Frantz

Bénédicte Louvat

Bertrand Marchal

Lise Michel

Yann Migoubert

Laetitia Paré-Forestier.

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Tables rondes

Poétique et herméneutique (Description et interprétation)

Organisation : Carine Barbafieri, Marc Escola et Lise Michel. Avec Tristan Alonge, Marc Douguet, Marine Roussillon et Jean-Yves Vialleton

Dès ses premiers travaux sur Le Théâtre dans le théâtre sur la scène française (1981) et l’Esthétique de l’identité (1988), Georges Forestier articule la question du sens à celles de la poétique. Ses travaux du début de la décennie 1990, au terme de ces années 1980 qui furent en France l’âge d’or de la poétique, sont de plus en plus habités par une conviction assez nette, dont la quatrième de couverture de Corneille à l’œuvre (1996) se fait explicitement l’écho : tenter de « retrouver les questions qu’a pu se poser le poète dans son travail créateur » suppose d’aller « de la forme au sens, et non l’inverse », pour proposer non pas d’emblée une interprétation nouvelle mais « une description des conditions mêmes d’une interprétation — à partir de quoi pourront se construire à nouveau les “lectures” que requiert une œuvre dramatique aussi exceptionnelle » que celle de Corneille. La démarche supposait de mettre méthodiquement sous le boisseau les interprétations jusque-là proposées, et de renouveler les manières de poser la question herméneutique, et notamment celle de la dimension politique du théâtre de Corneille. Sur ce plan, le livre rigoureusement intitulé (non pas sous-titré) Essai de génétique théâtrale avait des allures de manifeste. Si la position ainsi affichée fut rapidement ralliée par nombre de jeunes chercheurs, il faut se souvenir que Corneille à l’œuvre fut d’abord assez fraîchement accueilli, et il vaudrait la peine de retracer l’histoire de sa réception immédiate et du malentendu premier : les tenants d’une herméneutique des œuvres crurent qu’il s’agissait de faire table rase de la signification, sans que les thuriféraires de l’histoire littéraire fussent tentés de voler au secours du « généticien » : de part et d’autre, la démarche fut taxée de « formalisme ». L’auteur de l’Essai de génétique théâtrale se sentit tenu de s’expliquer très vite : ce fut, moins de deux ans plus tard, Corneille. Le sens d’une dramaturgie (1998), conçue comme une longue postface et une nouvelle déclaration de méthode.

Les travaux ultérieurs de Georges Forestier, dominés par le souci de donner des éditions vraiment nouvelles du théâtre de Racine et des Œuvres complètes de Molière, devaient entraîner un infléchissement de cette position initiale, en donnant plus de place aux considérations historiennes (histoire de la vie théâtrale et histoire des idées). On n’y trouvera toutefois pas de palinodie : comme le montre notamment la préface donnée à la réédition de La Dramaturgie classique de Jacques Scherer (2014), le chercheur n’a jamais renié cette conviction constante que ce que nous partageons, de siècle en siècle, ce sont des formes. 

Cette table ronde voudrait être l’occasion de réfléchir sur les relations que l’interprétation des textes entretient avec la description de leur structure formelle, et de débattre des enjeux contemporains d’une poétique des formes dramatiques.

Éditer le théâtre français du XVIIe siècle avec Georges Forestier 

Organisation : Claude Bourqui et Bénédicte Louvat. Avec Andrea Fabiano, Céline Fournial, Pierre Pasquier et Alain Riffaud.

