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Le « syndrome algérien ». Enjeux littéraires, mémoriels et politiques d’un passé qui ne passe pas (Université de l'Insubrie, Varese, Italie)

Le « syndrome algérien ». Enjeux littéraires, mémoriels et politiques d’un passé qui ne passe pas (Université de l'Insubrie, Varese, Italie)

Publié le par Marie Berjon (Source : Fabio LIBASCI)

Colloque international

Le « syndrome algérien ». Enjeux littéraires, mémoriels et politiques d’un passé qui ne passe pas 

 

Varese - Italie, 4-5 décembre 2025

 

Les rapports entre la France et l’Algérie sont à nouveau tendus. Depuis quelques mois les déclarations pour le moins hostiles se succèdent et occupent la une des journaux et on ne peut nier que la littérature y est pour quelque chose. Le Prix Goncourt décerné à Kamel Daoud le 4 novembre 2024 pour son roman Houris publié chez Gallimard a mis le feu aux poudres car ce prix, par son prestige et sa reconnaissance envers le talent littéraire de l’auteur, propulsait le thème de la guerre civile algérienne consacrant un Algérien considéré par le pouvoir algérien comme un “traître”[1].  Le 27ᵉ édition du Salon du livre d’Alger a exclu l’éditeur Gallimard en raison de la publication du livre de Daoud, qui reste banni en Algérie.  Quelques jours plus tard, l’écrivain algérien Boualem Sansal, naturalisé français en 2024, est porté disparu. En réalité, le 16 novembre 2024 il a été prélevé à l’aéroport d’Alger et incarcéré pour atteinte à la sûreté de l’État pour avoir pris une position favorable envers le Maroc quant aux frontières du Sahara quelques mois auparavant. En dépit d’une vaste mobilisation et malgré son état de santé, l’écrivain à l’heure actuelle reste incarcéré dans les prisons algériennes. Qualifié d’“imposteur” par le Président algérien Tebboune, Sansal est aujourd’hui au centre d’une crise diplomatique qui ne cesse de s’aggraver[2]. Le Président Macron estime que l’Algérie se “déshonore” en ne libérant pas l’écrivain alors que l’ex Premier ministre Attal évoque la possibilité d’assumer le rapport de force. Dans une tribune parue sur Le Figaro, il préconise une relation nouvelle avec l’Algérie, dépassionnée mais fondée sur le respect des lois, des frontières et des intérêts entre les deux peuples. 

Si Boualem Sansal et Kamel Daoud sont devenus les cibles d’un pouvoir de plus en plus aux aguets, c’est qu’ils osent parler de ce qu’il vaut mieux taire : la décennie noire et la guerre d’Algérie, dite aussi d’indépendance ou révolutionnaire. Or, il suffit de feuilleter les nouveautés en librairie pour comprendre que l’Algérie et ses deux guerres intéressent les écrivains qui ont vécu même partiellement ou pas du tout ces temps-là. Amina Damerdji (1987), dans Bientôt les vivants, publié le 4 janvier 2024 toujours chez Gallimard, mêlant fiction et réalité historique, évoque le massacre survenu en septembre 1997 au village de Sidi Youcef par le biais d’un flash-back qui remonte jusqu’au mois d’octobre 1988 dans le but d’expliquer l’origine de la décennie noire. 

Par-delà ces deux auteurs, l’année 2024 a vu la publication d’un nombre considérable de livres écrits par des écrivains franco-algériens ou français tous consacrés à l’histoire récente et douloureuse de l’Algérie. Nina Bouraoui dans Grand Seigneur (JC Lattès) recompose le puzzle de la vie de son père dont la mort représente le dernier lien avec l’Algérie; Lolita Sene dans Un été chez Jida (Le Cherche midi) livre un récit déchirant d’une enfant d’une famille de Harkis violée par son oncle; Akli Tadjer dans De ruines et de gloire (Les Escales) évoque l’Algérie au lendemain des accords d’Évian lorsque le pays est ravagé par les attentats des deux camps. Dans Algérie, 1960. Journal d’un appelé, (Grasset) Bernard Ponty livre le quotidien d’une guerre qui n’ose pas dire son nom. Le manuscrit retrouvé par ses filles, et aussitôt publié, contribue, d’après l’historienne Raphaëlle Branche qui signe la préface, à comprendre l’histoire collective de ces années-là. Plus récemment, Clara Breteau dans L’avenue de verre (Seuil) compose un récit d’une quête intime e historique ; jouant sur les transparences et les opacités de l’histoire aussi bien familiale que coloniale, le roman s’efforce en effet de retrouver la mémoire ensevelie. 

Ces livres, qui ne forment absolument pas une liste exhaustive des dernières parutions, représentent tout de même le symptôme plus visible d’un syndrome algérien lié à un passé qui ne passe pas et dont les enjeux à la fois littéraires, politiques et mémoriels sont de plus en plus visibles. On serait tenté de croire que ce syndrome algérien existe pour de vrai, tel que le syndrome de Vichy étudié par Henry Rousso à la fin des années 1980. Il serait utile d’approfondir et d’enquêter les raisons qui ne cessent d’agiter et de hanter la France et l’Algérie au sujet des souvenirs de la guerre d’Algérie et de sa décennie noire.

Ce colloque international se propose donc de réfléchir autour de ces thèmes dans une perspective interdisciplinaire interpellant aussi bien les littérateurs que les historiens afin d’étudier ce célèbre syndrome algérien qui empêche d’éteindre les mémoires brûlantes entre les deux pays et leur équilibre national. Nous voudrions également considérer les multiples enjeux du syndrome afin d’en démêler tous les intérêts, aussi bien politiques, mémoriels que littéraires. 

 

Les propositions de communication (500 mots maximum) accompagnées d’une brève notice bio-bibliographique sont à adresser à fabio.libasci@uninsubria.it avant le 30 avril 2025.

La réponse du comité scientifique sera communiquée avant le 1er juin 2025. 

Les communications devront avoir une durée de 25 minutes. Le colloque se déroulera les 4 et 5 décembre 2025 à l’Université de l’Insubrie, Varèse. Une publication des actes est prévue. 

L’organisation du colloque ne prend pas en charge les frais de voyage et de séjour.

Langue du colloque: français

 

 

Comité scientifique 

Véronic Algeri - Università Roma Tre 

Andrea Brazzoduro - Università degli Studi di Napoli L’Orientale

Alessandra Ferraro - Università degli Studi di Udine

Maria Chiara Gnocchi - Università di Bologna

Tristan Leperlier - CNRS - Columbia University

Fabio Libasci - Università degli Studi dell’Insubria

Marco Modenesi - Università degli Studi di Milano

Paul-Max Morin - Université Côte d’Azur

Laura Restuccia - Università degli Studi di Palermo 

Anne Schneider - Université de Caen-Normandie - INSPE

Barbara Sommovigo - Università di Pisa

Valeria Sperti - Università degli Studi di Napoli Federico II

Sylvie Thénault - CNRS

Francesca Todesco - Università degli Studi di Udine 

 

Comité d’organisation et Direction scientifique

Fabio Libasci - Università degli Studi dell’Insubria

Barbara Sommovigo - Università di Pisa 


 
[1] Voir, Tristan Leperlier, « De la liberté d’expression en général, et de deux écrivains en particulier », « AOC », 13 décembre 2024. 
[2] Voir le dossier que « L’Express » nº 3838 du 23 janvier 2025 consacre à la question.