Georges Forestier, tout au long de sa carrière, s’est affirmé comme un adepte et un promoteur obstiné de l’édition de textes de théâtre du XVIIe siècle français, sous la forme de projets tantôt individuels, tantôt collectifs : éditions savantes (des pièces de Boyer, Brosse, Rotrou, Mairet, parues dans des collections spécialisées, jusqu’aux œuvres complètes de Racine et de Molière pour la Pléiade), éditions de poche (une grande partie du répertoire cornélien et racinien disponible sous ce format porte sa signature), mais aussi dans son activité d’enseignant, qui l’a amené à mettre sur pied l’imposante Bibliothèque Dramatique du CELLF, recueillant des travaux de master de ses étudiants. À bien des égards, le « modèle Forestier » s’est imposé comme une norme en matière de pratiques éditoriales. Il est dès lors impératif de dresser le bilan des options privilégiées (choix et établissement du texte, ponctuation et majuscules) dans les éditions réalisées ou supervisées par Georges Forestier, mais également de reprendre et prolonger la réflexion sur la finalité du geste éditorial, telle qu’il la concevait et la défendait avec une conviction de plus en plus affirmée au fil des années.

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Les pratiques historiquement informées

Organisation : Mickaël Bouffard et Bénédicte Louvat. Avec Céline Candiard, Benoît Dratwicki, Jean-Noël Laurenti, Julia Gros-de Gasquet, Frédéric Sprogis et Benjamin Lazar.

Georges Forestier fait partie des premiers universitaires français à avoir été interpellé par ce qu’on appelait alors « la déclamation baroque », une façon de dire les textes dramatiques du xviie siècle en réactivant la prononciation, l’hexis corporelle et les techniques oratoires (voix et geste) en usage au temps de Molière, Corneille et Racine. Suivant l’exemple des musiciens baroques et de l’approche historique qu’ils adoptaient vis-à-vis de leur pratique musicale, des pionniers ont commencé à la fin du xxe siècle à étendre cette démarche au jeu des comédiens et des chanteurs-acteurs. La rencontre de Georges Forestier avec l’un d’entre eux, Eugène Green, fut déterminante pour sa compréhension du répertoire et son analyse de la ponctuation décrite dans « Lire Racine », texte liminaire de l’édition de la « Bibliothèque de la Pléiade » qu’il consacra au dramaturge. Georges Forestier fit représenter en 1999 Mithridate de Racine par la troupe d’Eugène Green (Théâtre de la Sapience) dans la chapelle de la Sorbonne, marquant un moment symbolique du dialogue entre le monde du spectacle baroque et le monde académique. Depuis cette époque, cette démarche, évoluant parallèlement à celle des musiciens, a pris le nom, d’abord dans le monde anglo-saxon, « d’interprétation historiquement informée » et a vu plusieurs initiatives en quête d’un retour de la pratique vers les sources. Un projet autour de L’École des femmes, découlant d’une école thématique qui avait eu lieu en 2012 et réunissait plusieurs universitaires autour de Pierre-Alain Clerc et Olivier Bettens, projet avec lequel Georges Forestier prendra finalement ses distances, réactiva néanmoins son intérêt pour la question, et le conduisit en compagnie d’Isabelle Grellet et Jean-Noël Laurenti à faire un travail similaire sur la mise en scène du Tartuffe, dans la version en trois actes qu’il avait lui-même reconstituée en utilisant sa méthode de génétique théâtrale. Ce projet circonscrit dans le temps et dans son financement, l’encouragea à fonder une école-atelier baptisée Théâtre Molière Sorbonne qui, tout en continuant à former des étudiants au jeu d’acteur du xviie siècle, est devenue une troupe mettant en pratique, dans des spectacles, les avancées de la recherche sur ces questions.

Cette table ronde vise à favoriser la discussion autour du rôle qu’a pu jouer Georges Forestier, institutionnellement et scientifiquement, dans l’écosystème du théâtre historiquement informé. Quel renouveau a-t-il suscité, notamment dans le regard porté par le milieu académique sur cette forme d’interprétation ?  Quelle direction a-t-il fait prendre au mouvement ? Comment caractériser l’approche qu’il a favorisée ? Comment sa contribution influencera la recherche et les pratiques de la prochaine décennie ? Mais quelles peuvent être, aussi, les fragilités et les limites d’une telle entreprise ?

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Vérité documentaire et dérives interprétatives

Organisation : Claude Bourqui et Bertrand Marchal. Avec Mireille Huchon, Florence Naugrette, Hugues Pradier et Marine Souchier. 

Le dernier travail entrepris par Georges Forestier, et resté inachevé, mais dont il avait rédigé l’argumentaire, débordait cette fois très largement son domaine de spécialité, même s’il prenait comme point de départ l’affaire du Tartuffe et plus encore le livre sur l’affaire Corneille-Molière lancée par Pierre Louÿs et relayée par une lexicométrie pseudo-scientifique. Il s’agissait pour lui de (re)penser historiquement le rapport aux œuvres, à toutes les œuvres, littéraires ou religieuses, contre les interprétations mal fondées, en revenant aux exigences primordiales de l’établissement des textes. Ce livre se proposait donc de reprendre l’histoire (et les enjeux) de la philologie de l’Antiquité à nos jours, et de rendre ainsi à la science des textes sa valeur de condition sine qua non de toute herméneutique.

En se lançant dans ce projet couronnant les recherches d’une vie entière, Georges s’efforçait de répondre aux questions qui concernent tous les littéraires au sens le plus large du terme, et plus particulièrement les éditeurs des œuvres de toute époque.

Né à Nice en 1951, Georges Forestier est devenu professeur à la Sorbonne en 1995, où il est resté jusqu’en 2020.

Pendant quarante ans, il a incarné le théâtre français du XVIIe siècle, en France et à l’étranger et transmis sa rigueur scientifique, son érudition et sa passion à des milliers d’étudiants, de doctorants, de collègues de l’enseignement secondaire et supérieur et d’amateurs de théâtre.

Son parcours intellectuel l’a conduit d’une approche structuraliste, dans la lignée de la nouvelle critique, avec la parution dans les années 1980 de ses deux thèses, la première sur le théâtre dans le théâtre (Le Théâtre dans le théâtre sur la scène française du XVIIe siècle, Droz, 1981) et la deuxième sur le déguisement (Esthétique de l’identité dans le théâtre français (1550-1680) : le déguisement et ses avatars, Droz, 1988) à une approche plus délibérément historienne, attentive aux conditions de production du théâtre du XVIIe siècle et à l’œuvre dans ses deux grandes biographies de Racine (Gallimard, « Biographies », 2006) et de Molière (Gallimard, « Biographies », 2018). Un tournant essentiel fut la mise au point, au milieu des années 1990, de la génétique théâtrale, c’est-à-dire de l’étude de la disposition dramatique, depuis le choix de la source jusqu’à l’élaboration de l’intrigue, méthode appliquée d’abord à Corneille (Essai de génétique théâtrale : Corneille à l’œuvre, Klincksieck, 1996) puis élargie à Racine et à Molière.

Georges Forestier a été, parallèlement, un infatigable éditeur de textes : il a réédité le théâtre de Racine (Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1999) et celui de Molière en collaboration avec une vaste équipe (Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2010), dirigé l’édition des théâtres complets de Rotrou (Société des Textes Français Modernes, 2000-2020) et de Mairet (Champion, 2004-2019), mais aussi formé de nombreux étudiants à l’édition de textes dramatiques, et conçu un outil électronique susceptible d’accueillir les éditions réalisées par ses étudiants de la Sorbonne, la Bibliothèque dramatique.

Sa dernière œuvre était le Théâtre Molière Sorbonne, prolongement par la scène de ses découvertes scientifiques en même temps qu’école de théâtre et formation à la déclamation et à la gestuelle historiquement informées. Historien du théâtre devenu metteur en scène, il a ainsi œuvré à la redécouverte de Sganarelle ou le Cocu imaginaire (2018), Andromaque (2019), Le Malade imaginaire (2022) et tout récemment Les Précieuses ridicules.

Sa disparition est une perte immense pour l’histoire et pour la mémoire du théâtre du XVIIe siècle.